Le Pérou, aux origines...

Le Pérou fait partie, avec les cordillères volcaniques de l'Equateur et les hautes-terres de la Bolivie, de l'aire archéologique des Andes centrales. Le territoire péruvien, très varié dans sa géographie, est divisé en trois grandes zones : la "Costa" ou côte Pacifique, la "Sierra", c'est-à-dire la cordillère des Andes et ses hautes vallées, prolongées au Sud par l'Altiplano, et enfin la "selva", ou la région amazonienne. "Costa" et "Sierra" sont subdivisées encore chacune en trois régions : le Nord, le Centre et le Sud.
Sur la côte Pacifique, très aride, mais traversée par des vallées fluviales qui constituent autant de petites oasis, on a découvert - et on continue de découvrir - de nombreux vestiges archéologiques. Grâce à la grande sécheresse du climat, se sont conservés intacts des objets en matériaux périssables, tels que tissus, plumes ou bois, ainsi que des milliers de momies.
Dans la Sierra ont été également mises à jour des cultures très complexes. Par contre, dans la Selva, aucune ethnie n'a élaboré une culture matérielle aussi riche que celle des hautes terres ou du littoral.



Peintures rupestres de Mazo Cruz (photo Caretas) - Amphithéâtre de Caral (photo Caral Project)

Pour le grand public, l'histoire du Pérou débute avec les Incas. C'est exactement comme si l'on faisait commencer I'histoire de France avec Louis XIV... Le soleil des Incas - sous la plume des chroniqueurs espagnols et ensuite des autres historiens - acquit un tel rayonnement sur le public européen depuis le 17e s. (il en a été de même pour les Aztèques du Mexique), qu'il éclipsa tout ce qui avait pu se passer avant et ce d'autant plus aisément qu'on ignorait tout du reste. C'est seulement à partir des grands voyageurs américanistes du 19e s., et surtout lorsque l'archéologie fut devenue une science à part entière, que l'on découvrit que les civilisations anciennes du Pérou dépassaient en création artistique et en sens de l'humain, les réussites de la courte période des empereurs Incas, ère qui commence seulement à émerger de la légende à la fin du 14e siècle, c'est-à-dire pendant notre Moyen Age...
Pourtant, que de merveilles d'inventions artistiques dans la poterie, l'orfèvrerie, le tissage, sans oublier l'architecture - n'ont-elles pas été créées par les cultures oubliées de Chavín, Paracas et Nazca, ainsi que par celles des Mochicas, de Tihuanaco et des Chimú !... Quatre parmi celles-ci ont prospéré sur la côte, alors que Chavín et Tihuanaco, aux origines mystérieuses, sont nées dans des régions déshéritées des Andes, à très haute altitude.

L'apparition de l'homme au Pérou remonte à 25 000 ans. L'objet de ces pages n'est pas de prendre parti entre les grandes théories du peuplement de l'Amérique qui sont toujours en cours de discussion. La plus classique à ce jour est évidemment celle d'une migration en provenance de l'Asie du Nord-Est, qui franchit le détroit de Behring à la faveur de la glaciation, puis par l'Amérique Centrale, gagna le Sud de l'Amérique et les grandes forêts vierges de l'Orénoque et de l'Amazonie. Il en existe d'autres : celle d'une migration trans-Pacifique, que tenta de démontrer Thor Heyerdal avec son Kon-Tiki, puis une dernière plus récente que semble conforter les dernières études archéologiques: celle de foyers de peuplement purement autochtones qui peu à peu, par prolifération, par "buissonnement", se connectent et s'influencent pour se regrouper en ensembles de moins en moins distincts selon les obstacles que leur oppose la géographie andine.

Il importe par contre, de rejeter - et de combattre - un certain type d'élucubrations surgies dans les années 50, qui attribuaient à l'ancien Pérou des fondateurs tels que Assyriens, Egyptiens, Scandinaves, Aryens, Atlantes et autres Martiens qui se seraient servi des lignes de Nazca comme pistes d'atterrissage... En se plaçant dans le contexte de l'époque, on voit bien le dénominateur commun de toutes ces théories : le concept d'une race supérieure que ses propagandistes (la plupart inavoués) tentaient d'introduire en Amérique latine sous le couvert de l'archéologie, avec pour seul argument la théorie des ressemblances, qui à elle seule n'a jamais rien prouvé.


Il est maintenant confirmé que dès la fin du dernier épisode froid, connu aux Etats-Unis sous le nom de glaciation "Valders" (période qui correspond au haut-Holocène des géologues), les Andes centrales ont été habitées par de nombreux groupes humains, dont le mode de vie a déjà pu être partiellement reconstitué. Ces bandes nomades menaient l'existence typique des sociétés dites "archaïques", terme employé par les auteurs nord-américains, alors que les auteurs européens emploiraient plutôt dans ce cas celui de "mésolithiques".
Il faut attendre 20 000 ou 18 000 ans avant J.-C. pour voir le plus ancien habitant des Andes installé dans la grotte de Piquimachay près d'Ayacucho, et vers 10 000 avant J.-C., dans les grottes de Lauricocha, de El Guitarrero, de Telarmachay dans la Cordillère centrale, ou bien dans celles - ornées de peintures rupestres - de Toquepala et de Mazo Cruz (au sud du lac Titicaca), où cet Homo Americanus vivait de la chasse aux auquénidés et de la pêche dans les lacs de montagne. L'industie lithique est présente dans chacun de ces sites, comme les traces de pratiques magico-religieuses et de rites funéraires : l'Homme de Paiján (nord du Pérou) enterrait déjà ses morts en position foetale, en les entourant d'offrandes : cette forme d'inhumation sera la règle pendant des millénaires dans tout le Pérou précolombien.

A cette première période dite des "chasseurs-cueilleurs" généralement nomades, succède une phase de sédentarisation - probablement initiée à Ancón et à Paracas - qui s'étend progressivement sur la côte du Pérou à partir de noyaux humains de pêcheurs et de récolteurs de coquillages. On trouve là les premières traces d'habitat en dur, mais aussi un outillage assez varié : filets de pêche, paniers, pointes de harpons en os taillés et aussi les premières traces d'industrie textile.

Tableau chronologique des premières plantes cultivées au Pérou

époque plante site péruvien d'origine
- 10 000 frejol (haricot) Andes méridionales
- 8000 pomme de terre, Altiplano
- 8000 camote (patate douce), yuca (manioc), tomate Andes, Amazonie
- 7500 lúcuma, ají (piment), pallar (fève) El Guiterrero (Huaraz)
- 7000 zapallo (citrouille), calabaza (courge) El Guiterrero (Huaraz)
- 6000 olluco, quinua Ayacucho
- 4000 maïs, - domestication du lama et de l'alpaca El Guitarrero (Huaraz)
- 3500 coton Côte nord
- 3000 avocat, chirimoya - domestication du cuy (cochon d'inde) Côte nord, Andes centrales
- 2500 ciruela (prune), coca Selva alta
- 1000 ananas, grenade, guanábana Selva alta

Les premières plantes cultivées apparaissent au Pérou vers 8000 avant J.-C. En 6000 avant notre ère, on trouve des communautés d'agriculteurs primitifs, cultivant le piment, la courge, les haricots, la tomate et plusieurs variétés de tubercules qui aboutiront à la pomme de terre : aujourd'hui encore la grande fierté agricole du pays. On date généralement l'apparition du maïs au Pérou entre 4000 et 3000 avant J.-C. : il y aurait été introduit par des flux migratoires venus d'Amérique Centrale. En 2500 avant J.-C. ces sociétés commencent à construire leurs premières cités, où l'espace urbain est pensé et réparti selon les types d'activités et de pouvoir, comme le démontre la récente mise à jour du site de Caral au nord de Lima.
Enfin, c'est entre 2000 et 1500 avant J.-C. qu'apparaissent les premières traces de céramique et de sculpture, la plus fameuse étant celle du fameux relief des "Mains croisées" réalisée en boue séchée et mise à jour dans le temple de Kotosh au beau milieu de la Cordillère centrale du Pérou.


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©Daniel DUGUAY / dduguay@club-internet.fr


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