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Guide du Pérou |
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Ecosystèmes du Pérou
et problèmes environnementaux : l'Amazonie (3/3)
La Selva alta, ou montaña
Les flancs orientaux des Andes, que l'on appelle Selva alta, Montaña ou encore Ceja de selva forment une frange allongée du nord au sud du Pérou entre la cordillère orientale et les affluents de l'Amazone : rios Huallaga, Ucayali, Apurimac, Urubamba. Les Incas donnaient à toute cette région qui précédait le monde mystérieux et impénétrable de la forêt vierge, le nom de Rupa Rupa. Entre 2500 et 1200 m, la jungle s'annonce sous la forme d'une luxuriante forêt de brouillards où les arbres retiennent les nuages pour maintenir l'humidité nécessaire à la survie des végétaux. Sous les branchages, se nichent fougères et orchidées. On y trouve palmiers, bambous géants ou arborescents et, parmi les fleurs, orchidées, broméliacées, bégonias, impatiens, calcéolaires, fuschias et passiflores. Cette forêt tropicale est le lieu de prédilection du jaguar, de l’ours à lunettes et du tapir. On y croise aussi le cougar, le tatou, le pécari, le fourmilier, plusieurs dizaines d’espèces de singes, des perroquets, des alligators, des tortues, ainsi que toute une variété de serpents et d’insectes.
Paysage de la Selva alta : la vallée de Chanchamayo
L'une des plus riches et des plus exubérantes forêts de la Selva alta, étagée de 350 à 4200 m sur les versants de la vallée du Huallaga central, a été en grande partie sauvée par la création du Parque Nacional del Río Abiseo en 1983 - aujourd'hui classé sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO - occupant près de 275 000 ha dans une zone qui, par manque de voies de communication, est l'une des plus dépeuplé de la Montaña.
Malheureusement, cet ecosystème se voit fragilisé par la colonisation humaine et la déforestation y avance peu à peu, à un rythme peut-être moins soutenu qu'au Brésil, mais tout de même alarmant. Les terres fertiles de la Selva Alta sont devenues un véritable Eldorado pour le café, le thé, le cacao, sans parler de la coca qu'on y cultive depuis les temps préhispaniques. Depuis quelques années, la déforestation s'est accélérée pour libérer de vastes terrains réservés à l'élevage bovin, notamment dans les régions de Chachapoyas ou La Merced. Un autre péril est celui des forages pétroliers que le gouvernement péruvien tente d'accélerer dans les bassins du Marañon et du Huallaga, ainsi qu'à la frontière de l'Equateur, pays où ils avaient déjà provoqué un désastre écologique. Ces forages nécessitant des expropriations de communautés natives furent à l'origine des sanglants évènements de Bagua en juin 2009 (plusieurs dizaines de morts parmi les paysans et la police). Mais plus important encore est l'impact du gisement de gaz naturel de Camisea, situé dans le bassin du rio Ucayali et jugé vital pour l'indépendance énérgétique du Pérou : il a nécessité la construction de deux gazoducs longs de 580 et 680 km, provocant une énorme saignée de 25 m de large dans une portion de forêt correspondant au territoire ancestral des indiens Machiguenga, dans le département de Cuzco. En outre, le transport fluvial de matériel vers le site serait à l'origine de pollutions qui auraient, selon ces mêmes Indiens, fait disparaître 70 % de leur pêche traditionelle dans les eaux de l'Ucayali.
Le gazoduc de Camisea, pendant sa construction
Le bassin amazonien, ou Selva baja
Au dessous de la Selva Alta, et à partir d'une altitude inférieure à 800 m, la plaine amazonienne forme l'écorégion la plus étendue du pays (environ 750 000 km2). Son nom en quechua est Omagua : c'est l'ancien Antisuyo des Incas qui tentèrent d'y pénétrer, sans grands succès, pas plus que les conquérants Espagnols, d'ailleurs. Son climat tropical est marqué par des températures relativement constantes, avec des moyennes mensuelles comprises entre 24 et 26° (18° mini et 36° maxi). Son taux d'humidité est généralement supérieur à 75% et les précipitations très abondantes, avec des valeurs moyennes de 3810 mm. On sait que le volume annuel moyen de précipitations pour maintenir la forêt humide varie entre 1800 et 2000 mm. Si pendant quelques mois, on assiste à des précipitations inférieures à 100 mm, les effets du manque d'eau se font immédiatement sentir sur la végétation : apparaît alors un type de forêt équatoriale plus sèche qui voit l'appartion d'espèces végétales à feuilles caduques.
Les sols amazoniens sont assez hétérogènes, la plupart d'origine fluviale : couches de sédiments apportés des Andes depuis des millions d'années. On y trouve des sols argileux rouges et jaunes, peu fertiles, occupant généralement des terrasses anciennes, non inondables. qui représentent près de 50% de la surface de la Selva baja. Les sols jeunes ses retrouvent dans les secteurs mal drainés qui subissent des inondations annuelles ou demeurent dans l'état permanent de marais (pantanos).
Dans le bassin amazonien, la flore revêt une richesse indescriptible. L’immense fromager (ceibo) au tronc gris et lisse comme une colonne, l’hévéa dont la sève fournit le caoutchouc, l’ébène ou le palissandre rivalisent de hauteur au sommet de la canopée, tandis que d’autres, palmiers, figuiers, étirent des racines tentaculaires audessus des marécages. Parmi toutes ces variétés, la plus précieuses pour les peuplades natives de l'Amazonie est l'aguajal, un palmier des zones inondables, plus connu sous le surnom d'arbre à pain : ses fruits rougeâtres (qui ressemblent un peu à une grenade quadrillée) furent pendant longtemps l'une des bases de l'alimentation des Indiens qui se servent aussi de ses feuilles pour recouvrir le toit de leurs huttes ou tresser des paniers. Au sud-ouest d'Iquitos, entre les Rios Marañon et Ucayali, l'immense Réserve nationale de Pacaya-Samiria (plus de 2 millions d'ha) est le meilleur exemple - et le plus facilement visitable - de forêt inondable, écosystème également appelé "aguajal" : entre mi-octobre et mi-mars l'eau des fleuves inonde une grande partie de la jungle dont la végétation touffue se voit alors submergée d'un réseau de petits bras de rivières et de lagunes dont le niveau monte et descend au fil des crues des fleuves qui l'entourent. C'est la meilleure époque pour observer la faune aquatique, comme le lobo de rio (loutre géante), le dauphin rose d'Amazonie ou encore le paiche, le plus grand posson d'eau douce du monde.
Une palmeraie d'aguajales - l'arbre à pain, avec ses fruits
L’Amazonie compte quantité d’oiseaux colorés (aras, perruches, perroquets, colibris, toucans), qu’il est possible d’apercevoir à l’aube dans les clairières aux falaises argileuses. Parmi les mammifères de la forêt humide figurent les singes hurleurs, les paresseux, les pécaris, les fourmiliers, les tatous, les dauphins d’eau douce, ou botos dont on peut voir de beaux spécimens dans la réserve de la Laguna de Quistococha près d'Iquitos. Tout autour évoluent des papillons multicolores et de minuscules colibris, ainsi qu’un grand nombre de reptiles, de batraciens et d’insectes.
Tout au sud-est du Pérou, en bordure du Rio Heath, qui délimite la frontière bolivienne, on distingue un écosystème particulier, la Sabana de Palmeras, au relief assez plane, avec quelques collines de basse altitude. Cette écorégion qui s'étend entre le Madre de Dios et le nord du département de Puno a pour particularité de se voir recouverte d'une abondante végétation lors de la saison des pluies (de mai à octobre) et de présenter un paysage tout à fait différent lors de la saison sèche, où elle se convertit en une vaste steppe assez semblable aux grandes étendues du Chaco, aux confins de la Bolivie et du Paraguay. Cette zone est protégée par son statut de "Sanctuaire National des Pampas du Rio Heath".
Les grandes réserves censées protéger l'Amazonie péruvienne ont pour la plupart été crées dans les années 1970 et 1980, comme celle de Pacaya Samiria près d'Iquitos, la plus vaste de toutes (21 000 km2), le Parc National du Manu (inscrit au Patrimoine de l'humanité par l'UNESCO) et la Réserve Naturelle de Tambopata-Candamo, ces deux dernières situées dans le bassin du Madre de Dios. On pensait alors pouvoir concilier progrès économique, développement touristique et protection de la biosphère. Hélas, ces efforts sont en voie d'être anéantis depuis la nouvelle fièvre de l'or qui a touché cette région à partir de 2005.
Site d'extraction illégal dans le Madre de Dios (Photo SPDA Actualidad Ambiental)
L'orpaillage : un désastre annoncé
20 000 ha de forêt tropicale sont en cours de destruction à cause de la fièvre de l'or en Amazonie péruvienne. La montée des cours du métal précieux ayant fait exploser le développement de l'extraction minière "informelle" dans le département du Madre de Dios, en limite du Brésil et de la Bolivie.
Les ingénieurs des mines et les écologistes réclament du gouvernement péruvien une régulation de l'achat et de la vente du mercure, élément utilisé pour l'extraction de l'or, qui est l'une des principales causes de l'empoisonnement des rivières et de la déforestation. Selon les Douanes péruviennes, l'importation de mercure a été multipliée par deux entre 2005 et 2009, passant de 75 000 kilos en 2006 à 132 000 kilos en septembre 2009. D'après des sources AFP, on trouverait le log du cours du Madre de Dios près de 30 000 travailleurs informels équipés de matériel lourd et établis dans de gigantesques campements ou villages précaires, par ailleurs entourés de décharges remplies de produits toxiques... Pour Antonio Brack, écologiste reconnu et ministre de l'environnement du Pérou, ces campements sauvages ne respectent même plus les parcs nationaux, les aires protégées ou les territoires indigènes. Toujours selon lui, les 25 % de la production d'or du Pérou (qui en est le sixième producteur mondial) proviendrait de l'activité minière illégale implantée dans le déapartement du Madre de Dios : ce serait l'un des plus grands désastres écologiques survenus en Amazonie, contre lequel son gouvernement tenterait de lutter, mais en ne pouvant qu'en ralentir les effets...
(Adaptation d'un article tiré du site Oro y Finanzas daté de 2009. Sur ce site, on peut lire - en espagnol - un article de janvier 2012 encore plus alarmant, où le nombre de mineurs illégaux est désormais estimé entre 40 000 et 50 000 personnes.Texte original de cet article : www.oroyfinanzas.com/2012/01/la-mineria-ilegal-de-oro-amenaza-la-amazonia-peruana/
Autres pages :
Écosystèmes et problèmes environnementaux :
La côte Pacifique (1/3)
Les Andes (2/3)
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