Guide du Pérou

Histoire du Pérou contemporain

L’émancipation (début du 19e s.)
De l’histoire coloniale du Pérou – qui fut brillante et raffinée – on ne retient plus guère  que deux épisodes bien différents : au milieu du 18e s., les amours du vice-roi Amat avec une fameuse courtisane, la Périchole, qui inspirèrent un opéra d’Offenbach, et plus tard le film de Max Ophuls, Le Carrosse d’Or. Pour les beaux yeux de son aimée, le vice-roi remodèle Lima et en fait une capitale somptueuse. Mais pendant ce temps dans les Andes, le fils d’un cacique indien, un certain Gabriel Condorcanqui, qui a pris le nom de Tupac Amaru, va jeter son petit grain de sable. Révolté par les abus des Espagnols commis contre ses frères, il réunit une troupe nombreuse et mit plusieurs fois en déroute les détachements royalistes envoyés contre lui. Il est finalement capturé et éxécuté sur la grande place de Cuzco en 1781. La grande et noble figure deTupac Amaru est aujourd’hui considérée comme le symbole des précurseurs de l’Indépendance. Il y avait déjà eu des révoltes indiennes au cours du 17e s., noyées dans le sang. Mais après cet épisode, un divorce profond s’installe entre la couronne d’Espagne et les populations indiennes et métisses du Pérou.


Proclamation de l'Indépendance du Pérou par José de San Martin (1821)

La lutte pour l’émancipation n’en sera pas moins longue et difficile. Elle est initiée par le général argentin José de San Martin qui venant du Chili, débarque à Pisco en 1820 et marche sur Lima, où il proclame l’indépendance le 28 juillet 1821. Une longue guerre commence alors contre les forces espagnoles dont le vénézuélien Simon Bolivar triomphe lors de la bataille livrée sur le haut-plateau de Junin (août 1824); parachevée par son lieutenant Antonio José de Sucre lors de la décisive bataille d’Ayacucho (décembre 1824) livrée contre l’armée du vice-roi José de La Serna, qui doit capituler. Les Espagnols se retrancheront dans le fort du Callao jusqu’en 1826 et nourriront encore le désir de reprendre le Pérou en 1866 (combat du 2 mai, livré dans la rade de Callao, où les Péruviens réussissent à repousser leur escadre). La colonne de la populaire place Dos de Mayo à Lima, commémore ce glorieux épisode.

La république et le temps des caudillos (19e s.)
S’ouvre alors une époque difficile et troublée. Le premier Congrès de la jeune république déclare l’abolition de tous les titres de noblesse en 1823, mais les grandes familles espagnoles parviennent à conserver leur position dominante, au détriment des caciques Indiens des zones rurales qui faute d’éducation et d’influence, peinent à faire reconnaître l’antériorité de leurs droits. Les différents partis civils et militaires du Pérou républicain vont prendre plaisir à s’entre-déchirer pendant vingt ans, un peu à l’image des luttes qui avaient opposé entre eux les conquistadors trois siècles auparavant. Le chapitre le plus malheureux de cette histoire tourmentée est celui de l’éphémère confédération Péruano-Bolivienne du maréchal Andrés de Santa Cruz, combattue par les légalistes péruviens puis finalement défaite lors de la bataille de Yungay (1839) avec l'aide de troupes chiliennes. Présidents et généraux se combattent et se renversent allègrement durant une longue période d’anarchie jusqu’à la « révolution libérale » de Ramón Castilla, président de 1845 à 1862. Cet ancien compagnon de San Martin réussit enfin à stabiliser les institutions politiques et proclame l’abolition de l’esclavage des noirs en 1854 : il fait entrer le pays dans la modernité et demeure comme la plus grande figure du Pérou républicain au 19e s.


Billet de 100 intis (1990) à l'effigie de Ramón Castilla

Déjà, à partir de 1840, l’exploitation du guano, la formation de grandes propriétés consacrées à la production de sucre et de coton et la modernisation de l’industrie minière avaient fait entrer le Pérou dans un pré-capitalisme générateur d’une certaine prospérité – dont l’oligarchie terrienne et quelques investisseurs étrangers, anglais pour la plupart, étaient bien les seuls à profiter. Les Indiens de leur côté, n’auront fait que changer de maîtres et servent, comme jadis, de main-d’oeuvre corvéable à merci, demeurant dans les mêmes conditions de vie misérables. Quelques révoltes éclatent ici ou là, mais vite réprimées, leur souvenir est aussitôt effacé. Le fait nouveau cependant, dans cette seconde moitié du 19e s., est que certaines classes moyennes de province, elles aussi étouffées sous le joug des hacendados et des gamonales, commencent à regarder d’un oeil plus compatissant les luttes indigènes. Cette sympathie croissante donne alors lieu à la naissance d’associations de protection et de défense des Indiens qui seront plus tard à l’origine d’un courant de pensée appelé « indigénisme » lequel finira par traverser toute l’histoire politique, culturelle et associative du Pérou.

Entre civils et généraux (20e s.)
Après la malheureuse Guerre du Pacifique, dite aussi « guerre du salpêtre » (1879-1883) perdue contre les Chiliens qui parviennent jusqu'à Lima, le Pérou est amputé de ses provinces du Sud (Arica, Iquique) et perd surtout la possession des nitrates du désert d’Atacama – cause réelle du conflit - tandis que son alliée, la Bolivie perd son débouché sur la mer, dont elle réclame aujourd’hui encore la restitution. De ce désastre, le Pérou va se relever assez rapidement grâce à l’augmentation du cours des matières premières (mines, agriculture) vers 1890. De nouvelles richesses apparaissent, cette fois en Amazonie : c’est le boom du caoutchouc, ou caucho, qui va durer de 1895 jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Il fait surgir du néant la ville d’Iquitos et voit naître des fortunes inimaginables, là aussi conquises au détriment des populations natives de la selva, au prix d’une exploitation féroce qu’on a dénoncé sous le terme de « folie sanglante » voire même de génocide.

A partir de 1895 et de la révolution « civiliste » de Nicolas de Pierola, une république démocratique et civile s’instaure; le Pérou connaît alors sa Belle Époque et se dote d’infrastructures : routes, ports, chemins de fer, mais aussi d’institutions plus stables. Lima se modernise et sa population augmente rapidement grâce à la naissance d’un secteur industriel nouveau. La grande figure et l’artisan de cette mutation profonde est Augusto B. Leguia, qui gère le Pérou en homme d’affaires avisé de 1908 à 1930, avant de verser dans le pouvoir personnel et finalement la dictature. Il est renversé par un jeune général idéaliste, Sanchez Cerro qui ramène l’armée au pouvoir, réprime brutalement le soulèvement populaire de Trujillo en 1932 (6000 morts) puis finit assassiné en 1933, en revenant de l’hippodrome.

Commence alors la longue et parfois funèbre valse des généraux, qui ne laisseront qu’en quelques rares occasions le pouvoir aux civils pour le leur arracher aussitôt. Parmi ces tempos militaires, celui du général Manuel Odria (1948-1956) fut farouchement combattu par la gauche, autant que celui du général Luis Velasco Alvarado (1968-1975) le fut par la droite. Anti-impérialiste par conviction (c’était dans l’air du temps) sans doute inspiré par le modèle yougoslave, mais sans être vraiment communiste, ce dernier mena une politique de nationalisations jusqu’au-boutiste et une réforme agraire radicale aux résultats discutables et d’ailleurs toujours discutés.


Les grandes figures des années 1950 et 1960 : Le général Odria - Victor Raúl Haya de la Torre - Fernando Belaúnde Terry - Juan Velasco Alvarado

Les militaires ne lâchent le pouvoir qu’en 1980, au terme des travaux d’une assemblée constituante présidée par le vieux et légendaire leader de l’APRA (populiste de gauche), Victor Raúl Haya de la Torre (1895-1979) qui avait passé toute sa vie dans l’opposition, maintes fois exilé et emprisonné. L’architecte Fernando Belaúnde Terry (centre-droit) retrouve le fauteuil présidentiel qu’il avait du abandonner précipitamment un petit matin de 1968, lorsque les soldats du général Velasco l’avaient jeté en pyjama dans un avion en partance pour l’exil. Avec le retour de Belaúnde, salué même par ses adversaires comme un homme politique foncièrement honnête, compétent, cultivé et profondément humaniste, le Pérou respire enfin, voyant avec espoir s’ouvrir une nouvelle ère de paix civile et de vie démocratique.
C’est alors qu’éclate la guérilla du Sentier Lumineux.

Naissance du Sentier Lumineux
Au début des années 1960, il y avait bien eu quelques tentatives de guérillas révolutionnaires au Pérou, menées par le leader trotskyste Hugo Blanco, puis le poète communiste Javier Heraud, mort criblé de balles dans le bassin du Madre de Dios en 1963, ou encore Luis de La Puente Uceda, animateur, avec plusieurs jeunes intellectuels, du MIR, d’inspiration castriste, qui en 1965 résista pendant quelque mois à l’armée dans la vallée de la Convencion. Ces foyers furent vite éteints et certains de leurs protagonistes, comme le trotskyste Hugo Blanco, finirent même par se retourner plus tard vers la politique parlementaire.

Les échecs répétés de ces mini-guerrillas des années 60 avaient eu un spectateur aussi attentif qu’intéressé dans la personne d’un obscur petit professeur d’histoire à l’université d’Ayacucho : Abimael Guzman. Dissident du Parti communiste péruvien, il devient pro-chinois dans les années 70, puis ses théories basculent vers une sorte de maoïsme agraire et dictatorial selon lequel les masses paysannes et les travailleurs pauvres doivent s’emparer du pouvoir, en éliminant physiquement tous les suppôts petits-bourgeois, y compris les intellectuels. Son idée était de transposer au Pérou la dictature des Khmers Rouges de Pol Pot au Cambodge, ni plus ni moins. Il baptise son mouvement Sendero Luminoso en hommage à une phrase de José Carlos Mariategui (fondateur du parti communiste péruvien dans les années 1920) : « le marxisme-léninisme ouvrira le sentier lumineux vers la révolution ».

A partir de son foyer d’Ayacucho, où il recrute ses premiers membres parmi les paysans pauvres, le Sentier Lumineux s’étend comme une trainée de poudre au début des années 1980 dans toute la cordillère centrale, les versants amazoniens, puis les principales villes du Pérou jusqu’à couvrir l’ensemble du pays en seulement deux ou trois ans. Preuve que l’exaspération des couches défavorisées était parvenue à son comble et qu’Abimael Guzman avait vu juste – au moins sur un point - en pensant y trouver, dans la période, un terreau favorable. Les futurs évènements politiques et la situation économique du Pérou vont servir de détonnateur et l’aider considérablement.

Les années noires du terrorisme
Aux élections de 1985, l’APRA arrive enfin au pouvoir grâce au jeune et talentueux successeur de Haya de la Torre, Alan Garcia, qui l’emporte sur le candidat de la gauche unie, le socialiste Alfonso Barrantes, maire de Lima. Plus jeune président de l’histoire du Pérou à 36 ans, magnifique orateur, superbe démagogue, il enchante les foules en leur promettant à peu près tout, et de fait, il baisse les impôts et impose le bloquage des prix. En même temps, le vieil appareil de l’APRA qui l’entoure, depuis si longtemps frustré du pouvoir, met la main sur tous les postes et par un clientélisme forcené, favorise le retour de la corruption et des scandales. En 1986, Alan Garcia commet l’erreur fatale de vouloir nationaliser le secteur bancaire, provoquant une véritable jacquerie des classes moyennes qu’il se met irrémédiablement à dos. L’économie péruvienne est ruinée : la monnaie nationale est dévaluée de semaine en semaine et  en deux ans, l’inflation atteint le taux record de 10 000% !

Pendant ce temps, le Sentier Lumineux se déchaîne en une série d’attentats et de massacres qui ensanglantent les villes et les campagnes : des centaines de milliers de paysans pauvres fuient la région d’Ayacucho pour s’agglutiner dans les bidonvilles de Lima. Ceux qui restent sont les victimes alternativement de la cruauté des petits groupes du Sendero qui font des descentes dans les villages pour tuer les autorités locales pour l’exemple, ou bien des rafles des commandos de l’armée qui les soupçonnent sans discernement d’aider la rebellion. Disparitions, tortures, éxécutions sommaires et découvertes de charniers sont monnaie courante dans les vallées de la cordillère centrale tout au long de cette période, décrite par Mario Vargas Llosa dans son roman Lituma dans les Andes. Le président Garcia laisse les mains libres aux militaires. La violence et la terreur se propagent à Lima, qui connaît des attentats meurtriers et de gigantesques pannes d’électricité dues au sabotage des pylones dans la cordillère. Le couvre-feu y est décrété. Les attentats se multiplient et en 1986, une mutinerie de détenus sendéristes du centre pénitentiaire du Fronton, situé sur un ilôt rocheux proche de Callao, est violemment réprimée par la marine (près de 200 morts).


Les années de terreur du Sentier Lumineux (photos Museo de la Nación)

Au milieu de ce chaos, un autre groupe terroriste, le MRTA, d’une obédience marxiste plus classique, est apparu sur le devant de la scène et tente de rivaliser avec le Sentier Lumineux, d’abord dans le département de San Martin avant d’étendre son influence dans les périphéries urbaines. Il n’y aura pas de fraternité révolutionnaire : pendant plusieurs années, les règlements de comptes entre les deux groupes seront impitoyables et sanglants. Son leader est Victor Polay Campos ; capturé une première fois en 1989, il s’évade de façon rocambolesque avec 46 de ses compagnons, avant de retomber définitivement en 1992.

Ascension et chute d’Alberto Fujimori
En 1990, au terme d’une campagne électorale échevelée où Alan Garcia, trop discrédité, ne pouvait songer à se représenter, l’écrivain Mario Vargas Llosa, donné comme grand favori des élections, est battu sur le fil par un candidat jusqu’alors inconnu: Alberto Fujimori. Ce dernier, fils d’immigrants japonais, né en 1938, était jusqu’alors doyen de la faculté des sciences à l’Université nationale agraire. Il avait crée son propre petit parti avec une poignée de sympathisants et mené sa campagne avec peu de moyens, mais son parler-vrai avait séduit les couches populaires. Homme froid et méthodique, il applique aussitôt après son investiture une politique ultra-libérale de réduction des dépenses publiques et de privatisations à tout-va et indexe la monnaie nationale sur le dollar, suivant les recommandations du FMI. Les résultats positifs se font rapidement sentir dans les premières années de son mandat, grâce au retour des investisseurs étrangers, notamment asiatiques, qui voient surtout dans le Pérou un réservoir de main d’oeuvre à bon marché. Les couches populaires qui ont élu « El Chino », comme on le surnomme, sont les premières à bénéficier de cette bulle de prospérité, qui se dégonflera assez vite, devant une crise financière et un chomage grandissant.


Mario Vargas Llosa : un écrivain en campagne (1990)

Le Parlement n’étant pas suffisamment à sa botte, il le dissout en avril 1992 et suspend la Constitution par ce qu’on nomme en français un « pronunciamento » et en espagnol un auto-golpe, c’est-à-dire un auto-coup d’état, avec il est vrai le soutien des militaires auxquels il a donné carte blanche pour réduire par tous les moyens la guérrilla du Sentier Lumineux. La classe politique traditionnelle crie à la dictature : qu’importe. Fujimori sait qu’il a encore le soutien d’une grande majorité du peuple péruvien, qui voit en lui l’homme providentiel qui délivrera le pays du terrorisme et mettra fin à la « sale guerre ».

Coup de tonnerre : le 12 septembre 1992, Abimael Guzman tombe, capturé dans une maison de la banlieue de Lima où il se terrait depuis des mois. A l’annonce de cette nouvelle, les péruviens sortent dans les rues pour fêter l’événement. Devant les caméras, Guzman est exhibé en tenue de bagnard dans une cage de fer d’où il hurle, en levant le poing, un dernier discours imprécateur se terminant par « vive la république populaire du Pérou ! ». Condamné à la réclusion à perpétuité par un tribunal militaire, il est incarcéré dans une cellule de la base navale de Callao, dans un isolement total. Cet énorme succès permet à Alberto Fujimori de briguer en 1994 un deuxième mandat, qu’il remporte en devançant Javier Pérez de Cuellar, l’ancien secrétaire général des Nations Unies. Il doit faire face, en janvier 1995 à un conflit frontalier avec l’Equateur qui se termine en statu quo sous la pression des Etats-Unis et de l’OEA (Organisation des Etats Américains).

L’embellie économique des années 1990-93 s’est essoufflée. Sur fond de difficultés internes, la spectaculaire prise d’otage (décembre 1996-avril 1997) menée par le MRTA dans la résidence de l’ambassadeur du Japon à Lima, permet à Fujimori de redorer son blason. L’opération se solde par la mort des 14 guérilleros y ayant participé, sans doute exécutés sur place par les commandos de l’armée : dans les minutes qui suivent, le président Fujimori apparaît alors en direct à la télévision, escaladant les escaliers de la résidence, jonchés de cadavres, parmi lesquels celui de Nestor Cerpa, un ancien syndicaliste devenu leader du MRTA, mouvement qui disparaît définitivement dans ces décombres.

L’arrestation, en juillet 1999, du successeur provisoire d’Abimael Guzman, Oscar Ramirez Durand, alias le « Président Feliciano » porte un coup fatal à l’organisation sendériste dont les derniers éléments armés se replient, pourchassés vers la vallée du rio Huallaga, par petits groupes ne livrant plus que des actions sporadiques, avant de finir comme milices à la solde des narco-trafiquants. Depuis 2002, il semble attesté que ces derniers maquis résiduels auraient établi des contacts avec les cartels colombiens de la drogue et recevraient des armes de la part des FARC. La guerra sucia (la «sale guerre ») aura fait en vingt ans plus de 31 300 victimes...


Abimael Guzman après son arrestation (1992) - Alberto Fujimori et le sulfureux Vladimiro Montesinos, à l'époque de leur procès.

Accusé de plus en plus ouvertement de népotisme, Alberto Fujimori est éclaboussé par les agissements de son sulfureux conseiller spécial et chef des services secrets, Vladimiro Montesinos, lui-même impliqué dans l’affaire des « disparus de l’Université de la Cantuta » groupe d’étudiants d’extrême gauche dont on retrouvera les ossements calcinés dans une décharge publique. En 2000, Fujimori se présente à nouveau, bien que la Constitution de 1993 ne lui en donne pas le droit : il argumente alors que son premier mandat était antérieur à celle-ci. Le jury national des élections, tout à sa dévotion, acquiesce. Dans un climat de soupçon et de fraude (Alberto Fujimori est arrivé en tête du premier tour avec un étonnant 49,9% des suffrages), le principal opposant du président, Alejandro Toledo, chef du parti Perú Possible refuse de participer au  second tour des élections prévu le 28 mai, faute de garanties sur l’équité du scrutin. Demeuré seul en lice, Alberto Fujimori remporte donc les élections, mais le lendemain, des observateurs internationaux condamnent la validité du scrutin et l’OEA refuse de reconnaître Fujimori comme chef  de l’État. Quelques semaines plus tard, de violentes manifestations étudiantes font deux morts dans le centre de Lima. Après quelques mois d’indécision et la découverte de nouvelles malversations ourdies par Vladimiro Montesinos, Fujimori s’envole pour un voyage officiel au Japon… d’où il envoie sa démission le 16 septembre, par un simple fax. Et l’on pourra lire dans le journal El Comercio du lendemain : «La réaction du peuple péruvien  qui appuyait Fujimori dix ans plus tôt est passée de la surprise à l’explosion de joie. Sans avoir été convoqués, les citoyens se sont spontanément réunis pour faire la fête sur la Plaza Mayor de Lima».

L'après-Fujimori
En 2001, Alejandro Toledo est élu à la présidence, devançant le revenant Alan Garcia qui avait passé l’ère fujimoriste en exil. Malgré une indéniable embellie économique, son mandat ne laissera pas un souvenir impérissable : il l’achève avec une cote de popularité frisant les 10%.

Populisme pas mort : au scrutin de 2006, les Péruviens ont offert une seconde chance à l’obstiné Alan Garcia, de préférence au remuant et surtout assez indiscernable Ollanta Humala, représentant d’une nouvelle extrême-droite à la fois anti-impérialiste, raciste et pro-Chavez. Ce dernier, depuis Caracas, fit ostensiblement la propagande d’Humala, sans prendre de gants et Alan Garcia sut habilement retourner l’opinion en présentant cette intervention comme une insupportable ingérence.

Alberto Fujimori, arrivé du Japon au Chili, tenta sans succès de participer à l’élection, certainement pour parer aux poursuites déclenchées par un mandat d’arrêt international émis contre lui par la Cour suprême du Pérou en 2003. En août 2007, le Chili accède aux demandes d’extraditions réitérées du gouvernement péruvien et  Alberto Fujimori est ramené à Lima, pour y être jugé pour corruption et violation des droits de l’homme. En avril 2009, il est condamné à 25 ans de prison pour violation des droits de l'homme pendant sa présidence, peine confirmée par la Cour suprême du pays le 2 janvier 2010. Il est également condamné à sept ans et demi de prison pour détournement des fonds avec lesquels il a payé Vladimiro Montesinos, chef de ses services de renseignement. Il est aussi reconnu coupable d'avoir suborné des députés d'opposition, des journalistes, et de s'être livré à des mises sur écoute téléphonique d'opposants, de journalistes, et d'hommes politiques, y compris Mario Vargas Llosa ou Javier Perez de Cuellar.

Sa fille aînée, Kuko Fujimori reprend le flambeau et entre en politique à son tour, comptant sur l'appui des classes populaires des banlieues pauvres de Lima, qui avaient soutenu son père. A la fin du second mandat d'Alan Garcia, en juin 2011, elle parvient au second tour de l'élection présidentielle, battue de peu par Ollanta Humala (51% des suffrages), l'ancien extrêmiste ultra-nationaliste de 2006 qui entretemps, avait revêtu un costume plus respectable de défenseur des libertés publiques et de champion de la lutte contre la corruption. Sa victoire fut célébrée à gauche par ses anciens détracteurs, y compris parmi les rangs de l'APRA et jusque par Mario vargas Llosa lui-même.


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