Guide du Pérou

Merveilles de la cuisine péruvienne

A juste titre, le Pérou tire grand orgueil de sa gastronomie. Pour tordre le cou à certains préjugés, la cuisine péruvienne traditionnelle, ou comida criolla (par opposition à la cuisine internationale), n’est pas aussi épicée que la cuisine mexicaine ou antillaise. A vrai dire, elle manifeste même une subtilité inégalée en Amérique latine. Il faut dire qu’elle conjugue les richesses de la mer, une antique tradition agricole née dans les Andes (pomme de terre, maïs, céréales) et une innombrable variétés de fruits venant des régions amazoniennes, le tout se déclinant dans une étonnante mosaïque de spécialités régionales.


Le ceviche vous attend, sur la plage de Pimentel (photo D. Duguay). 

A la fin du 19e s., deux influences achevèrent de lui donner son cachet actuel : celle des émigrants italiens, principalement ligures, arrivés entre 1880 et 1860, et au même moment celle de la cuisine cantonaise, apportée par les nombreux coolies chinois embauchés pour travailler à la construction des chemins de fer. Le mot "Chifa" désigne au Pérou un restaurant chinois ou encore la cuisine chinoise. Son berceau historique est le Barrio Chino, ou quartier chinois de Lima. Il y a des milliers de chifas à Lima et dans les grandes villes du Pérou : la cuisine de chifa forme, à côté de la cuisine créole, l'une des deux composantes de la gastronomie péruvienne. Un siècle plus tard, une nouvelle influence se fait sentir : celle des nisei, enfants de japonais émigrés au Pérou. La rencontre entre les deux pays du poisson cru, de chaque côté du Pacifique, produit une gastronomie dite "de fusion" à base de produits de la mer, inventive et très tendance, surtout à Lima et sur la côte du Pérou. Dans la sierra, en revanche, une autre mode est de redécouvrir la richesse et les saveurs oubliées des céréales et des légumes cultivés au temps des Incas en les combinant avec des recettes actuelles : c'est la fameuse cuisine dite"novo-andine", parfois savoureuse, mais le plus souvent touristique.
Partout, le condiment principal est l'Aji, nom péruvien (mais d'origine caraïbe, c'est-à-dire probablement arawak) du piment, qui est appelé chili en Amérique centrale et au Mexique. Mais au Pérou, la nourriture y est beaucoup moins épicée : on trouve toujours sur les tables des restaurants un petit pot de piment jaune ou vert : le client se sert à sa convenance.

Les richesses de la mer
Vedette incontestée des recettes de la côte, le ceviche (s'écrit aussi cebiche) est un plat de poisson blanc, émincé et cuit dans du jus de citron vert, accompagné d’oignons rouges, d’un soupçon de piment rouge haché menu, et servi avec du camote (patate douce) ou un épi de maïs bouilli. Les saveurs tiennent à la qualité du poisson, mais aussi au jus citronné, le leche de tigre. Le ceviche mixto associe le poisson à des morceaux de calamars ou de poulpe. Le filet de poisson blanc du Pacifique – corvina (bar), lenguado (sole) ou mero (mérou), parmi beaucoup d’autres –, suscite une foule d’autres préparations : on le sert frito (frit), apanado (pané), a lo macho (avec crevettes et coquillages), arrebozado (recouvert d’oignons émincés), al ajo (dans un jus à l’ail), a la chorillana (c’est-àdire à la mode de Chorrillos, avec poivrons et tomates sautés, le tout parfumé au cumin), en tiradito (finement tranché, comme un carpaccio), en chicharrones de pescado (morceaux de poisson panés et frits comme des beignets), enrollado (roulé et farci d’une sauce de langoustines), a la meunier (à la meunière, influence française), ou en salsa de ostión (à la sauce d’huître, influence chinoise), etc.
Fruits de mer et crustacés garnissent la carte des entrées : chupe de camarones (soupe épaisse de gambas, de morceaux de poisson, de pommes de terre et d’oeuf), parihuela (sorte de bouillabaisse péruvienne), jalea (friture de coquilles, du genre pétoncles, poulpes et calamars en beignets, moules, crabes, escargots de mer… Très populaires, les choritos a la chalaca (moules à la mode de Callao) sont de grosses moules recouvertes de tomates, de persil et d’oignons finement coupés, le tout mariné dans du jus de citron vert.

Les viandes
Héritier des cuisines créole et chinoise, le lomo saltado est une autre institution : il s’agit d’un émincé de boeuf sauté à la poêle avec un filet de vinaigre. Peu avant de le servir accompagné d'une boule de riz, on y ajoute des quartiers de tomates et de pommes de terre sautés à part avec des oignons rouges, parfois aussi quelques petits pois : le mélange des jus de viande et de légumes est un régal pour les papilles. Suivant la même recette, le tallarin saltado, où le poulet remplace parfois le boeuf, est servi avec de gros spaghettis. Tout aussi savoureux… et nourrissant, ce plat est une version locale des nouilles sautées, apportées à Lima par les émigrants chinois à la fin du 19e s.
Plat typique du nord du Pérou, le seco de cabrito est une viande de chevreau cuite à l’étouffée, servie avec une sauce à la coriandre et souvent accompagnée de riz et de haricots. Le seco de cordero est la même recette appliquée à l’agneau. De la même région vient le ceviche de pato (ceviche de canard), sauté et mijoté avec ail, oignons, zestes d’orange, cumin et coriandre. Plus que du piment, généralement ajouté en petites quantités, la saveur de ces plats provient des herbes aromatiques : coriandre, huacatay, hierba buena,etc.
L’ají de gallina (piquant de poule) est un émincé de poulet mélangé à une épaisse sauce au fromage et au piment jaune. Le cau cau est un plat de tripes coupées en dés et mijotées avec oignons, vin blanc et safran. La célèbre pachamanca est un plat de fête ou de dimanche, typique de la vallée du Rimac : dans un trou creusé dans le sol et tapissé de feuilles de bananier, on fait cuire des viandes et des légumes entre un lit de pierres chauffées à blanc.
Fréquents dans les marchés, ou même dans la rue, les anticuchos sont l'un des plats les plus répandus de la cuisine traditionnelle péruvienne : il s'agit de brochettes (en général de coeur de boeuf) que l'on déguste avec une sauce assez épicée, un épi de maïs bouilli et des pommes de terre dorées. Autre plat populaire, les chicharrones sont des rillons, ou morceaux de viande de porc (avec la peau et la couenne) que l'on fait frire dans leur graisse. Pas très bon pour le cholestérol, mais les Péruviens en raffolent au petit déjeuner !

Parmi les plats typiques de la Sierra, l'adobo est un ragoût de viande de porc marinée dans de la chicha de jora avec ail, oignons et piments. Arequipa et Cuzco ont chacune leur recette. Mais le vrai plat des fêtes de village demeure le cuy (cochon d'inde d'élevage) le plus souvent rôti et servi à la plancha, avec des pommes de terre et du maïs boulli, le tout abondamment arrosé de chicha. Nourriture de l'indien andin et jadis bête à sacrifice, le cuy est encore employé fréquemment à des fins curatives magiques. L'importance de cet animal dans la gastronomie andine est attestée par un tableau fort connu de l'école de Cuzco (17e s.), oeuvre de Marcos Zapata conservé dans la cathédrale de Cuzco : il figure parmi les mets étalés sur la table de la Cène, avec des légumes et des fruits tropicaux.


Le cuy (cochon d'Inde) est representé dans la Cène du peintre métis Marcos Zapata (17e s.)

Pour tous les jours, le Sancochado est une soupe de légumes que l'on sert bien bouillante, avec des pâtes et des morceaux de viande de boeuf ou de poulet. Descendant du puchero espagnol, il fut longtemps le plat populaire par excellence. Particulièrement reconstituant en altitude. pour beaucoup d'indiens, le sancochado constitue souvent l'unique repas de la journée.

La pomme de terre
Quel fut le premier apport du Pérou dans la culture européenne ? Réponse : la patate (papa). Au temps des Incas, il existait, dit-on, des milliers de variétés de ce providentiel tubercule. Aujourd’hui, il n'en subsiste que quelques centaines mais curieusement, la pomme de terre n’est pas au Pérou de tous les accompagnements, ce rôle étant réservé au riz. On appréciera d’autant plus la papa a la huancaina (à la mode de Huancayo) entrée plutôt nourrissante à base de rondelles de papa amarilla (pomme de terre jaune), recouvertes d’une sauce au fromage et au piment jaune, toujours couronnée d’une grosse olive noire. Préparée en ocopa, la pomme de terre est cuite à l’eau et accompagnée d’une sauce épaisse à la cacahuète. La papa rellena est une boule allongée de purée de pommes de terre farcie à la viande. La carapulcra est un plat de pommes de terre sèches, hachées en menus morceaux, accompagnée de cacahuètes moulues et de viande de porc ou de poulet : particulièrement consistant, c'est un mets typique de la cordillère centrale.

Les autres légumes
Autre vénérable légume du Pérou, le maïs est servi en choclo (épi de maïs jaune bouilli) ou en mote (égrené). Il intervient évidemment dans la préparation des tamales (purée de maïs farcie à la viande et emballée dans une feuille de bananier repliée en carré) ou dans celle des humitas (même recette présentée en rouleaux), ainsi que dans un dessert traditionnel, la mazamorra, une gelée faite avec de la farine de maïs violet. Les frejoles (haricots) accompagnent les ragoûts, tandis qu’on retrouve les pallares (fèves) dans les soupes. Variété américaine de manioc doux, la yuca est servie fite, en accompagnement des plats.
Le rocoto relleno est un poivron ou, plus exactement, une variété assez proche du piment, que l’on farcit avec de la viande et du fromage. C’est l’une des grandes recettes d’Arequipa, une ville où la cuisine est particulièrement épicée et où, nul hasard, les restaurants populaires se nomment picanterias.

Gastronomie amazonienne
Assez différente du reste de la gastronomie péruvienne, la cuisine de l'Amazonie fait appel aux produits locaux : fruits, légumes, racines, épices, poissons d'eau douce, poulet et certaines variétés de porcs et de cochons d'inde. Le paiche, énorme poisson de l'Amazonie apprécié pour sa chair savoureuse, est évidemment la star des restaurants d'Iquitos. Parmi les autres plats vedettes, la patarashca est un poisson de rivière farci d'un mélange d'ail, d'oignons et de tomates cuit dans une feuille de bananier ou d'héliconia. Le tacacho de cecina est une viande séchée et fumée de porc (cecina) servie avec de la purée de bananes (tacacho). Les typiques juanes qui tirent leur nom de la fête la plus populaire du bassin amazonien, celle de la San Juan, sont un mélange de riz ou de yuca (manioc), poulet ou porc, olives et oeuf dur emballé dans une feuille d’achira, à la manière d’une bourse. C’est la variante amazonienne des fameux tamales. Le purtumute est un mélange bien nourrissant de haricots et de grains de maïs bouillis, nappé d'une sauce à la coriandre et les patacones des beignets de banane verte en forme de grandes rondelles aplaties (on les trouve aussi en Colombie et en Equateur). Ces recettes sont les plus connues mais il en existe beaucoup d'autres, toujours surprenantes.

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