Guide du Pérou

Pour la soif...


C'est l'heure du pisco sour... (photo D. Duguay)

Les boissons
La plus ancienne et la plus traditionnelle des boissons péruviennes est la chicha. Consommée depuis les temps les plus reculés, cette boisson à base de maïs est dite chicha de jora lorsqu’elle est fermentée et alcoolisée. Le degré de fermentation et la teneur en alcool vont croissant en fonction de la couleur, du jaune clair au brun foncé. Les Indiens qui en abusent lors des fêtes andines s’en vont titubant le long des chemins et roulent assez vite dans le fossé. Non alcoolisée, la chicha morada est une simple décoction de maïs violet, désaltérante et très agréable au goût. Cette dernière rentre dans la catégories des refrescos, boissons domestiques non alcolisées qui se boivent à toute heure de la journée et peuvent accompagner parfaitement les repas, comme la limonade ou la cebada, une boisson désaltérante à base d’orge. Le terme gaseosas désigne les sodas industriels, dont l’Inca Kola national, d’un beau jaune translucide, qui arrive largement en tête devant d’autres marques bien connues).
Mais le Pérou est aussi un paradis méconnu des jus de fruits avec lesquels on peut s'offrir faire à bon compte une grande cure de santé.
Au petit-déjeuner, les bons hôtels servent un classique jugo surtido (plusieurs fruits mélangés) ou un jus de papaye (papaya), au goût douceâtre et connu pour ses propriétés laxatives. Sur les marchés, une allée est toujours dédiée aux jus de fruits, lesquels forment des étalages colorés d’où les vendeuses hèlent le client. Pour quelques sols, on vous tend le contenu d’un mixeur de jus de fraise (frutilla), d’orange (naranja) ou d’orange verte (lima, légèrement acide), d’ananas (piña), de fruit de la passion (maracuja), de figue de Barbarie (tuna), de chirimoya, fruit vert de l'Amazonie, à la chair blanche légèrement sucrée), et bien d’autres encore.

Dans la région amazonienne, parmi les boissons traditionnelles, le guarapo est un jus de canne à sucre fermenté (comme la chicha avec le maïs) qui coule à flots lors des fêtes villageoises de la saint Jean, le chuchuasi est un apéritif tiré d'une racine au goût amer, comme notre gentiane, Le pur pur est un aguardiente (eau de vie) à base du fruit du même nom auquel on ajoute du sirop de coing. A consommer avec modération. Vu les températures, le coup de bambou est garanti !

Le pisco
L’origine péruvienne du pisco est mentionnée dès 1588 par les chroniqueurs espagnols : les grandes jarres en argile contenant une eau-de-vie de raisin étaient embarquées vers l’Espagne par le port de Pisco, d’où son nom. Depuis les années 1990, le Pérou se bat avec le Chili qui tente de s’attribuer la paternité de la précieuse liqueur, à tel point qu'en 1988, le gouvernement d’Alán García, qui exigeait pour son pays l’appellation contrôlée, proclama le pisco « patrimoine culturel de la nation » et interdit l’importation de l’« imitation chilienne ». Le Chili répliqua en bannissant les bouteilles péruviennes et une « Journée nationale du pisco » fut décrétée par le Pérou en 2002 en vue de soutenir sa légitime revendication. Les principales zones de production sont les régions d’Ica et de Moquegua ainsi que le sud du département de Lima. Le pisco peut être puro (issu d’un seul cépage, le plus commun étant le Quebranta), acholado (littéralement « métissé », c’est-à-dire issu de plusieurs cépages), mosto verde (distillé avant la fermentation complète) ou bien de tipo Italia (élaboré avec du muscat). Si les connaisseurs le boivent pur, en digestif, le pisco intervient surtout dans la préparation du pisco sour, cocktail où on lui ajoute du jus de citron vert, du blanc d’oeuf battu en neige et de la glace pilée. Le cocktail de algarrobina, également délicieux mais plus sucré, est élaboré avec du pisco, du lait condensé et un épais sirop brun foncé, l’algarrobina, qui n’est autre que le fruit du caroubier.
Plus simples, le chilcano de pisco consiste à ajouter du tonic, tandis que le Perú libre est un mélange de pisco et de Coca Cola.



Deux temples du pisco sour : Don Eloy Cuadros au bar du Maury - La taverne Santiago Queirolo à Pueblo Libre.

Petite histoire du Pisco Sour
A Lima, deux bars illustres, celui de l'hôtel Maury et de l'hôtel Bolivar, entretiennent une rivalité presque séculaire en assurant l'un et l'autre être à l'origine du plus fameux cocktail péruvien. Les choses en fait, sont plus compliquées et l'histoire mérite d'être contée.
En 1915, un américain du nom de Victor Vaughan Morris qui était venu au Pérou travailler dans les bureaux de la Cerro de Pasco Railway Company, ouvrit dans le Jirón de la Unión un bar auquel il donna son nom, le Morris Bar. D'après la légende, Morris commença à expérimenter une recette de cocktail dénommée "whisky sour" et un jour - alors qu'il n'y avait plus de whisky dans la réserve - il lui serait passé par la tête de le remplacer par du pisco. mais aucun témoin de l'époque n'a jamais pu confirmer cette anecdote. Ce qui est plus certain, c'est qu'à partir de 1924, un certain Mario Bruiget, originaire de Chincha, commença à travailler au Morris Bar : c'était un jeune barman de grand talent et ce serait lui, d'après l'historien Luis Alberto Sanchez, qui aurait eut pour la première fois l'idée de rajouter dans le cocktail du blanc d'oeuf battu ainsi que la petite pointe "d'amargo de angostura" qui lui donne cette saveur si particulière.
En 1929, Morris mourut d'une cirrhose du foie. Sa veuve et son fils retournèrent à San Francisco et le Morris Bar ferma ses portes à tout jamais. Une partie du personnel alla chercher un emploi au bar du Bolivar et l'autre à celui de l'hôtel Maury qui étaient les deux plus grands hôtels de Lima à l'époque. Mario Bruiget, lui, passa au bar de l'hôtel Maury et perfectionna le dosage de son pisco sour dont le succès s'empara bientôt de tous les autres établissements de la capitale. Les célébrités et les vedettes de cinéma qui passaient par Lima dans les années 40 et 50, lui ont rendu honneur : Ernest Hemingway, Orson Welles et même Ava Gardner assurèrent sa renommée, sans la moindre modération.
On peut encore retrouver aujourd'hui le parfum de cet âge d'or dans le bar très cosy de l'hôtel Maury, à l'ambiance feutrée et aux murs décorés de fresques du peintre indigénistes José Sabogal. Le successeur de Mario Bruiget est le vénérable don Eloy Cuadros Córdova qui à près de 70 ans, officie derrière le bar du Maury depuis près d'un demi-siècle ! A tel point qu'il est devenu à son tour une célébrité nationale.


La bière
Pour les messieurs, les fins de semaine se terminent invariablement à la cerveza (bière). Boisson nationale s’il en est, la cerveza n’est pas sans provoquer chez les Péruviens un certain esprit de clocher : les Liméniens préfèrent la Cristal ou la Pilsen de Callao, les montagnards ne jurent que par la Cusqueña, les Aréquipéniens ont leur Arequipeña, et les habitants de Trujillo leur Pilsen Trujillo. On les trouve en bouteilles de 33 et 50 cl (una chela, en argot péruvien) ainsi qu’en canettes. Peu alcoolisées, les bières péruviennes sont légères et désaltérantes. Pour les amateurs de bière brune, la Cusqueña negra et l’Arequipeña negra exhalent un goût fortement malté.
Le pic de consommation hebdomadaire est atteint le vendredi soir : selon une vieille coutume, employés et travailleurs se réunissent dans les bars, entre hommes, pour le viernes del soltero (vendredi du célibataire). Rapidement vidées, les bouteilles s’accumulent sur la table jusqu’àu moment de payer l'addition, moment correspondant à la fermeture de l'établissement. Selon une autre tradition, plus paysanne, on se place en cercle, toujours entre hommes, et on se passe la bouteille, puis la suivante, avec un seul verre qui sert à tout le monde : c’est un symbole de confiance et d’amitié.

Les vins
Sans rivaliser avec la production chilienne ou argentine, les vins péruviens ont progressé depuis que des oenologues européens ont été recrutés dans certains grands domaines vinicoles. La vigne fut importée au Pérou par les Espagnols qui acclimatèrent des cépages originaires des Canaries. Le vin est aujourd’hui produit pour l’essentiel autour d’Ica, où les deux haciendas de Tacama et d’Ocucaje élaborent des vins blancs et rouges tout à fait convenables. Au sud de Lima, les vallées de Lunahuaná et Chincha produisent des vins liquoreux assez rustiques : ils servaient autrefois de vin de messe et se consomment plutôt en digestif. Agréables en bouche mais forts en degrés, ils invitent impérativement à la sieste après le repas du dimanche.


Vignobles de la région d'Ica

Le rhum
Le Pérou produit son rhum et il en existe même d’excellents. Cependant, sa diffusion souffre, localement, de la concurrence du pisco et, à l’échelle internationale, de celle des productions d’Amérique centrale et des Caraïbes. Les vastes haciendas sucrières de la côte nord du Pérou, notamment les régions de Trujillo et de Chiclayo, fournissent l’essentiel de la production. Les meilleures marques sont Ron Cortavio et Pomalca.

Café, thé et infusions
L’essor du commerce équitable a fait découvrir aux consommateurs européens le café péruvien. À l’instar du thé, il est surtout cultivé sur les versants orientaux et les vallées chaudes de la cordillère des Andes et, en particulier, dans la région de Quillabamba, au nord-ouest de Cuzco. Curieusement, les Péruviens apprécient peu le café moulu. Ils préfèrent le consommer en instantané. Dans les cafés et les restaurants, subsite l’usage ancien de servir un petit pot d’extrait de café que l’on verse à sa convenance dans une tasse d’eau bouillante.
Dans la famille nombreuse des tisanes et des infusions, les plus prisées sont la manzanilla (camomille), la yerbaluisa,la uña de gato et le mate de coca. Ce dernier est recommandé pour soulager les désagréments dus au mal d’altitude (soroche). La yerbaluisa et la uña de gato sont des plantes de la haute Amazonie, qui passent l’une et l’autre pour d’excellents dépuratifs du sang. On peut y ajouter la célèbre boldo (pour le foie). On trouve toutes ces plantes en conditionnement grand public sur les marchés et dans les supermarchés. À la nuit tombée, dans les bourgades andines, apparaissent les chariots des vendeurs ambulants d'emolientes (tisanes aux herbes) destinées à faciliter la digestion et à lutter contre le froid glacial venu des cimes.