Guide du Pérou

Écosystèmes du Pérou et problèmes environnementaux :
les Andes (2/3)


Le massif du nevado Mismi, aux sources de l'Amazone

La Sierra : jalca, puna et janca
La végétation de la Sierra est adaptée elle aussi à la rudesse du climat : la flore est relativement éparse, les arbres et les plantes (cactus et eucalyptus, entre autres) se contentent d’une alimentation en eau restreinte. En haute et moyenne altitude poussent des plantes herbacées, compactes et résistantes, assez rases pour s'abriter du vent, des arbrisseaux aux feuilles grasses et incurvées, des cactus, du coton mousseux, dont l’aspect fait oublier les redoutables épines. Entre 2 000 et 3 500 m, correspondant à l'étage dénommé jalca, marquant la limite de la culture du maïs, les arbres se ratatinent, se tordent et se couvrent de lichens sous l’action du froid et du vent descendu des sommets. C’est la forêt naine, le domaine des buissons épineux de tola, des grands champs de cactus à figues de barbarie et des polylepsis, arbustes appartenant à la famille des pommiers et des fraisiers.


Conflit minier et guerre de l'eau en altitude
Les mines d'or et d'argent dont le Pérou a toujours été l'un des premiers producteurs mondiaux, se situent à cette altitude. Près de Cajamarca, dans la cordillère nord, un projet d'extension des gisements aurifères de La Conga oppose depuis plusieurs années les autorités civiles et les défenseurs de l'environnement : selon ces derniers, le percement de la gigantesque mine à ciel ouvert qui est prévue ferait disparaître plusieurs lagunes glaciaires et bouleverserait la physionomie du bassin hydrographique de toute la région, entraînant la disparition de centaines de sources et plus de 250 ha de prairies humides.
Outre le dommage causé aux agriculteurs et petits éleveurs du secteur, la principale raison du conflit est que les 220 000 habitants de Cajamarca sont depuis longtemps rationnés en eau potable : la ville peut à peine consommer 200 litres par seconde tandis que la plus grande mine d'or d'Amérique du Sud, celle de Yanacocha, toute proche, a le droit de consommer 900 litres par seconde pour son activité industrielle... La société Yanacocha (du nom d'un lac existant avant l'exploitation minière), possède 5 mines à ciel ouvert et employait en 2011 près de 10 000 employés. Elle est détenue majoritairement par la société américaine Newmont Mining.

Le conflit éclate pendant l'automne 2011, suite à une contamination de l'eau, puis prend une ampleur nationale, largement répercutée à l'extérieur sur internet. Marches et manifestations se succèdent non seulement à Cajamarca mais aussi dans d’autres grandes villes du pays, à tel point que les médias péruviens parlent désormais de « conflit minier » et de « guerre pour l’eau ». La situation dégénère en juillet 2012, lorsque de violents incidents font cinq morts. Devant la levée de boucliers et dans la crainte d'évènements plus dramatiques encore, le président Ollanta Humala qui avait initialement donné son accord au projet, décide de le suspendre en septembre 2012. C’est l’une des première fois que les défenseurs de l’environnement au Pérou gagnent un combat contre les industries minières. Mais il ne s’agit peut-être que de la première manche...


Protestation de paysans sur le site de La Conga - AFP


Entre 3 500 et 4 500 m, la végétation se raréfie. C’est la puna, steppe d’altitude, où croissent seulement les touffes d’ichu, une herbe jaune et drue que broutent les vigognes et les guanacos demeurés à l'état sauvage, le lupin des Andes, les yaretas, semblable à de grosses boules vertes moussues, et la magnifique Puya Raimondi, apparentée à l’ananas, dont les très hautes hampes florales peuvent atteindre 9 m de hauteur, et s’ornent de milliers de petites fleurs blanches. Le paysage le pus typique de la puna, est celui de l’altiplano, vaste plateau d'altitude s’étirant à 4 000 m d'altitude autour du lac Titicaca, entre la Cordillera Real et les massifs volcaniques du sud du Pérou. Les Indiens y cultivent la pomme de terre, le blé et l’orge. Il existe une réplique de ce paysage plus au nord, mais d'une dimension plus réduite : c'est la Pampa de Bombón, où s'étend le lac de Junín, le second plus grand lac du Pérou. Entourant ce magnifique plan d'eau, un vaste secteur de 53 000 ha a heureusement été érigé en réserve nationale assez tôt, en 1974. Comme pour le Titicaca, ses rives marécageuses sont peuplées de roseaux où s'ébrouent plusieurs variétés de flamants, d'oies, de poules d'eau, de coqs de roche, d'ibis et une variété de canard propre à ce lac, le zambullidor de Junín, malheureusement en voie d'extinction. La pampa elle-même est peuplée de troupeaux de guanacos et de vigognes (deux cousins du lamas qui sont aujourd'hui des races protégées), de rongeurs (cochons d'inde, chinchillas, tarucas et viscaches), de renards et de chats sauvages (chinchay en quechua), animal qui avait donné au lac son nom préhispanique : Chinchaycocha (le lac du chat sauvage).


Le lac de Junín, le plus étendu du Pérou après le lac Titicaca

Au bord du lac Titicaca, les Indiens aymara récoltent la totora, une sorte de roseau avec lesquels ils construisent leurs villages flottants et leurs embarcations. Ils cultivent la pomme de terre et des céréales tès nutritives connues depuis l'époque préinca : la quinua et la kiwicha dont les cours battent désormais des records, victimes de leur succès auprès des industries de l'agro-alimentaire "bio". Leur culture intensive à un revers : l'appauvrissement accéléré des sols. La puna est également le domaine de certaines plantes médicinales, comme la maca, une racine très demandée pour ses vertus reconstituantes ou encore l'hercampuri (plus particulièrement près du lac de Junín), une herbacée aux propriétés épuratives, recommandée pour diminuer le cholestérol. Quant aux eaux du lac, elles abritent aujourd'hui une vingtaine d'espèces de poissons où dominent la truite et le pejerrey qui y ont été introduites dans les années 50, mais qui se sont révélées prédatrices redoutables pour les anciennes espèces natives du lac dont certaines ont complètement disparu aujourd'hui, hormis le suche, le mauri ou le karachi que l'on tente de préserver par de récentes expériences d'alevinage artificiel .

L'étage le plus haut, celui de la Janca - au dessus de 4500 m - est le domaine des glaciers et des sommets andins. On y trouve encore quelques troupeaux de vigognes et de guanacos et des petits rongeurs. Le maître de ces altitudes désolées est le condor, dont l'envergure peut dépasser 3 m, mais il descend parfois nettement plus bas pour rehercher ses proies.


Le lac Titicaca en danger
Depuis une quinzaine d'années, la baie de Puno se voit progressivement recouverte d'une couche d'algues vertes malodorantes de 3 à 4 cm d'épaisseur, résultat de la pollution provoquée par le déversement des eaux usées de la ville de Puno (150 000 hab.). La localité compte bien une usine de traitement des eaux, mais sa capacité actuelle ne permet de traiter que 45 % du total rejeté. Pour le reste, les 12 collecteurs d'égoûts qui traversent Puno aboutissent directement au lac, dans le quartier du port. Selon les chercheurs de l'Université Nationale de l'Altiplano, première institution à avoir alerté l'opinion publique, ce tapis d'algues (de la taille d'une lentille) absorbe les nutriments aquatiques et surtout empêche la diffusion de la lumière au fond des eaux, ce qui implique la disparition de toute vie amphibienne (poissons et mollusques). Le problème est encore amplifié par temps de fortes pluies, lorsque les déchets urbains de surface (parmi lesquels des produits toxiques ou des hydrocarbures) sont précipités directement vers le lac par manque d'infrastructures de drainage pluvial dans les quartiers périphériques et sous-équipés de la ville.
Si ce genre de pollution pourrait être réparé à terme par des investissements publics * - il n'en va pas de même pour un autre danger qui menace tout aussi gravement le fragile écosystème du lac Titicaca : le rejet incontrôlé dans ses eaux de résidus et de scories provenant des industries minières à capitaux privés. Ce type de pollution commença à être scientifiquement mesuré en 2000 par un navire opérant pour un organisme de contrôle bi-national péruano-bolivien, le PELT. Cet organisme affirme aujourd'hui que la situation a empiré ces dix dernières années, où dans les secteurs concernés, on mesure une diminution significative de la bio-masse. Les deux pays ont décidé de livrer les entreprises riveraines à des contrôles renforcés, mais vu la puissance des compagnies minières dans l'un comme dans l'autre, on peut déjà s'attendre au pire...

(*) Le bon usage de l'argent public est souvent un sujet délicat au Pérou.


Autres pages :
Écosystèmes et problèmes environnementaux :
La côte Pacifique (1/3)
L'Amazonie (3/3)


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