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Guide du Pérou |
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Réserve de vigognes au col de la Raya (photo D. Duguay)
Reliant la capitale du monde Inca aux rives du grand lac de l’altiplano, entre le monde quechua et l’univers aymara, la route entre Cuzco et Puno emprunte l’un des grands couloirs de migration et d’échanges du Pérou depuis la Préhistoire. Cet axe fut emprunté plusieurs fois par les peuples aymaras fuyant les invasions ou les cataclysmes qui dévastaient la région du Titicaca. La chute de la civilisation de Tiahuanaco fut l’un de ces épisodes. Leur avancée vers l’intérieur du Pérou et la création de l’empire Wari en fut un autre. La civilisation Inca elle-même semble issue de ces mouvements. Les conquistadors, plus tard, le foulèrent dans l’autre sens.
Côté nature, cet itinéraire offre un merveilleux kaléidoscope du Pérou andin : on passe de l’écosystème quechua, avec ses vertes vallées de montagne et ses agrestes paysages, à l’écosystème de la puna, avoisinant les 4000 m d’altitude, avec ses grandes étendues d’herbes jaunes où seuls accrochent le regard les troupeaux de lamas paissant en liberté et au loin, le diadème étincelant des cordillères, brillant sous un ciel d’un bleu toujours cristallin.
Au bout du voyage, s’étend une vaste mer intérieure aux eaux bleu sombre, le lac Titicaca, qui est pour les Indiens du Pérou et de Bolivie, le lac mythique des origines. Pour tous les autres, il reste le « lac navigable le plus haut du monde » chanté par les manuels de géographie et où l’on rêve tous d’aller un jour, depuis que l’on est écolier...
Le voyage en train : un luxe hors de prix
Ce trajet en train, qu’il ne faut pas confondre avec le «train le plus haut du monde» (le Ferrocarril Andino reliant Lima à Huancayo) n’en constituera pas moins, pour ses passagers, l’une des grandes aventures ferroviaires de leur existence. Long de 408 km, parcourus en dix heures, cette ligne offre une succession de paysages grandioses, sorte de parcours initiatique et de plongée dans le Pérou indien, s’achevant en apothéose sur les bords du lac Titicaca.
La voie ferrée fut longtemps le moyen de transport le plus sûr et le plus confortable entre Cuzco et Puno : ancienne compagnie d’état, elle a été privatisée et n’est plus aujourd’hui réservée qu’à un usage touristique quasi-exclusif. Le train pour Puno part de la gare de Wanchaq, lun., merc. et sam. (et aussi vend. d’avril à oct.), à 8h (arrivée à 18h). La société PeruRail a le monopole de cette ligne et augmente les prix à sa guise. L’aller simple Cuzco-Puno est vendu au tarif unique de 220 $ (env. S/700), dans la classe unique dénommée Andean Explorer. Le billet, à moins d’avoir été acheté en ligne à l’avance, n’est payable qu’en espèces (dollars ou sols uniquement).
voir la page "Les trains du Pérou"
Par la route
Cuzco-Juliaca 345 km - Juliaca-Puno 45 km
La voie ferrée est aujourd'hui concurrencée par la route (jadis extrêmement pénible avant d'être asphaltée dans les années 1990) que sillonnent de nombreuses compagnies d'omnibus pour un tarif beaucoup moins onéreux et dans des délais beaucoup plus courts (compter 15 $ pour 6-7h de trajet entre Cuzco, Juliaca et Puno). On sort de Cuzco par l'Avenida El Sol, que prolonge la route de l'aéroport.
Tipón
A 23 km de Cuzco, peu avant Oropesa. Les bus vous laissent au croisement de la route, à 4 km du site par une mauvaise piste (1h à pied). Entrée incluse dans le Boleto turistico.
Rarement visité par les touristes, car difficile d'accès (voire impossible en saison des pluies, de novembre à mars), le site archéologique de Tipón vaut pourtant bien les ruines de Pisac ou d'Ollantaytambo, la foule en moins.
Remarquablement préservées, les terrassesde culture incas ont conservé leur tracé, si bien élaboré que les archéologues pensent davantage à des terrains d'expérimentation agronomique - dans le genre des terrasses de Moray - qu'à des terres de cultures ordinaires. Le site abrite également les vestiges de bains, d'un temple, et de tout un réseau d'aqueducs et de canaux d'irrigation qui témoignent des grandes qualités d'ingéniérie hydraulique des Incas.
A 30 km de Cuzco, passé le village d'Oropesa, une route non asphaltée mène vers Paucartambo, importante bourgade des environs de Cuzco, réputée pour son marché et ses fêtes folkloriques. Elle se poursuit ensuite jusqu'à Atalaya, au bord du rio Madre de Dios, localité constituant l'unique point d'accès routier au Parc National du Manu.
Pikillacta
32 km de Cuzco, 7 km après Oropesa. Les bus vous laissent devant le site près d'un lac. Entrée incluse dans le Boleto turistico.
Seul site pré-inca d'importance dans la région de Cuzco, la cité fortifiée de Pikillacta est une réalisation du royaume Wari (vers 900). Cernés par une enceinte de protection, les quelque 700 bâtiments d'adobe, en piètre état de conservation, comptaient deux étages auxquels on accédait par une porte d'entrée située au niveau supérieur, et accessible par une échelle. Beaucoup de petites idoles en turquoise, aujourd'hui exposées au Musée inca de Cuzco, furent exhumées lors des fouilles.
Andahuaylillas : la "chapelle Sixtine du Pérou"
40 km de Cuzco, 10 km avant Urcos. Alt. 3123 m.
« Réduction » indigène fondée au 16e s. par le vice-roi Francisco de Toledo, ce petit village de 2 500 âmes abrite une église dédiée à San Pedro Apóstol, surnommée la chapelle Sixtine du Pérou en raison de sa décoration exceptionnelle. Construite au début du 17e s. par les Jésuites sur les ruines d'un palais inca , ce chef-d'oeuvre du patrimoine colonial, longtemps laissé à l'abandon, ne doit sa survie qu'à un lent et minutieux travail de restauration, amorcé en 2002 et toujours en cours.
Église d'Andahuaylillas : la façade - fresques et tableaux de la nef.
Dressée devant une petite place centrale pavée de galets, la petite église aux murs d'adobe blanchis à la chaux est flanquée sur le côté d'une tour-clocher de plan carré et sa façade est garnie d'une rustique tribune surmontée d'un auvent de tuiles. Les fresques extérieures (malheureusement dégradées) représentent les martyrs de saint Pierre et saint Paul. A l'intérieur, l'explosion des couleurs est inattendue. Bordée de plusieurs petites chapelles, la nef illustre à merveille le principe selon lequel le baroque a horreur du vide. Pas un centimètre carré, du sol au plafond, qui ne soit peint de fresques multicolores, réalisées, comme la grande majorité des peintures, au début du 17e s. par l'artiste liménien Luis de Riaño (1596-1667), un élève du peintre italien Angelino Medoro.
La voûte, de style mudéjar, découpée en caissons par une charpente de bois doré, est constellée de losanges étoilés, bleus, rouges et jaunes, ornés de rameaux de feuillage. Sur les murs, les fresques débordent d'archanges emplumés, de sirènes, d'oiseaux exotiques, de bouquets de fleurs et de rinceaux. Près de l'entrée, à droite, une fresque illustre le Chemin du ciel, un sentier étroit parsemé de fleurs. À gauche, le Chemin de l'enfer est au contraire bordé d'épines. Sur les peintures murales sont posés plusieurs grands tableaux baroques. Au-dessus de l'arc triomphal qui délimite le choeur, trône une Vierge immaculée, attribuée à Murillo (17e s.). Dans la première chapelle du choeur, à gauche, remarquez la Virgen del Rosario de Diego Quispe Tito. Le retable principal, rutilant d'or et encadré de colonnes salomoniques, héberge un tabernacle d'argent orné de miroirs vénitiens.
Dernièrement, grâce à une coopération française, les deux orgues de l'église, réalisées entre 1610 et 1630 et considérées comme les plus anciennes du continent américain, ont repris du service, après des décennies de silence.
A noter : les photos sont interdites à l'intérieur de léglise, en raison de la fragilité des fresques, mais l'on pourra se procurer un petit livre illustré (en français et espagnol) sur l'historique du bâtiment et des peintures.
Église de Huaro
Route d'Urcos, 7 km après Andahuaylillas.
Également construit au début du 17e s., dans le style Renaissance, ce temple dédié à saint Jean-Baptiste est un autre petit bijou, presque inconnu des touristes. Les fresques intérieures sont plus tardives que celles d'Andahuaylillas. Elles ont été exécutées vers 1802 par Tadeus Escalantes, un disciple du peintre indien Diego Quispe Tito. Parfait exemple du métissage culturel voulu par les jésuites, et de la relative liberté qu'ils laissaient aux artistes du cru, ces peintures s'en prennent au clergé séculier, sous forme de paraboles. Ainsi la fresque du Jugement dernier fustige les évêques et les curés corrompus ou malhonnêtes, que l'on voit rôtir dans un chaudron bouillant sous le regard hilare de diablotins. Sur les plafonds, de style mudéjar, les fresques brossent une image du paradis semblable à l'univers foisonnant de la forêt amazonienne. Le maître-autel, en argent, est égayé de petits tableaux baroques qui dépeignent la vie de la Vierge.
Église de Kanikunka
1 km après Huaro, sur la même route, juste avant Urcos.
Nichée dans un cadre splendide au bord d'un lac, cette petite chapelle de forme rectangulaire date aussi du 17e s. L'encadrement du portique est composé de pierres incas. Le bâtiment a en effet été construit sur une huaca (lieu de culte), dont on a réemployé les vestiges. Là encore, les sobres murs extérieurs, chaulés de blanc, contrastent avec la profusion artistique de l'intérieur, où les fresques baroques courent des murs au plafond, formant une ornementation aussi dense et inextricable qu'une tapisserie.
A 50 km de Cuzco, on parvient à Urcos, petite capitale de province et ville carrefour où s'embranche au nord-est la route de la selva, vers Quince Mil et Puerto Maldonado (530 km), la "plus effroyable route du Pérou" aux dires de ceux qui l'ont pratiqué : l'emprunter pendant la saison des pluies constitue une aventure cauchemardesque.
Entre Urcos et Sicuani, route et voie ferrée remontent la vallée du Rio Vilcanota, aux rives verdoyantes et bordées d'eucalyptus, dans un décor agreste et enchanteur de petits villages blottis autour de leur église, de champs séparés par de petits murets où l'on voit les paysans labourer la terre, les femmes laver le linge dans la rivière et les enfants garder les troupeaux. Ce coin de paradis terrestre, sorte d'Eden indien où les habitants accomplissent les gestes de toujours, est dominée par la masse de la cordillère de Vilcanota, à gauche, dont le point culminant est le Nevado Ausangate (6384m), vénéré comme un dieu tutélaire (apu) depuis le temps des incas. Cest sur les pentes de ce nevado Ausangate que se déroule, le fameux pélerinage du Coyllur Ritti.
San Pedro de Cacha
Cuzco 128 km - Sicuani 20 km
Ce petit village mérite un arrêt pour aller rendre visite au site de Raqchi où se dressent les ruines colossales du temple de Viracocha qui fut décrit par Garcilaso de la Vega. Long de 91 m sur 25 m de large, le temple est ceinturé d'une impressionnante muraille de 12 m, que jalonnent sur toute sa longueur des colonnes cylindriques de 6,5 m de hauteur. Avec ses onze colonnes de part et d'autre du mur, la salle à quatre nefs ainsi constituée devait couvrir 2300 m2. Toute cette architecture repose sur des bases construites en pierres de taille jusqu'à hauteur d'homme, et des parois de terre battue (ou d'adobes) les surmontent. Avec sa toiture à deux pentes et sa couverture de chaume, ce temple de Viracocha devait représenter l'un des plus vastes bâtiments publics qu'ait jamais édifié le monde Inca.
La statue du dieu Viracocha, qui en occupait le centre et qui fut détruite par les Espagnols correspondait, selon la description de Garcilaso de la Vega, à celle d'un homme de haute stature, la peau claire et muni d'une longue barbe. Les historiens ont mis en lumière le fait que les Incas assimilèrent parfois les conquérants espagnols à des fils de Viracocha, à cause de leur ressemblance avec la figure du dieu qu'ils adoraient, ce qui pourrait expliquer le peu de résistance qu'ils leur opposèrent. Dans les années qui suivirent la conquête, les indiens avaient d'ailleurs pris l'habitude d'appeller les hommes blancs "viracochas" ou "mistis", habitude qui a survécu dans certaines régions andines du Pérou.
Murailles du temple de Viracocha (photo Joëlle Citron)
Sicuani
40 000 hab. - alt. 3551 m - Cuzco 148 km - Ayaviri 116 km - Puno 261 km
Le train s'arrête quelques minutes dans la gare de cette grosse bourgade paysanne pour une étape hautement photogénique : les indiennes, massées le long des voies, accourent à l'arrivée du train pour proposer leurs marchandises aux passagers : souvenirs, couvertures ou bonnets, nourritures, boissons, etc. Les pulls, ponchos, couvertures et bonnets de laine de lama ou d'alpaca sont une spécialité du lieu. On en verra des étalages à foison, surtout lors du marché du dimanche.
Dans la ville on trouvera nombre de petits restaurants populaires et quelques hôtels très simples.
Abra la Raya
Ce col (4312 m) est le point le plus élevé de la ligne (et de la route) Cuzco-Puno. Dans la pampa herbeuse où le Rio Vilcanota prend ses sources, on peut voir des centaines de vigognes paître en liberté. A cet endroit, les cordillères du Centre et du Sud du Pérou se rejoignent en formant le "noeud" de Vilcanota dont on aperçoit les cimes enneigées, souvent coiffées de nuages. Au delà du col s'étendent les immensité nues de l'altiplano péruvien, jusqu'aux rives du lac Titicaca.
Ayaviri
20 000 hab. - alt. 3903 m - Cuzco 263 km - Juliaca 101 km - Puno 145 km
Cette petite ville de l'altiplano aux murs couleur de terre, devient l'une des capitales folkloriques du Sud-Pérou lors de ses fêtes très colorées du 8 au 13 septembre : processions, festival de musique et de danses, courses de taureaux et gigantesque foire.
Elle possède aussi une église coloniale dont la haute façade monumentale, de style baroque, domine les maissons basses de la ville et s'aperçoit de très loin, dans l'étendue rase de l'altiplano. Son riche mobilier comprend un grand retable sculpté et orné de plaques d'argent repoussé, ainsi que des peintures coloniales dans de lourds cadres de bois sculpté et doré à la feuille.
Quelques hôtels et restaurants permettent d'y faire étape, attention : ils sont pris d'assaut pendant les deux premières semaines de septembre.
Pucará
Cañon de Tinajani
15 km env. au sud d'Ayaviri. Accès par une piste en terre
Cette curiosité naturelle méconnue et peu visitée mérite le détour. Perdu au milieu de l'altiplano et occupant une superficie de près de 250 ha, le cañon est constitué de formations rocheuses de grès rouge, érodées par l'eau et le vent. Au pied des ces hautes murailles aux couleurs cuivrées et aux formes burinées qui font penser à un petit canyon du Colorado miniature, on trouve des sépultures primitives en forme d'igloos réalisée en adobe, pillées depuis longtemps mais dont certaines contiennent encore quelques ossements épars.
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Paysage et sépultures du cañon de Tinajani
Les taureaux de Pucara, disposés en épis de faîtage (photo Jpëlle Citron)
Sur la plaza de Armas, le Musée Lithique de Pucará rassemble dans ses salles et dans le jardin une intéressante collection de statues-monolithes et de céramiques de la culture Pukara. Les pièces les plus intéressantes sont la stèle de la pluie (ou de la foudre), monolithe de 2 m de haut présentant une tête de puma sur un corps de posson, le monolithe du Degollador (décapiteur), dit aussi Hatun Ñakaj, un personnage assis à l’expression cruelle, tenant une tête coupée d’une main et une arme de l’autre, enfin le monolithe du Devorador représente un personnage nu aux côtes saillantes dévorant un enfant...
Pukara à l'origine de Tiahuanaco
L'opinion initialement formulée par l'archéologue Julio C. Tello selon laquelle on se trouvait à Pukara devant les antécédents de la culture de Tiahuanaco fut validée ensuite par d'autres chercheurs de renom tels que Kidder, Kroeber et Bennett (entre 1943 et 1948) et par des datations au carbone 14 effectuées à la fin des années 1950.
On sait aujourd'hui que la culture Pukara marqua pour la première fois, dans le bassin septentrional du lac Titicaca, la domination quasi-complète du milieu ambiant par l'homme qui parvint à contrôler toutes les ressources naturelles disponibles et même à en créer de nouvelles. Les premières terrasses de culture à étages, étayées par des murs de soutènement en pierre - qui n'étaient peut-être encore réservées qu'à des récoltes "rituelles" - apparaissent à cette époque, de même que l'ingénieux système des camellones ou waru-waru qui permettaient l'agriculture sur les vastes étendues inondables des abords du lac. On peut y ajouter l'achèvement de la domestication de l'alpaca et le commerce de sa laine sous forme brute ou tissée. Celle-ci remplissait un rôle déjà important dans l'économie andine et faisait l'objet d'échanges à longue distance.
Pukara vit sans doute aussi les débuts de l'ingéniérie hydraulique avec l'aménagement d'acqueducs et de canaux destinés à l'irrigation agricole. Ces techniques allèrent en se perfectionnant jusqu'à atteindre leur développement optimal durant l'apogée de la culture de Tiahuanaco (de 500 à 1200 de notre ère). Dès lors, les habitants de l'altiplano organisés en centres sédentaires commencent à contrôler les différents étages écologiques en établissant des colonies permanentes dans les vallées interandines de Cuzco, Arequipa et Moquegua sur le versant occidental des Andes. Les technologies architecturales, agricoles et hydrauliques nées à Pukara servirent ensuite de base aux développements ultérieurs de la culture de Tihuanaco-Wari et de la civilisation inca.
Lampa
1800 hab. - Alt. 3860 m - Pucará 43 km - Puno 80 km. Des colectivos relient régulièrement Lampa à Juliaca (34 km).
Située à l'écart de la route principale, entre Pucara et Juliaca, cette bourgade, l'une des plus typiques de l'altiplano péruvien, est surnommée dans la région "la ville rose" pour la couleur de ses maisons d'un rose fané qui rappellent son riche passé colonial, lorsqu'elle était l'un des principaux centres commerçants de la route reliant Cuzco au lac Titicaca. Elle mérite un détour pour sa très belle église de Santiago Apóstol, solide mais élégante construction du 17e s. s'ouvrant par un portail baroque assez gracile, que protège une imposante voûte de pierre en berceau. Son mobilier est un véritable musée d'art sacré colonial, symbolisé entre autres par une statue de saint Jacques juché sur un cheval naturalisé, image traditionnelle du fameux Santiago Matamoros combattant les infidèles. Au milieu des retables en bois doré et des tableaux de l'école de Cuzco, elle abrite une statue de la Vierge venue de Barcelone à la fin du 17e s. et qui, selon la légende, était transportée vers Cuzco à dos de mulets. Parvenues à Lampa, les pauvres bêtes refusèrent d'aller plus loin tant elle était lourde. L'autre grande curiosité de l'église est une réplique de la Pietà de Michel Ange, don d'un notable local destiné à orner son propre tombeau. Elle voisine avec un tas d'ossements provenant des catacombes de l'église, que l'on peut visiter.
Sur la place à côté de l'église, le Palacio Municipal, à la façade ornée de fresques murales racontant l'histoire de la ville, intéressera les amateurs d'art pour son trés intéressant musée consacré à un enfant du pays, le peintre expressionniste Victor Humareda (1920-1986), l'un des grands génies de la peinture péruvienne du 20e s.
L'imposant portail de l'église de Lampa (photo D. Duguay)A 5 km à l'ouest de la ville, une mauvaise route conduit vers une grande formation rocheuse où se trouvent las Cuevas del Toro, ensemble de grottes et d'abris rocheux où l'on a trouvé nombre de peintures rupestres vieilles de 3000 à 5000 ans représentant des scènes de chasse mettant en scène des êtres humains, des camélidés et des félins stylisés. Parfois hautes de 30 à 40 cm, ces figures ont été exécutés pour la plupart à l'aide d'un pigment rouge d'origine végétale.
Juliaca
120 000 hab. - alt. 3825 m - Cuzco 364 km - Puno 44 km - Arequipa 281 km.
Plus importante agglomération de l'altiplano péruvien, Juliaca est une ville industrielle plutôt laide : la première vue que l'on a du train est une succession de faubourgs misérables, de rues boueuses où se tient un interminable marché aux puces de pièces détachées de camions, de pneus, de machines agricoles, d'outils, etc. Plaque tournante aussi bien routière que ferroviaire (de Juliaca part le tronçon de voie ferrée vers Arequipa), elle voit transiter les marchandises venant de la selva, de la côte Sud et de l'altiplano. L'arrêt en gare permet d'admirer quelques vieilles locomotives ainsi que les vieux wagons à plateforme qui assuraient jadis la liaison. Juliaca est aussi dotée d'un aéroport qui assure des liaisons quotidiennes vers Lima, Cuzco et Arequipa.
La ville est également un très important centre de l'industrie textile de la laine d'alpaca : le marché (face à la gare) regorge d'indiennes vendant chemises, pull-overs, ponchos, gants, bonnets et couvertures en laine d'alpaca ou de lama, soit pure, soit mélangée. Le prix de ces articles étant nettement inférieur à ceux pratiqués à Cuzco et même à Puno, c'est donc ici que l'on pourra faire de bonnes affaires. Mais attention : tout ce mouvement commercial génèrant une animation laborieuse, attire aussi une population cupide et désoeuvrée : le "gringo" devra s'y méfier (plus que partout ailleurs) des voleurs à la tire !
Passé Juliaca et sa zone industrielle, la voie ferrée longe une zone de marécages : l'horizon se dégage peu à peu et l'on aperçoit bientôt la grande étendue lacustre peuplée d'ajoncs, de la baie de Puno, sorte d'antichambre du grand lac Titicaca. Il faut se hâter de prendre les dernières photos dans des lueurs crépusculaires, car le train arrive vers 20 h, à la nuit tombée, en gare de Puno.
©Daniel DUGUAY
dduguay@club-internet.fr