Guide du Pérou

La Cordillère Centrale : 4) d'Ayacucho à Cuzco

Ayacucho - Andahuaylas : 252 km (6h de route, alt. maxi : 4400 m) / Andahuaylas - Abancay : 135 km (5h de route, alt. maxi : 4100 m)
Abancay - Cuzco : 195 km (5h de route asphaltée, alt. maxi 3695 m)


Les gorges de l'Apurimac (photo D. Duguay)

Ce magnifique itinéraire est certainement le plus méconnu du Pérou. Il est vrai qu'il était jadis tout à fait hasardeux : de par l'état des routes (35h de bus entre Ayacucho et Cuzco dans les années 70) et plus tard par le danger mortel (dans les années 80) de traverser cette zone, alors en partie contrôlée par la guérilla du Sentier Lumineux. Heureusement, ces années d'abandon et de terreur ont pris fin. Peu à peu, la Cordillère Centrale s'ouvre au tourisme, grâce aux efforts du gouvernement péruvien, des autorités départementales, et encore trop timidement des tours opérators.
Aujourd'hui, ce long, mais somptueux trajet est tout à fait envisageable à partir d'Ayacucho ou de Cuzco, en passant par Abancay. De nombreuses compagnies d'omnibus assurent la liaison entre les trois villes-relais. Les infrastructures routières et hôtelières se sont nettement améliorées, mais l'on aura toujours cette étrange et exaltante sensation de se retrouver loin de tout, perdu dans le fin fond des Andes...

La sortie d'Ayacucho se fait par la route de Cuzco et entame une vertigineuse montée en lacets à flanc de montagne. En s'élevant, on découvre des vues prodigieuses sur les canyons des rios Occopa et Huatatas, sorte de chaos géographique entrecoupé de failles et de gorges profondes, tandis que l'horizon, au Nord, est entièrement barré par la masse colossale de la Cordillière Centrale. Après une heure de route, on parvient à une succession de petits plateaux agricoles, peuplé de rares cabanes : c'est la Pampa de Chupas, là même où, le 15 Septembre 1542, se livra la bataille de Chupas entre les forces du vice-roi Vaca de Castro et les troupes de Almagro El Mozo, fils de Diego de Almagro (l'ancien associé de Francisco Pizarro). Le parti des "Almagristes", qui voulait s'affranchir de la tutelle royale espagnole et s'emparer des richesses du Pérou pour son propre compte, fut battu et ses chefs exécutés. Quelques centaines de survivants de l'armée d'Almagro parvinrent à s'enfuir vers le Sud.
La montée se poursuit encore jusqu'à l'Abra de Toccto (4240 m) au km 43, où bifurque à droite la route de
Vilcashuaman.

A 62 km d'Ayacucho, la route franchit le point le plus haut du parcours : l'Abra Huamina (4400 m) pour descendre ensuite jusqu'au pont du Rio Pampas (1850 m), où l'on pénètre dans le département d'Apurimac, l'un des plus enclavé et des plus pauvres du Pérou.

Chincheros
10 000 hab. - alt. 2800m - Ayacucho 158 km - Andahuaylas 87 km

Si l'on a quitté Ayacucho en début d'après-midi, cette petite localité très typique peut servir d'étape sur le parcours. Elle.possède quelques hôtels et des restaurants de catégorie modeste qui seront pleins si l'on y passe début septembre, à l'occasion de la Fête de Nuestra Señora de Cocharcas qui draine une foule de dévots venus de toute la région. C'est l'un des pélerinages catholiques les plus anciens du Pérou : il remonte à 1598.

Après Chincheros, la route franchit une nouvelle passe à l'Abra Soraqocha (4150 m). 5 km avant Andahuaylas, on traverse la sympathique bourgade de Talavera de la Reina, connue pour son agréable Plaza de Armas que domine un svelte et insolite beffroi en pierre : la Torre del Reloj, dont la hauteur semble hors de proportion avec l'importance du village.

Andahuaylas
35 000 hab. - alt. 2926 m

Cette petite capitale de province
présente aujourd'hui un visage plus animé et joyeux qu'à l'époque de la guérilla du Sentier Lumineux, où elle était quasiment coupée du reste du monde. Andahuaylas, seconde ville du département d'Apurimac et patrie du grand romancier indigéniste José Maria Arguedas, est surtout un gros marché agricole, au milieu d'une riante et fertile vallée partagée entre les champs pousse le blé, le maïs, la pomme de terre, et des terres d'élevage qui ont donné naissance à une petite industrie laitière. On verra surtout, sur la Plaza de Armas, une imposante église, achevée en 1633, ornée de portails sculptés et d'une élégante tour-clocher séparée de la nef.
La foire dominicale, le long de la rivière, en bas de la ville est certainement l'une des plus typique des Andes centrales, alliant toutes les formes possibles de petit commerce, depuis le marché aux puces jusqu'à la foire aux bestiaux. On peut y faire de très bonnes affaires dans les textiles traditionnels (couvertures, ponchos), à des prix dérisoires en comparaison de ceux de Lima ou de Cuzco.

Laguna de Pachuca
17 km après Andahuaylas, une route à gauche mène à l'un des plus vastes et plus beaux plans d'eau du Pérou central : la Laguna de Pachuca (3090 m). Une route en fait le tour, reliant les cinq villages qui le bordent. Un hôtel de touristes y a été construit depuis peu.
Le bourg de Pachuca est connu pour être un des derniers villages où a lieu chaque 28 juillet (jour de la fête nationale du Pérou) la cruelle Yawar Fiesta ou « fête du sang » qui consiste à attacher sur le dos d'un taureau un condor, qui lui pique l'échine de son bec. Le combat des deux animaux symbolise la lutte des Indiens contre les Espagnols, et puis la liberté : le condor (que les villageois ont parfois mis des semaines à capturer) est finalement libéré et s'envole majestueusement dans les airs. La fête s'achève ensuite en beuverie générale.


Laguna de Pachuca - Forteresse de Sondor (photos D. Duguay)

Forteresse de Sondor
25 km à l'est d'Andayhualas

Proche du carrefour menant à Pachuca, se dresse la mythique forteresse de Sondor (récemment restaurée et remise en valeur) : c'est une colossale pyramide érigée sur plusieurs plateformes de pierre. Un escalier monumental relie les différents niveaux pour parvenir au sommet. Cette citadelle fut l'un des principaux bastions de la nation Chanka qui à l'époque précolombienne occupait toute cette région des Andes centrales. Les Chankas, très belliqueux, étaient les ennemis jurés des Incas, qu'ils affrontèrent plusieurs fois, dans de grandes et sanglantes batailles, avant d'être finalement soumis par l'Inca Pachacutec.
Au pied de la pyramide, à l'entrée du site, plusieurs bâtiments de pierre à toitures en chaume (reconstituées) sont postérieures et datent de l'époque de la domination inca.

Le tronçon très accidenté entre Andahuylas et Abancay (136 km) est le plus impressionnant de l'itinéraire ; culminant à l'Abra Huayllaccosa (4100 m) dans des pampas et des paramos désolés, parfois noyés dans un glacial brouillard d'altitude, seulement frequentés de lamas et de quelques rares troupeaux de brebis. Le clou du spectacle est l'interminable descente d'Alfapata, où la route déploie ses lacets pendants des heures avant de laisser à gauche le vieux Pont colonial de Pachacaca (2000 m) dressé sur le rio du même nom dans une vallée encaissée et chaude, où pousse même la canne à sucre.

Abancay
105 000 hab - alt. 2460 m
Capitale du département d'Apurimac, cet important noeud de communications au climat toujours doux se niche au creux d'une profonde vallée d'eucalyptus, encadrée de hauts sommets, parmi lesquels le nevado Ampay est le plus imposant. La ville est moderne et ne présente guère de monuments notables : on pourra cependant flâner sur la Plaza de Armas, ombragée de palmiers et ornéee d'un délicat kiosque à musique. La ville compte quelques hôtels et de nombreux restaurants bon marché : ce sera une excellente étape sur la route de Cuzco, d'autant plus qu'Abancay est aussi l'une des capitales folkloriques de la Cordillère Centrale et semble animée, de jour comme de nuit, d'une activité commerciale débordante.
Le Carnaval, en février, est l'un des plus fameux du Pérou, avec ses cortèges endiablés qui traversent les rues de la ville en dansant, au son des nombreux orchestres de quartier.
Le concours de danses folkloriques donné à l’occasion du carnaval attire un public nombreux : prévoir de réserver son hébergement à l’avance.
Abancay est doté d'un terminal routier moderne d'où partent régulièrement de nombreux bus pour Cuzco (5h) et Lima (14 à 18h) via Puquio et Nazca par la Ruta de los Valientes (la « route des courageux »), qui bien que récemment asphaltée, mérite encore largement son nom.

Santuario Nacional Ampay
5 km au nord d’Abancay
La saison sèche (fin mai à septembre) est la meilleure période pour les excursions et randonnées dans ce parc naturel de 3635 ha, créé dans le massif du nevado Ampay (5235 m) pour protéger la faune (on y trouve des colibris, des renards, des viscaches, des ours à lunettes et des pumas) et la flore, particulière pour sa forêt d’intimpas, qui est l’unique variété de conifères native du Pérou. Son nom en quechua signifie « l’arbre du soleil ». Du poste d’entrée, un sentier balisé mène à la belle lagune de Angascocha, au pied du massif.

Après Abancay, la route monte en d'innombrables lacets pendant 45 kms jusqu'à l'Abra de Sayhuite (3695 m) d'où mène à gauche une route en terre vers le village de Cachora, point de départ d'un très beau trekking vers le pont suspendu du Rio Apurimac et le site de Choquequirao, dans la cordillière de Vilcabamba.
Du col, on aura l'un des plus beaux panoramas des Andes Centrales : Au nord, les contreforts verdâtres de la cordillère de Vilcabamaba couronnés par la masse neigeuse du nevado Salcantay (6271 m), au delà duquel se trouve Machu Picchu (à 80 km à vol d'oiseau)
à l’est, le non moins imposant massif du nevado Ampay, tandis qu’au sud et à l’ouest s’étendent les épaulements couleur d’ocre des montagnes de l’Apurimac, qui se chevauchent sans fin dans des étendues désertiques.

Pierre de Sayhuite
45 km à l'Est d'Abancay
Peu après le col, une petite route à droite mène à cette fameuse "pierre", l'un des plus curieux monuments mégalithiques de l'époque inca.
Il s'agit d'un gros bloc isolé de plusieurs tonnes, mesurant près de 4 m de diamètre. La pierre est sculptée sur sa faces supérieure, représentant une sorte de carte géographique en relief, ou de maquette du monde, sous forme symbolique. Les condors figurent les montagnes andines; les singes, les serpents, les pumas figurent les grandes forêts des Andes orientales et de la selva, les lamas les hautes terres de l'altiplano. D'autres reliefs montrent des indiens en sentinelle.
Cette pierre, dont on ignore sous quel règne elle a pu être sculptée, passe en général pour être une maquette du Tahuantinsuyo, c'est-à-dire de l'empire Inca. Le site archéologique de Sayhuite comprend en outre des traces d'habitations et les ruines d'un grand temple, ainsi que des restes de travaux hydrauliques avec un système de canaux et de fontaines.


La pierre de Sayhuite

Après le col, la route traverse le bourg de Curahuasi, qui était jadis un carrefour de voies incaïques, et autour duquel s'étendent des champs d'un vert pâle : c'est la couleur de la plante d'anis ; on rencontrera des gamins qui en vendent de petits sachets au bord de la route.

Cañon de l'Apurimac
Commence alors la descente vers le profond et vertigineux défilé du rio Apurimac avec des vues magnifiques et lointaines, à gauche de la route. Après avoir dépassé le modeste établissement thermal de Cconoc, suspendu à la pente du ravin, on franchit la rivière au Puente Cunyac (1800 m), ouvrage d'art moderne à structure métallique, bien plus rassurant que ses prédécesseurs.


L'Apurimac, ou "le Seigneur qui parle"
Le nom quechua du rio Apurimac, l'un des fleuves les plus fameux du Pérou, signifie 'le Seigneur qui parle', sans doute à cause du bruit provoqué par son parcours, le plus souvent encaissé dans des gorges. Long de 350 km, il prend sa source dans des lagunes glaciaires de la cordillère de Chila au nord d'Arequipa, puis creuse un long sillon entre la chaîne occidentale, volcanique, et la chaîne centrale des Andes Méridionales. Recevant l'apport des eaux du Rio Pampas au Sud du département d'Ayacucho, il descend ensuite vers le bassin amazonien pour former le Rio Ene, à son confluent avec le Rio Mantaro. Il se dénomme ensuite rio Tambo, puis rio Ucayali jusqu'à Iquitos. Il est désormais considéré par les géographes comme étant le plus haut et le plus lointain tributaire de l'Amazone. C'est à mi-chemin entre Cuzco et Abancay que son cours est le plus spectaculaire : il coule entre les parois d'un extraordinaire cañon, profondément encaissé, où il se fraie un passage au pied du Nevado Marcany (5265 m).
Dans le secteur de l'actuel Puente Cunyac, se trouvait autrefois le célèbre pont suspendu construit par l'Inca Capac Yupanqui : il a disparu au 19e s. mais nous le connaissons grâce aux dessins qu'en fit l'anglais George Squier pour illustrer son ouvrage "Peru, Incidents of travel and Explorations in the Land of the Incas" (1863). Long d'environ 200 m, large de 2 m (ce qui était suffisant pour laisser passer la litière de l'Inca), il était fait de câbles en fibre d'agave, tendus entre des piliers, de chaque côté du fleuve, d'un tablier de pièces de bois recouvertes de nattes de roseaux et de garde-fous en clayage. Un gardien du pont était responsable de son entretien. A l'époque coloniale, ce pont était la hantise des voyageurs, et faisait surtout la terreur des arrieros (muletiers) qui convoyaient les marchandises entre Lima et Cuzco car les mules, prises de vertige sur cette longue balançoire, refusaient obstinément d'avancer.


Peu après le pont sur l'Apurimac, une route de terre à g. monte vers le village de Mollepata, point d'arrivée habituel du trekking du nevado Salcantay, qui part - comme le Chemin de l'Inca - du km 88 de la voie ferrée Cuzco-Machu Picchu.

Limatambo
80 km avant Cuzco

La route remonte ensuite une gorge étroite vers le village et le site de Limatambo (ou Rimactambo) où se dresse la façade, toute en longueur, d'un imposant bâtiment incaïque construit en gros blocs bien appareillés et polis, percé de douze grandes niches trapézoïdales. Cet édifice occupe le coin supérieur d'une haute terrasse de culture, servant également d'enceinte fortifiée, faite de gros blocs de pierre, que l'on franchit par une porte ouverte sur un escalier à double volée. Ce site, également connu sous le nom de Tarawasi, fut visité en 1850 par George Squier qui en fit plusieurs dessins. On pense qu'elle dut être une sorte de villa ou de"palais" ayant appartenu à un important personnage inca. Sur le côté droit de la terrasse, s'élèvent les bâtiments, hélas trés délabrés, d'une ancienne hacienda coloniale que l'on peut également visiter : elle sert de logement au gardien du site.

Plus loin, à Anta (25 km avant Cuzco), on rencontre le chemin de fer de Machu Picchu qui part désormais du village voisin de Poroy, où à été construit une nouvelle gare flambant neuve. La route descend ensuite vers la cuvette où se niche Cuzco, offrant de magnifiques vues plongeantes sur l'ancienne capitale des Incas et ses toits de tuiles rougeâtres, dont on distingue peu à peu les églises, les couvents et les vastes demeures ordonnés autour de la grande place.

CUZCO


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©Daniel DUGUAY
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