Guide du Pérou


Le Callejón de Huaylas et la Cordillère Blanche

2 - De Huaraz au Cañon del Pato


Le Callejón de Huaylas, vu depuis la butte de Yungay (photo D. Duguay)

Taricá
8 km de Huaraz

Le village est connu pour son école de poterie et de céramique administrée par l’État. Encadrés par d’excellents artisans, les élèves confectionnent et vendent pour une somme modique des reproductions de vases des principales cultures du callejón de Huaylas.

Sur le trajet vers Carhuaz, à gauche de la route, des guides vous montreront un grand arbre isolé : c’est l’arbre à quina dont il ne reste plus que quelques rares spécimens.


L’arbre de vie
Sur l’écusson ornant le drapeau péruvien apparaît un arbre fameux pour les maux qu’il a soulagés : la quina. Au 17es., l’épouse d’un vice-roi fut si gravement atteinte du paludisme – alors appelé « fièvre tierce » – qu’on alla chercher en ultime recours un guérisseur indigène. Ce dernier lui sauva la vie en lui prescrivant une poudre faite à partir de l’écorce de cet arbre, qui contient un alcaloïde naturel aux vertus antipaludiques et analgésiques : la quinine. Une fois rétablie, elle en introduisit l’usage médicinal en Europe.
Plus connue sous le nom de quinquina, l’écorce de la quina servit aussi dans l’élaboration de vins apéritifs et fut utilisée lors du creusement du tunnel de Panama puis, plus largement encore, pendant les deux guerres mondiales, si bien qu’au début des années 1950, l’arbre avait quasiment disparu au Pérou. Quelques espèces originelles furent heureusement retrouvées dans la province de San Ignacio, près de la frontière équatorienne, permettant ainsi sa culture en serre et sa réintroduction progressive dans les massifs forestiers.


Honcopampa
Du village de Marcará, à 26 km de Huaraz, prendre une piste à dr. vers l’hacienda de Vicos.
Parmi les vestiges d’une cité préincaïque datant probablement de l’époque Wari (vers 900), on dénombre cinq mausolées de 20 à 30 m de long, construits en trois gradins superposés, chacun renfermant des chambres funéraires recouvertes de grandes dalles de pierre, sur un modèle assez proche de celui de Willkawain. Du secteur résidentiel, très ruiné, ne subsistent que de vastes édifices rectangulaires à plusieurs pièces qui ne conservent plus aucune trace de toiture.

Carhuaz
33 km de Huaraz. Alt. 2650 m

Très affectée par le séisme de 1970, cette localité parvint néanmoins à se relever de ses ruines. Sa vaste Plaza de Armas est dominée par la majestueuse silhouette du nevado Hualcán (6122 m). Carhuaz est surtout réputée pour ses produits laitiers et la qualité de ses glaces (on en  trouvera plusieurs boutiques autour de la place). Du 10 au 24 septembre, pendant les festivités de la Virgen de Las Mercedes, les villageois dansent au son des orchestres venus de toute la région, chantent et boivent...

Après le village de Mancos, on traverse sur 5 km le théâtre, encore bouleversé par la présence de grands blocs erratiques, des deux plus grandes catastrophes qui ont marqué le paysage du Callejón à l’époque contemporaine : Le 10 Janvier 1962, une énorme masse de glace se détache de la face ouest du pic nord du Nevado Huascarán, rase les villages de Shacsa et de Ranrahirca, causant la mort de 5000 personnes. Le 31 mai 1970, suite à un violent séisme, des pans de glacier se détachent encore du Huascarán et se convertissent en une colossale alluvion qui, dévalant le Callejón de Huaylas, allait réduire à néant la petite ville de Yungay.


Blocs de moraine laissés par l'alluvion de 1970 dans la campagne de Ranrahirca (photo D. Duguay)

Peu avant Yungay, on verra, sur le côté g. de la route, une large ouverture perçant un épaulement de la Cordillère Noire : c’est la grotte de El Guitarrero (alt. 2600 m) qui est reconnu à ce jour comme l’un des plus anciens sites de peuplement préhistorique du Pérou puisque ses couches les plus profondes, où l’on a retrouvé quelques exemples d’industrie lithique,  remontent à 12 500 av. J .-C. Elle fut étudiée, entre autres, par l’américain Thomas Lynch en 1969 et le paléontologue Augusto Cardich qui mit également en évidence, en étudiant ses strates supérieures (8500-6500 av. J.-C.), l’existence de premiers essais de domestication des plantes, attestée par la découverte de graines de haricots, de piments, de courges et même de maïs. La grotte de El Guitarrero est considérée par les archéologues péruviens comme le plus ancien foyer andin des « Premiers Agriculteurs ».

Ruines de Yungay.
55 km de Huaraz

De l’ancienne Yungay, entièrement rasée par le flot de boue et de pierres, seuls restent debout quatre des palmiers de la Place d’Armes, leurs troncs entourés par les sédiments jusqu’à une hauteur de 5 m. Tout près des palmiers, on reconnaît les vestiges d’une des tours de l’église et un peu plus loin, la carcasse rouillée d’un vieil omnibus de la compagnie Expreso Ancash. La coulée fit 20 000 morts, rien que pour la ville de Yungay. Le vaste champ désolé qui entoure ces tristes vestiges est parsemé de croix et de petits reposoirs qui furent érigés par ceux qui avaient perdu des parents ou des amis.


Vestiges et cimetière de Yungay (photos D. Duguay)

A quelques centaines de mètres, sur une butte, a été érigé un grand cimetière, le Campo Santo où reposent les restes des victimes de Yungay et de Ranrahirca. Il est couronné d’une statue du Christ, aux bras ouverts en signe de pitié. A l’entrée, des panneaux illustrent la catastrophe à l’aide de cartes et de vues aériennes prises juste après l’alluvion. Quelques photos jaunies restituent la physionomie et le charme provincial de la petite ville dans les années 60. Une nouvelle ville de Yungay a vu le jour, quelques années plus tard, protégée d’autres possibles alluvions par un rempart de collines, un peu plus au nord. Elle compte aujourd’hui près de 8000 habitants.


Récit de l'ingénieur Mateo Casaverde (1970)

Ce jour-là l'Ingénieur Mateo Casaverde et un géophysicien français furent surpris par le séisme et l'alluvion qui s'en suivit alors qu'ils parcourraient le Callejón de Huaylas lors d'une mission. L'Ingénieur Casaverde fit peu après le pathétique récit de cette catastrophe :
" Nous nous dirigions de Yungay à Caraz lorsque, à hauteur du cimetière de Yungay, la terre commença à trembler. Notre véhicule, une camionnette Chevrolet, modèle 1969 de presque une tonne sautait verticalement avec une telle force qu'il était difficile de la contrôler. Nous observâmes depuis la colline comment se désarticulaient les maisons de adobe et un pont proche sur la route. On pouvait percevoir avec beaucoup plus de clarté la composante verticale des ondes sismiques produisant des crevasses sur l'asphalte de la route.
Simultanément on observait des glissements de terre de petite ampleur avec beaucoup de poussière sur la Cordillera Negra. Nous abandonnâmes notre véhicule pratiquement quand le tremblement s'achevait.
Nous entendîmes un bruit de basse fréquence, quelque chose de différent du bruit produit par un tremblement de terre, quoi que pas tellement. Le bruit provenait de la direction du Huascarán et nous vîmes entre Yungay et le glacier un nuage gigantesque de poussière, quasiment d'une couleur argile.


Vue aérienne de Yungay ensevelie (1970) - A g. apparaît la butte du cimetière, où quelques centaines d'habitants parvinrent à se réfugier

Il s'était produit une alluvion; une partie du Huascarán Nord venait de dévaler. Il était aproximativement 15h24.
Dans le voisinage où nous nous trouvions, le dernier endroit qui nous offrait une relative sûreté contre l'avalanche était le cimetière, construit sur une colline artificielle, une construction Inca. Nous courûmes environs 100 mètres de la route avant d'entrer dans le cimetière qui avait également souffert du séisme.
Une fois à l'intérieur j'entrepris de regarder vers Yungay. En ce moment on pouvait observer nettement une onde gigantesque de boue grise claire d'une soixantaine de mètres de hauteur qui commençait à former une crête avec une légère inclination et allait atterrir la partie gauche de la ville. Cette vague ne présentait pas de poussière.
Dans notre course nous arrivâmes à atteindre une deuxième terrasse et nous trouvâmes la voie vers la troisième terrasse plus obstruée avec un homme, une femme et 3 enfants essayant de l'atteindre. La boue passa à 5 mètres de nos pieds. Le ciel s'assombrit à cause de la grande quantité de poussière, probablement due aux maisons détruites de Yungay.
Nous regardâmes Yungay qui avait disparu avec ses 20 000 habitants."

www.huaraz.info


Laguna de Llanganuco
Alt. 3850 m - 80 km de Huaraz (2h30) -  Comptez une journée AR. Cette excursion est accessible aux voyageurs individuels (en bus avec un changement à Yungay). La formule du groupe accompagné reste la plus simple (adressez-vous aux agences de Huaraz, trajet en minibus). Prévoir un vêtement chaud.

C’est l’excursion la plus commode pour accéder au coeur de la Cordillère Blanche. À la hauteur de la nouvelle Yungay, un embranchement conduit, 26 km plus loin, à l’un des sites naturels les plus spectaculaires du callejón de Huaylas. Une mauvaise route, en forte déclivité se fraie d’abord un passage dans l’impressionnante quebrada de Llanganuco, cernée de parois vertigineuses, comme si un formidable coup d’épée avait entaillé la cordillère à cet endroit. Cette coupure est le résultat du travail d’un glacier du quaternaire qui laissa au pied du défilé d’énormes blocs de moraine. Peu avant d’arriver au lac se trouve un refuge du Parc National Huascarán, servant de point de départ aux ascensions et aux randonnées, dont le fameux trek Llanganuco-Santa Cruz. Il faut s’acquitter ici du droit d’entrée pour accéder au parc.

La laguna de Llanganuco est en réalité composée de deux lacs. Le lac inférieur (Chinancocha) est beaucoup plus vaste et plus profond que le petit lac supérieur (Orconcocha), lequel ne le domine que de 5 m. Profondément nichés entre le Huascarán et le Huandoy, dont on aperçoit les glaciers à droite et à gauche, les deux lacs sont de toute beauté avec leur couleur vert émeraude changeant de ton au fur et à mesure que le soleil avance dans la journée. Sur les bords du lac inférieur pousse une variété andine de chêne-liège, la queñua, à l’écorce feuillue et aux formes tourmentées, que l’on peut apprécier en suivant un sentier botanique le long des rives du lac.


La laguna de Llanganuco et sa végétation de chênes-liège (photos D. Duguay).

Après Yungay, et en poursuivant la route en direction de Caraz, on aperçoit une colline dénommée El Pan de Azucar : c’est ici qu’eut lieu, le 20 Janvier 1839, la bataille de Yungay qui mit fin à l’éphémère Confédération Péruviano-Bolivienne, par la victoire d’Agustin Gamarra sur les forces du général Santa Cruz. Comme la bataille avait été livrée sur les bords du rio Ancash, ce petit torrent donna dès lors son nom à ce département du Pérou, qui s’appelait auparavant Huaylas.

Caraz
12 000 hab. - Alt. 2285 m – 68 km de Huaraz
La route asphaltée se termine ici, dans l’une des localités les plus souriantes du Callejón de Huaylas, dominée par l’écrin splendide que constituent les Nevados Huandoy, Santa Cruz et Alpamayo, parmi d’autres. Epargnée par le séisme de 1970, Caraz a conservé son allure coloniale, ses rues étroites et tortueuses ainsi qu’une charmante petite Plaza de Armas, avec sa fontaine et son élégant kiosque à musique peint en rouge, qu’entourent les jacarandas.
Dans les rues de la bourgade, on trouvera de nombreuses petites boutiques dédiées à la vente des spécialités laitières de la région : beurre, fromages et surtout le délicieux manjar blanco, ou dulce de leche dont la qualité et la saveur rivalisent avec ceux produits à Cajamarca ou Arequipa. De ces productions, Caraz tient son surnom de Caraz dulzura (Caraz la douce) qui lui aurait été donné par Antonio Raimondi.
A 1km env. de la Plaza de Armas par le Jr Cordova, dans le quartier de Cruz Viva, les fouilles du site de Tumshukaiko ont révèlé plusieurs structures à plateformes qui remonteraient à la période initiale de Chavin (1800 av. J.-C.).

Laguna Parón
65 km AR à partir de Caraz (1h30 jusqu’à Pueblo Parón par une route non asphaltée).
C’est l’une des grandes excursions de la région. Relativement facile, l’accès n’en est pas moins impressionnant car la piste serpente au pied d’un étroit canyon aux parois vertigineuses. À partir de Pueblo Parón, on emprunte un sentier (4h de marche) pour atteindre la rive du lac, où se trouve un autre refuge du Parc national Huascarán. La laguna Parón est le lac glaciaire le plus vaste de la Cordillère Blanche (3,5 km de long sur 800 m de large). Dans ses eaux vert-bleu où flottent parfois des blocs de glace, se reflètent les sept cimes enneigées des massifs du Huandoy (6395 m), du nevado Artesonraju (6026 m) et du nevado Piramíde de Garcilaso (5885 m). 

Huaylas
Alt. 2720 m - Caraz: 45 km – Huaraz 113 km
Vingt-cinq kilomètres après Caraz, avant l’entrée du défilé du cañón del Pato, peu après le village de Sucre, part à gauche une mauvaise route de terre. Étroite et dangereuse, elle semble accrochée au-dessus du précipice et grimpe sur une vingtaine de kilomètres vers Huaylas en offrant des vues spectaculaires sur la Cordillère Blanche. Cette petite localité qui a donné son nom au Callejón, se trouve dans une belle vallée de la Cordillère Noire. Ses maisons sont dispersées au milieu des champs cultivés et des eucalyptus. On y trouvera deux petites pensions pour les voyageurs qui voudront jouir, dans ce bout du monde du calme absolu, et surtout d’un grandiose point de vue sur les cimes des nevados Santa Cruz (6259 m), Champara (5749 m) et Alpamayo (5947 m) qui fut qualifié en 1966 dans un concours de beauté allemand, de "montagne la plus belle du monde" pour la forme parfaite de sa pyramide, qui n'est pas sans évoquer le... Mont Cervin.

Huaylas est réputé pour sa Fête de Santa Isabel (6-8 juillet) qui est l’une des plus courue de la région. Elle commence par un curieux et très coloré concours de grands bateaux à voile - confectionnés en papier dans chaque quartier du bourg - évoquant l’arrivée des conquistadors espagnols. Le lendemain, les «pashas» danseurs revêtus de masques et de costumes multicolores, sillonnent les rues en faisant claquer leur long fouet au milieu de la foule, qui hurle. Au milieu des feux d’artifices et au son des orchestres, les festivités s’achèvent généralement dans une vaste soûlerie populaire, plutôt bon enfant.

Cañon del Pato
Au nord de Caraz, le Rio Santa a creusé son lit à la jonction des Cordillères Noire et Blanche, créant ainsi un cañon étroit et profond de 1000 m. Sur l’un de ses flancs s’accroche une route de terre (étroite et dangereuse, bordant des précipices vertigineux) qui conduit vers Huaylas et Chimbote.
Le travail de I'homme, pour ouvrir un chemin carrossable dans les flancs de la montagne, avec 39 tunnels sur 25 km, et pour dompter le Rio Santa qui rugit dans ses gorges impressionnantes, est admirable. Dans les années 1960, profitant de la grande chute d’eau (415 m), la société Corporacion Peruana del Santa construisit à Huallanca une centrale hydro-électrique qui alimente pour 65 % la grande usine sidérurgique de Chimbote et pour le reste, les villes du Callejón de Huaylas, de Chimbote et de Trujillo.

Huallanca
113 km de Huaraz – 160 km de Chimbote – Alt. 1410 m
Située au débouché nord du Cañon del Pato, la localité est séparée en deux, le conglomérat industriel d’un côté, et un petit village assez pauvre de l’autre. Ici prend naissance la route qui mène à Chimbote, construite sur l’assiette de l’ancienne voie ferrée détruite en 1970. Cette route bifurque, 10 km plus au nord, avec celle de Sihuas, menant vers le bassin du río Marañon, mais ausssi vers le Callejón de los Conchucos, vallée tout aussi remarquable que le Callejón de Huaylas, mais d'accès plus difficile et donc beaucoup moins fréquentée.


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