Guide du Pérou


Chiclayo et Lambayeque

Active, prospère et remuante, Chiclayo est en passe de devenir l'une des plus grandes villes du pays. Né autour d'un monastère franciscain fondé en 1541, ce carrefour du nord-Pérou, situé dans l'oasis côtière de Lambayeque, grosse productrice de canne à sucre, de riz, de coton et de blé, n'a cessé de se développer. Son rôle économique pour la mise en valeur de l'arrière-pays amazonien a pris de l'importance depuis une vingtaine d'années, grâce à l'ouverture de la route Olmos-Marañon, par le passage le plus bas des Andes, l'Abra de Porculla (2144 m). Elle possède en outre son avant-port, à 20 km au sud : Puerto Eten, l'un des ports de pêche et de marchandises les plus importants de la côte nord du Pérou.
En dépit de son climat semi-tropical agréable, avec une moyenne annuelle des températures autour de 24°C, la ville ne présente, en elle-même, qu'un intérê touristique limité, si ce n'est son grand marché connu pour ses produits miracle et ses potions magiques. En revanche, elle bénéficie du voisinage de localités très attrayantes telle Lambayeque, de plages magnifiques et d'un riche patrimoine archéologique, légué par les lointaines cultures Mochica, Lambayeque et Chimú.

Pas grand-chose à voir dans le centre-ville de Chiclayo. On y retiendra surtout, sur la Plaza de Armas, tellement populeuse qu'il est rare d'y trouver un banc pour s'asseoir, une simple curiosité : la cathédrale de style néo-classique, bâtie en 1869 sur les plans de l'ingénieur Gustave Eiffel. Elle voisine avec le Palacio Municipal (1919) récemment restauré, d'un style assez crémeux avec ses corniches, ses festons et ses moulures blanchâtres. Finalement, l'endroit le plus étonnant est le Mercado modelo, entre les av. Balta et Luis Gonzales (à six cuadras au nord de la plaza de Armas, ouvert toute la journée). On trouve à peu près tout dans le labyrinthe de cet immense marché : des coiffeurs, des tortues et des chiens, des fruits tropicaux venant des vallées tropicales, des marchands de liqueurs artisanales et surtout, un quartier d'herboleria (herboristerie) et de magie populaire. Vous pourrez vous procurer tous les colifichets, amulettes, herbes et potions imaginables pour vous protéger efficacemnt du mauvais sort. La preuve : ses parfums d'encens et de bois de santal parviennent presque à éloigner l'odeur des viandes et des poissons exposés en plein soleil, juste à côté. L'endroit étant populeux, il convient d'êre vigilant et de surveiller ses petites affaires.
Avec ça, le tour sera fait. Il est vrai que le flot de circulation incessant, la pollution et un vacarme harassant n'incitent guère à la flânerie dans Chiclayo. Tout au plus servira-t-elle de ville étape pour la visite de la région, et notamment de Lambayeque.

Lambayeque
25 000 hab. - 15 km au nord de Chiclayo (prendre un taxi ou un colectivo)

Fondée vers 1550, cette ville au cachet très espagnol, semble bien assoupie en comparaison de sa voisine la turbulente et affairée Chiclayo. Elle mérite une visite pour l'unité et le charme colonial de ses ruelles pavées, de ses grandes casonas aux patios fleuris, de ses fenêres aux grilles en fer forgé et de quelques magnifiques balcons. Un tour de ville, où l'on ne manquera pas d'admirer l'une des plus vastes et plus belles églises du nord du Pérou, constituera le complément à l'indispensable visite de deux magnifiques musées : le récent Musée des Tombes Royales de Sipán (ouvert en 2003) et le Musée Brüning tous deux situés au centre de la localité. Enfin, dans les environs immédiats de Lambayeque, se dressent plusieurs sites archéologiques de grande importance pour l'histoire des cultures Moche, Lambayeque et Chimú, parmi lesquels celui de Pampa Grande, où l'archéologue Walter Alva découvrit la tombe du "Seigneur de Sipán" en 1988.

Museo Tumbas Reales de Sipán
L'un des plus riches musées du pays à l'heure actuelle. Construit dans un vaste parc, son architecture évoque les pyramides de la côte nord du Pérou : on accède au bâtiment principal par une longue rampe en pan incliné. A l'intérieur, sur trois niveaux, ont été définitivement rassemblés le résultat des fouilles de Walter Alva à Pampa Grande en 1988, c'est-à-dire l'essentiel des parures en or découvertes dans les tombes du Seigneur de Sipán, de l'ancien Seigneur de Sipán et du grand prêre (El Sacerdote). La visite observe un circuit où tout le travail des fouilles est minutieusement décrit. Dans une succession de salles obscures, les vitrines renferment des trésors fabuleux : coiffes, pectoraux, colliers, bracelets, sceptres et autres emblèmes de pouvoir, qui sont autant de preuves du sens artistique et du raffinement auxquels étaient parvenus les orfèvres de la culture de Sipán. Les pièces maîtresses sont évidemment les fameuses (et effrayantes) figures de l'Homme-Crabe et de l'Homme-Poulpe, sans compter la reconstitution de la tombe du Seigneur de Sipán.


Reconstitution de la tombe du seigneur de Sipán

La dépouille de ce puissant personnage, ou roi local vivant vers 300 après J.-C. - époque correspondant à l'apogée de la civilisation Mochica - est accompagnée de celles de deux hommes, d'un chien et de deux femmes, peut-êre des concubines, tous sacrifiés au moment de la mort de leur maître. Ils étaient entourés d'innombrables poteries, dont beaucoup à caractère anthropomorphe. Inhumé en costume de cérémonie, le prince était paré de ses attributs. Une boucle d'oreille en or et turquoise compte parmi les plus beaux bijoux connus de l'Amérique précolombienne. Autre objet remarquable, un sceptre en or ' en fait une sonnette ' a été retrouvé à son côté. Symbole de son pouvoir, il est orné de différentes scènes, dont l'une représente un chef guerrier fracassant la têe d'un prisonnier. D'autres objets de très grande valeur composent un ensemble saisissant : un collier de seize grands disques d'or, un autre formé d'éléments en forme de cacahuètes, dont une moitié est en or et l'autre en argent, plusieurs garnitures de têe, plusieurs coiffes en forme de hache et couronnées de petites clochettes, un masque, un couteau, un bouclier en or, etc.

Museo Brüning
C'est l'un des plus riches musées de céramique de la côte nord du Pérou. La collection amassée par son fondateur est régulièrement complétée par le produit des fouilles récentes menées dans la région. Hormis les magnifiques pièces de textile et d'orfèvrerie des cultures Sicán et Chimu, le musée renferme l'une des plus belles collections de céramiques Mochica sur les thèmes les plus variés. Toutes les pièces sont d'une très grande finesse, la plupart réalistes et très expressives.

Eglise San Pedro
Bordant sur tout un côté la place principale de Lambayeque, cet édifice monumental, construit au début du 18e s. domine toute la ville de ses deux grandes tours octogonales coiffées de coupoles. Une troisième coupole couvre la croisée du transept. Ses vastes proportions sont dues aux trois grandes nefs qui renferment un précieux mobilier, parmi lequel quatorze grands retables de bois sculpté.
Se dressant dans la rue latérale à l'église, les quatre chapelles baroques du 17e s. consacrées à San Francisco par les Jésuites, à San Roque, fréquentée par les Indiens, à Santa Catalina pour les créoles et à Santa Lucia pour les Noirs (qui furent nombreux dans cette province à l'époque coloniale) ont été quelque peu maltraitées par le temps, mais forment avec l'église un magnifique ensemble, empreint de sévérité et de mélancolie.


Lambayeque : église San Pedro - balcon de la Casa de la Independencia (photos D. Duguay)

Casa de la Independencia
Angle av. 2 de Mayo et San Martín

Cette vénérable casona du 18e s. (également dénommée Casa de la Logia ou encore Casa Montjoy) est la bâtiment d'architecture civile le plus fameux de Lambayeque : les patriotes de la ville s'y réunirent pour proclamer l'indépendance de la province en décembre 1820. Son balcon de bois sculpté à angle droit, vieux de 400 ans, qui recouvre deux côtés de la demeure, ne mesure pas moins de 64 m de long! Les spécialistes le considèrent comme l'un des plus beaux balcons péruviens de la fin de l'époque coloniale. Quant aux habitants du quartier, ils vous soutiendront fièrement que c'est le plus grand balcon d'Amérique!

Environs de Chiclayo

Pimentel
15 000 hab. À 14 km à l'ouest de Chiclayo
Cette station balnéaire réputée du possède une longue plage de sable fin en forme de demi-lune, paradis pour les baigneurs et les surfeurs. Elle est aussi connue pour son muelle, haute jetée sur pilotis datant des années 1900, la plus longue du Pérou, qui sépare la plage en deux : au sud le côté populaire, avec ses gargotes à poissons, ses barques de pécheurs échouées sur la plage et ses caballitos de totora, comme à Huanchaco; au nord, le côté résidentiel et plus chic, aligné le long du malecón Manuel Seoane, sorte de petite Croisette locale, où se dressent les immeubles résidentiels et quelques petites folies de style mauresque, entourées de palmiers.


Le muelle (jetée) de Pimentel

Huaca Chotuna
12 km à l'ouest de Chiclayo. Accès en taxi
.
Proche de la côte, le complexe archéologique de Huaca Chotuna Chomancap recouvre un ensemble de plusieurs pyramides dont la principale est une énorme huaca aux allures de colline ravinée qui culmine à 40 m de hauteur. Le site remonte à la culture Lambayeque et fut plus tard occupé par les Chimu et les Incas. En 2008 fut mis à jour au pied de celle-ci un cimetière où gisaient plusieurs squelettes portant des traces de sacrifices, notamment celui d'une femme enceinte dans laquelle demeurait le maxillaire d'un foetus. La Huaca Gloria ou "Temple des Frises", proche de la pyramide principale, est orné de grandes frises murales portant des traces de polychromie, représentant des serpents bicéphales et des représentations de faune terrestre et marine. Certaines sont encore en cours de restauration.


La Huaca Chotuna, près de Chiclayo

Le musée du site, récemment ouvert, présente le résultat des fouilles et des dernières recherches menées sur place par Carlos Wester La Torre et les archéologues du Museo Brüning de Lambayeque, notamment les ossements de victimes sacrifiées découvertes dans le cimetière.

Monsefú
15 km au sud de Chiclayo, sur la rive droite du Rio Reque

Proche de Chiclayo, cette petite localité entourée de plages est fameuse pour son artisanat typique de paille tressée (notamment les chapeaux), mais surtout pour l'une des plus belles fêes religieuses de la région : la procession del Señor Cautivo (du Seigneur Captif) célébrée le 14 Décembre, au milieu d'expositions artisanales, de concours de fleurs, de danses et de musique.

Ferreñafe
17 km au nord-est de Chiclayo.

Cette bourgade à la jolie plaza de Armas écrasée sous le soleil où se dresse une belle église coloniale du 16e s., mérite un détour pour la visite du tout récent Museo nacional Sicán. Un parcours didactique retrace les grandes étapes de la culture Sicán (ou Lambayeque). On découvre les reconstitutions d'une tombe de la Huaca del Loro (Batán Grande), d'ateliers de potiers et d'orfèvres, où sont décrites les différentes techniques de dorure et de laminage. Le clou du musée est sa grande salle obscure d'orfèvrerie, où de splendides, parures d'or sont exposées dans des vitrines illuminées.

Pampa Grande (site de Sipán)
35 km au sud-est de Chiclayo. Accès en microbus depuis le terminal Epsel de Chiclayo ou en visite organisée par les agences de tourisme locales. Compter une bonne demi-journée.
Egalement dénommé Huaca Rajada, le site est composé de plusieurs grosses pyramides tronquées datant de l'époque Mochica (vers 300) qui, avant de passer sous les feux de l'actualité, ne ressemblaient plus qu'à de grosses collines ravinées. Courant 1987, le trafic des huaqueros, ou pilleurs de tombes, qui en avaient déjà extrait de nombreuses pièces, finit par attirer l'attention des archéologues locaux, dont Walter Alva. On verra sur place quelques tombes restaurées et un intéressant petit musée de site.

Pyramides de Túcume
40 km au nord de Lambayeque en direction d'Olmos, près du village de Mochumi. Visites guidées depuis Chiclayo.

Situé dans la basse vallée du Rio La Leche, près du village de Mochumi, ce vaste complexe archéologique est également connu sous le nom de El Purgatorio. Il occupe une superficie de 220 ha où l'on relève la trace de 26 structures pyramidales datant sans doute de 600 à 1000 après J.-C. Túcume est certainement le point culminant de la culture Lambayeque, influencée par les cultures Chimú et Tiahuanaco-Huari. Il devait s'agir d'une petite ville bâtie au pied d'une éminence rocheuse, le Cerro la Raya, et dont le plan circulaire comprend des restes d'habitations, de pyramides consacrées aux cultes, de terrasses et de patios.
Le site présente des traces d'occupation allant de la culture initiale de Lambayeque jusqu'à l'occupation inca, comme en témoignent les deux édifices les plus remarquables : la Huaca Larga, aux dimensions colossales, construite en adobes recouverts d'un enduit peint, et le petit Templo de la Piedra Sagrada, fouillé par l'archéologue Alfredo Narváez, qui livra de nombreuses informations sur les pratiques religieuses de la période Lambayeque. Les objets recueillis ont été réunis dans le petit, mais très intéressant musée du site.

Batán Grande
Après la visite de Túcume, reprendre la route Transandine en dir. d'Olmos. À Ilimo, tourner à dr. sur une route non revêue (25 km). L'autre accès (direct depuis Chiclayo) consiste à se rendre à Ferreñafe jusqu'au Museo Nacional Sicán. La route qui se poursuit au-delà du musée rejoint Pitipo, le Sanctuaire Historique du Bosque de Pómac et Batán Grande (41 km de Chiclayo). Il vaut mieux opter pour un circuit organisé depuis Chiclayo, incluant la visite de Túcume et du musée de Ferreñafe.

Situé sur les bords du Rio La Leche, en amont de Túcume et au beau milieu de la zone protégée du Bosque de Pómac, ce site est l'un des plus vastes ensembles archéologiques du nord du Pérou : il occupe une aire de plus de 50 km2 où se dressent une vingtaine de pyramides qui furent sans doute le centre de la culture Sicán ou Lambayeque. La majeure partie des pièces d'orfèvrerie en or de cette culture, parmi lesquelles les tumi et le masque d'or conservés au Museo de Oro à Lima proviennent de ce site. Batán Grande semble avoir été en partie détruit par un phénomène du Niño au début du second millénaire, cause probable de son abandon et de l'essor du site voisin de Tucúme.


Site de Batán Grande

Batán Grande fit l'objet de fouilles menées par Izumi Shimada lequel découvrit de magnifiques sépultures dans la Huaca Las Ventanas et la Huaca del Loro. Les objets exhumés lors de cette campagne furent présentés à Lima au Museo de la Nación en 1992. Cette exposition fit sensation car elle fut la. première à révéler au grand public les trésors de la culture Sicán ou Lambayeque.
Des archéologues péruviens ont encore découvert en 2010, dans la Huaca Las Ventanas les restes d'une vingtaine de squelettes dont les restes d'un enfant de 3 à 4 ans datant du 12e s. et la dépouille d'un notable drapé dans un fardo funéraire, paré d'une coiffure et d'un masque aux yeux ailés, ornement caractéristique des nobles de la culture Sicán.

Vers Piura
A la sortie nord de Lambayeque, la route se divise en deux : à g. la nouvelle route panaméricaine qui file droit vers Piura; à dr. l'ancienne route Panaméricaine qui conduit à Olmos, traditionnel embranchement de la route dite "Olmos-Marañon" ou encore Transandina, qui par l'Abra de Porculla - le col le plus bas des Andes péruviennes (2144 m) - donne accès aux localités amazoniennes du bassin du bas-Marañon : Jaen, Bagua, Chachapoyas, Rioja, Moyobamba, Tarapoto... Cette région dite "Selva Alta" - aux extraordinaires et luxuriants paysages - est devenue l'une des principales régions agricoles du Pérou (café, céréales, fruits, bois). Son développement touristique est en plein essor.

Entre Lambayeque et Piura, la nouvelle route Panaméricaine Nord (tracée dans les années 1980) traverse en ligne droite, sur près de 200 km, le désert de Sechura, longue succession de dunes arides poussées par le vent, dans un paysage quasiment lunaire. En mars et avril 1998, suite à des pluies diluviennes, jamais vues dans cette région et provoquées par le phénomène du "Niño", se forma dans le désert un lac immense qui fut appelé "La Niña Piura". Les eaux de l'océan y pénétrèrent, qui en firent un véritable paradis pour la pêche, immédiatement exploité. Peu profonde, la lagune est actuellement en train de se résorber, avec le retour de la sécheresse.


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