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La très riche tombe du "Seigneur de Sipán" |
La découverte, en 1988, de la tombe du "Seigneur de Sipán" dans le Nord du Pérou, par Walter Alva a certainement été - dans l'histoire de l'archéologie précolombienne - la trouvaille la plus marquante des deux dernières décennies du 20e siècle. Elle fut aussi la plus médiatisée, puisque en partie sponsorisée par la revue National Geographic.
Elle commença comme un vrai roman policier. Un soir de février 1987, le professeur Walter Alva, 37 ans, directeur du musée Brüning de Lambayeque, reçoit un coup de téléphone du chef de la police locale, qui lui demande de venir sur le champ. Ses hommes viennent de saisir de superbes objets d'art volés par des "huaqueros" (des pilleurs de tombes). Arrivé sur place, W. Alva, grand spécialiste de la culture Mochica, est stupéfait par la qualité des objets qu'il aperçoit. Il entreprend alors de monter une expédition dans l'espoir de retrouver d'autres trésors sur le site d'où on les a tirés : la huaca, ou pyramide de Sipán, près de Pampa Grande, à 50 km au Sud-Ouest de Chiclayo. Ses espérances ne furent pas déçues, car après un an de fouilles laborieuses, lui et son confrère Luis Chero Zurita découvrirent la tombe du "Seigneur de Sipan", qui lui permit de passer à la postérité.
La tombe elle-même date d'environ 290 ou 300 après J.-C, époque correspondant à l'apogée de la civilisation Mochica sur la côte Nord du Pérou. Le site de Sipán, dit aussi Pampa grande, jusqu'alors inexploré, se compose de deux grandes pyramides fortement érodées, qui, avant de passer sous les feux de l’actualité, ne ressemblaient plus qu’à de grosses collines ravinées. Courant 1987, le trafic des huaqueros, ou pilleurs de tombes, qui en avaient déjà extrait de nombreuses pièces, finit par attirer l’attention des archéologues locaux, dont Walter Alva. C'est à l'intérieur d'une grande plate-forme qui était peut-être surmontée d'un petit temple, la Huaca Rajada, que Walter Alva et son confrère mirent à jour la sépulture de celui qui devait être un très puissant personnage, ou un roi local.
Le "Seigneur de Sipán" a été retrouvé entouré de deux hommes, d'un chien et de deux femmes, peut-être des concubines, tous sacrifiés au moment de la mort de leur maître. Ils étaient entourés d'innombrables poteries, dont beaucoup à caractère anthropomorphe. Mais le coeur du trésor se situe dans le cercueil même du prince. Celui-ci avait en effet été inhumé en costume de cérémonie et paré de tous ses attributs. On a trouvé notamment une boucle d'oreille en or et turquoise qui pourrait bien être l'un des plus beaux bijoux connus de l'Amérique précolombienne. Un autre objet remarquable est une sorte de sceptre en or, qui en fait est une sonnette, et a été retrouvé à son côté, comme un symbole de son pouvoir. Cette sonnette est ornée de différentes scènes, dont une représente un chef guerrier fracassant la tête d'un prisonnier. Il y a encore beaucoup d'autres objets de très grande valeur : un collier composé de seize grands disques d'or, un collier de cacahuètes, dont une moitié est en or et l'autre en argent, plusieurs garnitures de tête, dont l'une, en forme de demi-lune, est en or, plusieurs rabats en forme de hache et couronnés de petites clochettes, un masque, un couteau, un bouclier en or, etc.
La Huaca Rajada (Pampa Grande) dans son état actuel.
Tous ces joyaux et parures, soigneusement restaurés sont présentés aujourd’hui dans le magnifique musée consacré aux tombes royales de Sipán à Lambayeque, le Museo Tumbas Reales de Sipán.
Construit dans un vaste parc, son architecture évoque les pyramides de la côte Nord du Pérou : on accède au bâtiment principal par une longue rampe en pan incliné. A l'intérieur, sur trois niveaux, ont été définitivement rassemblés le résultat des fouilles de Walter Alva à Pampa Grande en 1988, c'est-à-dire l'essentiel des parures en or découvertes dans les tombes du Seigneur de Sipán, de l'ancien Seigneur de Sipán et du grand prêtre (El Sacerdote). En tout près de 2000 objets en or qui ont subi un patient travail de nettoyage et de restauration. La visite observe un circuit où tout le travail des fouilles est minutieusement décrit. Dans une succession de salles obscures, les vitrines renferment des trésors fabuleux : coiffes, pectoraux, colliers, bracelets, sceptres et autres emblèmes de pouvoir, qui sont autant de preuves du sens artistique et du raffinement auxquels étaient parvenus les orfèvres de la culture de Sipán. Les pièces maîtresses sont évidemment les fameuses (et effrayantes) figures de l'Homme-Crabe et de l'Homme-Poulpe, le clou du musée étant la salle où est reconstituée la tombe du Seigneur de Sipán.
©Daniel DUGUAY / dduguay@club-internet.fr