Guide du Pérou


Peuples et langues de l'Amazonie

La forêt amazonienne du Pérou compterait plus d'une soixantaine de tribus et semi-tribus, dont une vingtaine, groupant environ 60 000 individus, fuieraient les contacts avec les blancs et les métis au plus profond de la selva.
Voila tout ce qu'il reste d'une population selvatique qui jadis, dut être immense, avant d'être d'abord décimée par les expéditions espagnoles
entre les 16e et 18e siècles, et ensuite par la férocité des "caucheros" au 19e siècle
.


 Un Indien Huambisa (photo Promperú)

les racines Arawak
Les Arawaks formaient, à l'époque de la découverte de l'Amérique, une des plus vastes peuplades amérindiennes, occupant toute la zone Caraïbe et la région de l'Orénoque, jusqu'au sud de l'actuelle Colombie. Pour l'archéologue Julio C. Tello, il est fort possible qu'après avoir pénétré fort avant dans la forêt amazonienne, ils aient fini par parvenir aux régions Andines. Mais on ignore dans ce cas quel fut exactement leur apport culturel sur les populations de l'Equateur et du Nord du Pérou.
La langue arawak est maintenant reconnue par les linguistes comme l'un des quatre grands groupes de langues sud-américaines précolombiennes. Il est parlé depuis les Antilles jusqu'au Sud du Brésil.
Dans ce groupe, citons quelques exemples de dialectes Arawak pris du Nord au Sud : Antillais, Guajiro, Caquetio, Guayape, Arawak propre, Orénoque, Rio Negro de l'Amazone, Gaicuru et Jurua Puru des piémonts andins de l'Amazonie, Piro, Amuesha, Machiguenga, Culina, Chuncho, Campa de la selva alta péruvienne, ce dernier dialecte étant celui parlé par les indiens Asháninkas.
A ce groupe Arawak, il convient d'ajouter les langues dites "affiliées" :
1) le Jivaro
2) le groupe Uru-Chipaya-Pukina qui est le parler des lacs Titicaca et Poopo, des Puquinas du Pérou central; on y joint le Chango des pêcheurs du Chili côtier.
3) Le Caraïbe (Petites-Antilles, Venezuela, Est de la Colombie)
4) Le Tupi et le Guarani (Guyanes, Est du Brésil, Paraguay et Uruguay)
5) Tucanan ou Macro-Tucanan : ces langues sont encore parlées par quelques groupes du Nord-Ouest de l'Amazonie. On y note des dialectes Chama, Shipibo, Cashibo, Setibo et Bororo.
(Classification extraite de F.-A. ENGEL, Le Monde précolombien des Andes , Paris 1972)

les Jivaros
Située à la fois sur les territoires équatorien et péruvien, cette ethnie est certainement la plus connue de toutes les tribus amazoniennes pour ses anciennes pratiques guerrières, qui firent surnommer les Jivaros "Réducteurs de têtes". Réputés très belliqueux pendant les temps de la colonisation jusqu'au 19e s., ils s'appliquent principalement aujourd'hui à la culture de la yuca, du camote (patate douce), du maîs ou de la banane, et se procurent les outils qui leur sont nécessaires en troquant leur production. Ils ont conservé leurs croyances ancestrales et pratiquent encore de nombreux rites, ainsi qu'une médecine traditionelle, liée à la sorcellerie et à leur grande connaissance des plantes selvatiques. La grande famille Jivaro est en fait divisée en plusieurs groupes ethniques qui se faisaient jadis la guerre : les Aguarunas, les Ashual et les Huambisas.
Les Ashual occupent le côté équatorien, les Huambisas le bassin du Rio Santiago et les Aguarunas occupent les rives du rio Marañon, depuis son confluent avec le rio Uctubamba, jusqu'à celui avec le Morona.

les Yaguas
Ils occupent la région comprise entre Iquitos et la frontière colombienne, dans un rectangle de 550 km sur 300 km. La population Yagua est estimée à 3000 indiens : en réalité elle doit être plus importante, mais le voisinage d'une ville importante, comme Iquitos, dévoreuse de main d'oeuvre à bon marché, a drainé vers l'assimilation et le métissage une très grande part de cette ethnie. Ils furent d'ailleurs décimés pendant le boom du caoutchouc à la fin du 19e s. Il en existe un petit groupe, près de l'Amazon Lodge, régulièrement "visité" par les touristes, heureux d'y retrouver leurs souvenirs de bandes dessinées : ce sont les Yaguas qui portent ces longs pagnes de fibre végétale et vont avec leur serbacane, parfois longue de deux mètres.

les Shipibos
Le groupe ethnique des Shipibos, qui appartient à la famille linguistique Pano, occupe les rives du rio Ucayali et de ses affluents, en aval de Pucallpa (département de l'Ucayali, dans l'Amazonie Péruvienne ). En amont de cette localité, on considère que l'Ucayali est plutôt le domaine des Conibos; mais en fait, on retrouve des communautés appartenant aux deux groupes ethniques dans l'une comme dans l'autre zone.
Le territoire des Shipibos occupe une aire d'à peu près 15 000 kms2 et se situe à une altitude moyenne de 200 m. La population Shipibo-Conibo atteignait environ 20 000 personnes en 1985. Sa culture est réputée pour sa céramique aux formes évasées et ses textiles ornées de formes géométriques dans les tons crème et brun.


CĂ©ramiques et textiles de style Shipibo (photo D. Duguay)

les Cashibos
"Cousins" des Shipibos, ils occupent l'aire comprise entre les Rios Pachitea et Aguaytia. Les Cashibos furent pour la première fois visités par des missionnaires franciscains, vers le milieu du 18e s. Ils s'avèrent d'excellents agriculteurs et cultivent le maïs, la yuca, le camote. Ils se déplacent le long des rivières dans de longues pirogues taillées dans des troncs et pêchent en utilisant de grands filets, ou sinon l'arc et les flèches.

les Conibos
Peuple selvatique de l'Amazonie péruvienne, occupant les rives des Rios Pachitea et Ucayali (ce dernier sur son cours supérieur, jusqu'au Rio Urubamba). Les Conibos se considèrent eux-mêmes comme des descendants des incas. Ils s'habillent d'une cushma (tunique) souvent décorée de motifs géométriques et arborent de magnifiques coiffes de plumes. Excellents agriculteurs, ils sillonnent les fleuves sur leurs pirogues pour vendre leurs produits assez loin; on reconnaît en général aux Conibos une certaine aptitude pour pratiquer des transactions commerciales avec les blancs. En comparaison avec d'autres tribus, il semble qu'ils aient été assez facilement assimilés par la culture occidentale; il est vrai que cette assimilation remonterait à la fin du 17e s. Les Pères Franciscains étant arrivés dans la région vers 1685.

les Amueshas
Tribu amazonienne peuplant la région des rios Perené, Pozuzo et Pachitea. Les Amueshas cultivent la yuca, la banane, les fruits tropicaux comme la papaye. Ils vivent aussi de la pêche et se regroupent dans de petits villages aux maisons faites de rondins avec des toits de paille. Leur dialecte est assez voisin de celui des indiens Asháninkas; comme eux, ils pratiquent volontiers la magie et la sorcellerie.
Les Amueshas furent catéchisés à partir de 1655 par des missions franciscaines, plusieurs fois interrompues, jusqu'à la fondation de la bourgade de San Ramon (1847).

les Asháninkas
L'entité nationale des indiens Asháninkas constitue l'une des populations selvatiques les plus nombreuses de l'Amazonie péruvienne. Une étude réalisée en 1974 recensait un total de 45 000 personnes, en prenant compte des indiens Machiguengas, qui appartiennent à cette même entité.
Les Asháninkas occupent un assez vaste territoire au Sud de l'Ucayali, s'étendant entre la Selva Alta et le Madre de Dios, régions traversées par les grands affluents de l'Ucayali : les rios Urubamba (dans son cours inférieur), Tambo, Péréné, Ene, Pichis, Palcazu, Mantaro, Apurimac, etc. On les retrouve également dans la zone du Gran Pajonal, qui s'élève entre 1000 et 2000 m d'altitude.
Ils furent longtemps appellés Campas, terme impropre qui désignait des tribus exclusivement guerrières et synonyme de "sauvages", image péjorative qui fut forgée pendant la conquête et encore véhiculée jusqu' à une date récente. Les Asháninkas eux-mêmes ne reconnaissent pas ce terme et se définissent comme des paysans.
Ce n'est que vers 1635 que des missionaires franciscains parvinrent à pénétrer dans les territoires Asháninkas dans le but d'y apporter les évangiles. Ils parvinrent notamment au Cerro de la Sal, qui était un lieu très important pour les populations selvatiques puisqu'elles allaient, comme son nom l'indique, y chercher du sel. Les franciscains fondèrent plusieurs missions qu'ils durent relever plusieurs fois, tant l'hostilité des Asháninkas était grande.


Asháninkas sur le pied de guerre...
mais c'est pour la photo. (Rumbos)

A la mĂŞme Ă©poque, les colonisateurs espagnols entrèrent dans la rĂ©gion, Ă  la recherche d'or et de main-d'oeuvre pour leurs encomiendas : la rĂ©sistance fut encore plus acharnĂ©e. Devant ces agressions rĂ©pĂ©tĂ©es, plusieurs grands soulèvements se produisirent dès la fin du 16e s. comme celui dirigĂ© par Ignacio Torote, un indien originaire du village de Cataripanco, soulèvement qui prĂ©cĂ©da celui de Juan Santos Atahualpa en 1742, auquel les indiens Campas prêtèrent main forte. A partir de 1752, les espagnols se retirèrent de la région et les Asháninkas purent vivre en totale indépendance jusqu'à l'époque républicaine et le retour des expéditions civiles et religieuses menées depuis le monastère franciscain de Santa Rosa de Ocopa. L'une des plus notables expéditions de cette époque est celle du père Sala en 1896 à travers les régions des rios Pichis, Pachitea, du cours supérieur de l'Urubamba et de la zone du Gran Pajonal.

La lutte contre les barrages du Madre de Dios
Un autre combat livré par les Asháninkas et leurs voisins Carabayas, tout à fait récent celui-ci, les voit s'opposer à la construction des deux gigantesques barrages d'Inambari et Pakitzapango dans la région du Madre de Dios. Les gouvernements du Brésil et du Pérou avaient signé en 2010 un accord pour la construction d’une série de grands barrages en Amazonie péruvienne, dont la raison principale était la demande croissante en énergie du Brésil. Le gouvernement péruvien qui y voyait une opportunité pour l’économie nationale, donna son aval à un consortium d’entreprises rassemblant notamment Electrobrás et Odebrecht, pour la construction de ces barrages, les plus grands du Pérou, dont l'un allait noyer 46 000 ha et l'autre 90 000 ha de forêts.
Une victoire partielle a été obtenue en juin 2012 : le gouvernement du président Ollanta Humala a annulé le contrat provisoire signé avec la compagnie brésilienne Egasur. Il avait d'ailleurs promis avant son élection de respecter le principe du droit des peuples indigènes au consentement libre, préalable et éclairé sur tout projet les concernant ou affectant leur terre. Précisément, la réalisation du barrage d'Inambari aurait affecté la vie d’environ 15 000 habitants riverains, y compris les Indiens Carabaya dont la forêt aurait été totalement inondée. En outre, il aurait bouleversé tout l’écosystème constitué par la zone tampon du Parc national Bahuaja-Sonene, réputé dans le monde pour sa très grande biodiversité et catalogué par la National Geographic Society comme l’un des sites naturels les plus emblématiques de la planète.


les Machiguengas
Ils occupent une aire assez vaste, embrassant la basse vallée du rio Urubamba jusqu'au rio Alto Madre de Dios. Non loin du fameux Pongo de Mainique, un impressionant défilé par lequel le rio Urubamba franchit la cordillère de Vilcabamba, une chute d'eau, (la Caida del Tonkini), est un des lieux sacrés des Machiguengas : elle serait la porte vers l'au-delà. Les Machiguengas sont aujourd'hui cultivateurs et artisans : le débouché de leurs productions (fruits tropicaux, textiles) est la ville de Quillabamba, reliée par la route à Cuzco.
Le romancier péruvien Mario Vargas Llosa a décrit leurs anciens rites et croyances dans l'une de ses meilleures fictions "El Hablador" (L'Homme qui parle).


Un foyer Machiguenga


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