Guide du Pérou

La longue histoire du fleuve AMAZONE

Premier fleuve du monde, le plus rapide et le plus abondant (185 000 m3 d'eau à la seconde à son estuaire pendant la saison des pluies), l'Amazone est formé par l'union du Marañon et de l'Ucayali. Il mesure près 7025 km de long et son bassin couvre 7 millions de km2, soit près de 40% de la superficie de l'Amérique du Sud. L'éventail formé par les quelques 1100 affluents qui l'alimentent chevauche allègrement l'Equateur, allant du 5° de latitude Nord à la frontière du Venezuela et du Guyana (Rio Branco ) jusqu'au 20° de latitude Sud en Bolivie (Rio Madeira). Le volume d'eau douce qu'il déverse dans l'Atlantique est tel que la salinité et la couleur des eaux de mer se trouvent modifiées à encore 300 km des côtes du Brésil. Selon une étude récente, l'Amazone serait aussi le plus long fleuve du monde, sa longueur s'étirant sur 6 800 kilomètres (le Nil n(atteignant que 6 695 kilomètres).

Le fleuve est navigable pour les vapeurs jusqu'à Iquitos au Pérou, à 3700 km de son embouchure, voire même jusqu'à Pucallpa pour le cours de l'Ucayali. Au-delà, les petits bateaux peuvent encore le remonter jusqu'à la bourgade d'Atalaya, au confluent de l'Ucayali et du Rio Urubamba


L'Amazone à Iquitos

La querelle des sources
Un groupe international de géographes a déclaré lundi avoir découvert la véritable source de l'Amazone, un peu en amont du point précédemment retenu. D'après eux le fleuve emerge d'un glacier souterrain dans la crevasse d'Apacheta, à 5170 m d'altitude dans la partie péruvienne des Andes.
"La source de l'Amazone n'avait pas encore été identifiée de manière incontestable et beaucoup d'hypothèses contradictoires étaient formulées" a déclaré le groupe dans un communiqué publié à l'issue d'une expédition de neuf jour dans la région d'Arequipa, à environ 1000 km au sud de Lima."
Voici ce que l'on pouvait lire dans une dépêche de l'Agence Reuter, en provenance de Lima, le 23 juillet 1996, soit près de 55 ans après que Bertrand Flornoy ait tenté de démontrer mordicus que les vraies sources n'étaient pas celles de l'Ucayali., mais du Marañon... Il fit plus tard le récit de ses recherches dans un ouvrage cher au coeur des américanistes : Amazone, terres et hommes et dont le sous-titre - en caractères plus modestes - était : Découverte des sources (Perrin, 1969).
Ce grand mystère des sources de l'Amazone, qui fait encore courrir les explorateurs, est à la mesure de l'objet décrit : immense et sans fin. Lorsque vers 1500, le portugais Yanez Pinzón, ancien compagnon de Colomb, découvre l'embouchure de ce fleuve, il croit avoir affaire à une vaste mer intérieure d'eau douce et fait demi-tour : il ignorait évidemment que cet mer aurait pu le conduire jusqu'au Pérou, sans nécessairement traverser le Panama par voie de terre et suivre l'Océan Pacifique vers le Sud, comme le firent un quart de siècle plus tard les conquistadors espagnols. Une belle occasion ratée!

Découverte
Le premier explorateur de l'Amazone pourrait bien avoir été un certain Apo Camac, capitaine des armées incas envoyé dans la grande forêt sur l'ordre de l'Inca, au début du 14e s. Il avait pour mission de reconnaître et de prendre possession des terres des indiens sauvages de la Selva, que les incas appellaient Antis, d'où est dérivé le mot Andes. On connaît avec plus de certitude le voyage de Francisco de Orellana. Le 12 février 1541, Orellana partit de Quito avec Gonzalo Pizarro à la conquête de la cannelle et de l'Eldorado. Il rencontra le fleuve qui devait le mener jusqu'à l'Atlantique. Quatre mois plus tard, le 24 Juin, jour du solstice d'été, l'embarcation des Espagnols fut attaquée par des femmes indiennes : les Amazones de la légende... Quand Orellana revint en 1545, c'est au titre d'Adelantado et Gouverneur de la "Nouvelle Andalousie". Tel fut le nom donné aux terres baignées par l'Amazone.

Voir la carte de l'éxpédition de Francisco de Orellana

En 1560 se déroula une expédition des Andes à l'Atlantique, celle de Pedro de Orsua et de Lope de Aguirre, qui fut tragique (c'est elle qui a inspiré le célèbre film de Werner Herzog "Aguirre ou la colère de Dieu"). Près de cent ans plus tard, le père Cristobal de Acuna, compagnon de voyage de Texeira, publia sa "Nouvelle découverte de l'Amazone".
Au 18e s. également, le Père Fritz explora les grandes rivières du Haut Amazone péruvien. Cet excellent observateur laissa des cartes de la région qui seront pendant longtemps les seuls documents sérieux (publication en 1707). Apres avoir hesité entre l'Ucayali et le Marañon comme origine de l'Amazone, il décide en faveur du second. C'est également l'avis du français Nicolas Sanson d'Abbeville, géographe des rois Louis XIII et Louis XIV, auteur de travaux sur l'Amazonie.

Le cours supérieur
Il est intéressant de noter que le plus illustre des savants du 18e s. qui traitèrent de l'Amazone - il en descendit une grande partie du cours - La Condamine, considérait le Marañon comme l'Amazone : "Ce nom (Marañon), écrivait-il en 1745, lui a toujours été conservé sans interruption jusqu'à aujourd'hui, depuis plus de deux siècles, dans tout son cours et dès sa source dans le Haut Pérou". De même Humboldt. Quant à Crevaux il écrivait: "A la suite du récit fantastique d'Orellana. le plus grand fleuve du monde, le Marañon, a reçu le nom élégant de fleuve "des Amazones".
L'un plus attentif et scrupuleux des voyageurs du Pérou au 19e s., l'italien Antonio Raimondi, admettait également ce point de vue. George Squier, au contraire, après avoir étudié du cours de l'Ucayali, conclut que l'Amazone naît au Sud de Cuzco, son nom étant d'abord Rio Vilcanota, puis Rio Urubamba en aval de Cuzco et qu'il reçoit par la suite les eaux de l'Ucayali. L'Américain Besley quant à lui situait l'origine du Vilcanota au col de la Raya, point le plus élevé (4200 m) entre Cuzco et le Lac Titicaca (la ligne de chemin de fer qui relie Cuzco à Puno remonte le cours du Vilcanota jusqu'à ce col), ce qui est d'ailleurs tout à fait exact.
Détail amusant ou preuve d'une conception locale, voire patriotique de la topographie : sur la plupart des cartes brésiliennes, l'Amazone commence au confluent du rio Solimoës (Moyen-Amazone) et du rio Negro. Sur les cartes péruviennes, l'Amazone commence au confluent du Marañon et de l'Ucayali, à Nauta, soit à 150 km en amont d'Iquitos. Pour bien démontrer qu'il était sûr d'en possédait le cours supérieur, le Pérou créa en 1832 un département baptisé Amazonas qui occupe en fait les terres arrosées par le bassin du Haut-Marañon, dont la capitale est Chachapoyas.

Marañon ou Ucayali ?
Quelles sont les raisons qui ont amené la majorité des géographes à choisir le Marañon comme cours supérieur du fleuve ? se demandait Bertrand Flornoy :
"La première est, évidemment, que le Marañon, dès avant de recevoir les eaux de l'Ucayali, est dans l'axe de la direction générale du fleuve et que l'Ucayali en apparaît, à sa confluence, comme le tributaire. Le survol que l'on peut faire en avion, en amont et en aval de leur confluent, apporte une évidente confirmation visuelle à ce qui est inscrit sur les cartes.
D'autre part, le volume des eaux du Marañon, si l'on accepte l'analyse de Raimondi, est plus important que celui de l'Ucayali. Cela tient au fait que le Marañon bénéficie d'affluents originaires de régions alimentées par un système de pluies diversifié - par exemple les grands affluents venus du Nord (Pastaza, Morona) et du Sud (Huallaga) - qui assurent au Marañon un débit moyen supérieur à celui de l'Ucayali dont les eaux sont toutes originaires du Sud. Ajoutons que le bassin du Marañon, sans compter le bassin des grands affluents, est supérieur à celui de l'Ucayali et qu'il a son origine plus à l'ouest, c'est-à-dire à une longitude plus éloignée de l'embouchure que celle de l'Ucayali.
Disons, enfin, que le Marañon est intégré au coeur des Andes Centrales à la limite de division des eaux (Pacifique-Atlantique) sur 6°, l'Ucayali sur 4° seulement. Le seul argument qui permettrait d'attribuer à l'Ucayali la dénomination de cours supérieur est la longueur. Mais il ne semble pas que ce soit là une argumentation géographique suffisante".
(Extrait de Bertrand FLORNOY : Amazone, Terres et Hommes, Perrin 1969)

... C'est l'Apurimac !
Aujourd'hui, la vieille école française de géographie (de La Condamine à Flornoy) semble avoir perdu la partie. Les géographes anglo-saxons sont sûrement plus pragmatiques : ils n'ont pas retenu le critère de longitude, mais celui de latitude. Les sources les plus lointaines du Rio Ucayali sont situées à 1000 km plus au sud que celles du Marañon, pour une altitude équivalente. Après celles de 1971 et de 1996, une nouvelle expédition menée en 2002 par la National Geographic Society confirma que l'Amazone nait dans la région d'Arequipa, au nord de la bourgade de Chivay, dans des lagunes glaciaires situées sur le versant nord du Nevado Mismi, à 5597 m d'altitude. Ce nevado Mismi est l'un des sommets de la cordillère de Chila, qui forme à cet endroit la ligne de partage des eaux entre l'Atlantique et le Pacifique.


Le massif du nevado Mismi, aux sources de l'Amazone

Reste le problème du nom. Le nom de Rio Ucayali ne se rapporte qu'au cours inférieur. En amont de son confluent avec le Rio Urubamba, il est dénommé Rio Tambo, puis Rio Ene avant de recevoir le tribut du Rio Mantaro; plus haut encore, et depuis la source, il dévale les Andes dans un grandiose et interminable canyon, sous le nom de Rio Apurimac, ce qui veut tout simplement dire en quechua : "le dieu qui parle".

Les oeuvres de Bertrand Flornoy consacrées au Pérou et à l'Amazonie :

Haut-Amazone, trois Français chez les Indiens réducteurs de têtes. Plon, 1939
Iawa le peuple libre. Ed. Amiot-Dumont 1955
L'Aventure Inca. Libraire académique Perrin, 1963
Amazone, Terre et hommes - découverte des sources. Libraire académique Perrin, 1969


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