MACHU PICCHU
la cité sacrée des Incas

C'est en 1911 que Hiram Bingham découvrit sur les flancs du Machu Picchu (la "Vieille Cime" en quechua) à 2350 m d'altitude, des ruines précolombiennes dissimulées sous une épaisse végétation. Il croyait avoir touvé là les ruines de la mythique Vilcabamba, l'ancienne forteresse où s'étaient réfugié les derniers Incas après la conquête espagnole. Depuis sa découverte, cette cité de granit étagée sur plusieurs terrasses, qui surplombe les gorges du Rio Urubamba sur la crête d'une montagne abrupte, est restée nimbée d'un profond mystère. II semble. en effet. que même au temps de l'Empire inca, l'accès en était réservé à quelques élus. II s'agissait vraisemblablement d'un sanctuaire.

Tout comme Pachacamac et les autres lieux sacrés de l'Empire inca, Machu Picchu abritait des prêtres, des hauts fonctionnaires, des domestiques, des artisans, et surtout des acclas, ces vierges consacrées au service du dieu-Soleil. On ignore tout de son rang administratif à l'époque inca : son importance aurait pu en faire une llacta (capitale de province). Aussi bien pendant la Conquête qu'à l'époque de la colonie, les Espagnols ne découvrirent jamais Machu Picchu, car du bas de la vallée, le site est invisible. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la disparition de ses occupants : épidémie, exode - ou bien peut-être génocide - lors de la cruelle guerre civile qui déchira l'empire avant sa chute. Les Incas n'en ont laissé aucune explication écrite ou orale.
Les fouilles effectuées sur le site n'ont pas résolu le mystère. On y a trouvé près de 170 squelettes dont 150 de femmes, mais aucun objet en or. Dans la tombe dite de "la grande prêtresse", on découvrit les restes d'une femme et d'un chien avec quelques objets de céramique, deux broches et un vêtement de laine...

La cité découverte par Bingham demeura inaccessible au commun des mortels jusqu'à ce qu'une mission archéologique redécouvrit en 1940 le Camino del Inca qui, partant de la vallée du rio Vilcanota mène à la citadelle. Mais l'on savait déjà à cette époque - par de récentes découvertes - que Machu Picchu n'était pas la seule cité oubliée de cette région limitrophe de la forêt vierge et qu'elle était en fait entourée de nombreux autres sites, probablement contemporains dont les plans et l'organisation de l'espace étaient assez semblables, comme Ollantaytambo, Winay Wayna, Choquequirao... Tous ces sites semblent indiquer que les derniers Incas de la cordillière de Vilcabamba avaient su maintenir, en dépit de la conquête, un sanctuaire assez densément peuplé autour d'eux. Les incursions répétées et la féroce chasse à l'Indien organisée par les Espagnols à partir de 1550 fit se réduire cet espace de résistance comme peau de chagrin, avant de le faire disparaître tout à fait.

Visite de Machu Picchu
Alors que la seule entrée de la ville était autrefois la porte étroite qui s'ouvre au Sud-Ouest de la citadelle, on accède aujourd'hui au site par un guichet proche de l'hôtel de Touristes. Le chemin se faufile d'abord au travers des maisons des gardiens (aujourd'hui restaurées et recouvertes de toits de chaume) : leur appareillage de petites pierres, liées par de la boue séchée laisse supposer qu'elles servaient aussi de greniers et d'entrepôts. On découvre alors le Quartier des Agriculteurs et ses magnifiques terrasses de culture, aménagés sur les pentes abruptes de la montagne. Les milliers de marches qui les relient entre elles ont assez bien résisté au temps. On pense que l'ensoleillement des lieux permettait d'y faire deux à trois récoltes par an et que certaines terrasses faisaient office de "jardins suspendus". A l'extêmité de ce secteur, et longeant le mur qui délimite le secteur urbain, court dans le sens de la pente un long canal empierré qui assurait l'écoulement des eaux de pluie.

A la limite du secteur urbain, un escalier à g. monte vers l'ancienne porte principale de Machu Picchu. Ici s'acheve le Chemin de l'Inca, en provenance de Winay Wayna. Ce portail est couronné d'un puissant linteau d'un seul bloc et la partie interne des deux jambages présente des encoches qui devaient servir à fixer une barre pour bloquer la porte. A peu de distance, se trouve une maisonnette (restaurée) qu'on appelle le mirador : elle domine en effet tout le secteur agricole et offre une belle vue sur l'ensemble du site. Juste en arrière, unique monument sur une vaste esplanade herbeuse (l'ancien cimetière) gît un énorme bloc monolithique travaillé en forme d'autel, la Roche funéraire. Les trois marches sculptées dans la roche permettaient sans doute de hisser sur la plateforme supérieure les corps embaumés des défunts, qui étaient sans doute de haut rang.


à g. : rigole dans la rue des fontaines - à dr. : la "tombe royale" (photos D. Duguay)

En redescendant le grand escalier jusqu'au point de départ et en franchissant l'enceinte du secteur urbain, on parvient à la rue des fontaines, rue à degrés bordée par une canalisation jalonnée de 16 petits bassins. Le bassin supérieur, d'où j'aillissait la source servait d'autel au culte de l'eau. Il est accompagné d'une jolie construction (restaurée, avec un toit de chaume) percée de fenêtres trapézoïdales.
Tout le secteur situé de part et d'autre de la rue des fontaines est dénommé quartier royal. Il est composé de plusieurs constructions aussi remarquables qu'énigmatique. Le torréon est une grosse tour semi-circulaire en gros blocs parfaitement ajustés de pierre polie, percée au sommet d'une fenêtre trapézoïdale, tandis que l'intérieur est garni de niches. Cette structure semble envelopper une roche centrale, en forme d'autel probablement consacrée aux rites solaires. Juste à côté se dresse une suprenante maison à un étage d'une construction très soignée : la maison de la Ñusta (maison de la Princesse). En redescendant ensuite vers la base du torréon, on découvre l'entrée maçonnée d'une caverne, la tombe royale : à l'intérieur on remarque des niches excavées où des momies devaient être disposées, ainsi qu'une curieuse roche à deux paliers, destinée aux rites funéraires.
Le quartier royal s'achève par un vaste ensemble résidentiel, doté d'un patio intérieur et aux murs soigneusement assemblés. La présence de linteaux de pierre aux dessus des portes trapézoïdales était le signe d'une construction réservée à la noblesse; aussi Hiram Bingham dénomma ce secteur la maison de l'Inca.


à g. : porte de la maison de la Ñusta - à dr. : le torréon (photos D. Duguay)

En bordure du précipice qui surplombe la boucle du rio Urubamba, on traverse ensuite un espace assez chaotique, jonché de pierres et de blocs laissés à l'abandon, certains présentant un travail inachevé : c'est le secteur des carrières où les guides vous montre comment pratiquaient les incas pour découper les plus gros blocs. On creusait de petits orifices dans la pierre en suivant une ligne déterminée, et on les remplissait d'eau. La nuit, sous la pression du gel, la pierre se fendait en deux. Dans ce même secteur, Hiram Bingham retrouva des tombes contenant des ossements et des objets usuels.

Le secteur qui suit est le plus remarquable de Machu Picchu, c'est le quartier sacré, où se distribuent trois édifices remarquables autour d'une esplanade dominée par la pyramide échelonnée de l'Intihuatana. Le temple principal présente trois hauts murs de pierre (en partie disloqués par les séismes). L'un des plus grands blocs présente 32 angles de coupe, ce qui constitue un record . Contre le mur du fond, orné au sommet de petites niches, s'appuie un énorme bloc taillé servant probablement d'autel. Le temple des trois fenêtres, ainsi dénommé pour ses trois ouvertures trapézoïdales regardant vers la gorge du rio Urubamba, fut faussement assimilé par Hiram Bingham au mythique "Tamputocco" de la légende inca (le lieu aux fenêtres d'où seraient sortis les quatre frères Ayar - dont Manco Capaca - pour aller fonder l'empire). Quant au troisième bâtiment, il passe pour être la demeure du Willac Oma, le grand-prêtre du Soleil.
Sur le côté gauche du temple principal, un escalier étroit escalade une sorte de pyramide à degré conduisant versl'Intihuatana (littéralement "l'endroit où l'on attache le soleil"). C'est le saint des saints de Machu Picchu. Du haut de cet observatoire astronomique, constitué d'une table de pierre parfaitement polie d'où se détache une sorte d'éperon servant de mire (le tout taillé dans un seul bloc), les prêtres, selon la description du chroniqueur indien Guaman Poma "observaient pendant l'année le mouvement des étoiles ainsi que la course diurne du soleil pour déterminer les heures et les mois, et diviser le temps comme une horloge".


L'intihuatana, haut-lieu du culte du soleil - Le "temple du condor" (photos D. Duguay)

En contrebas de l'Intihuatana s'ouvre la grande place, ou esplanade, commune à toutes les villes incas. Ici devaient se dérouler les festivités ou les grandes cérémonies publiques. Elle marque une séparation bien nette entre les deux différents secteurs de Machu Picchu qui la surplombent en vis-à-vis : le quartier royal et religieux d'une part, le quartier populaire et artisanal de l'autre. Au bout de l'esplanade, après avoir dépassé la roche sacrée (un gros rocher haut de 3 m qui à la troublante particularité de ressembler au Huayna Picchu, juste derrière), se détache le sentier qui part à l'assaut du Huayna Picchu. (la jeune montagne). Attention : l'ascention (2h A-R) est extrêmement raide et périlleuse, surtout par temps de pluie (sujets au vertige, s'abstenir). Le prix de l'effort consiste évidemment dans la vue plongeante sur le site que l'on a du sommet , et dans l'extraordinaire panorama sur les gorges de l'Urubamba et la cordillière de Vilcanota. Le chemin de descente permet de découvrir une grotte aux parois taillées, avec des niches : le temple de la Lune.

De retour sur le plat, il reste à voir le secteur"populaire et artisanal" de Machu Picchu. Il commence par un très vaste ensemble, le quartier des trois portes dont on suppose qu'il était l'acclahuasi ou "maison des vierges du Soleil" pour la simple raison qu'il ne présente aucune porte ni femêtre tournée vers la grand-place. Juste après se trouve le quartier des mortiers, également très étendu qui fut probablement le lieu où l'on fabriquait les vêtements, les outils, les armes, les objets en céramique, etc. C'était peut-être aussi la cuisine centrale de Machu Picchu : l'un des édifices les plus vastes de cet ensemble présente deux mortiers deux pierres , excavés dans le sol qui furent probablement utilisés comme mortiers (d'où le nom du secteur) pour moudre le maïs et les pommes de terre.

Le dernier groupe que l'on visite, avant de revenir aux terrasses du secteur agricole, est le quartier des prisons, à la topographie tourmentée, plus proche du labyrinthe (brusques coudes et escaliers étroits s'y succèdent) et dont la vocation reste assez mystérieuse. L'aspect "prison" est dû aux nombreuses cavités et niches dont il est criblé, qui peuvent faire penser à des sortes de cellules, d'autant plus que les niches sont percées de trous qui auraient pu servir à fixer des barres de fermeture. Mais il peut également s'agir d'un lieu dédié à des rites funéraires ou a des sacrifices, car c'est en contrebas de ce secteur que Hiram Bingham mit à jour de nombreuses tombes. Le monument principal en est le temple du Condor, autel plat sculpté dans la roche, à l'entrée d'une caverne, où l'on reconnaît parfaitement le bec et la collerette du condor. Le pourtour de cette collerette dessine justement un petit canal creusé dans la pierre : on a donc supposé que des sacrifices y étaient pratiqués et que le petit canal percé à hauteur de la tête du condor permettait l'écoulement du sang des victimes.

Le retour vers la sortie empreinte le même chemin que celui de l'entrée, passant par les maisons des gardiens.

Voir la page : Le Chemin des Incas de Cuzco à Machu Picchu

BINGHAM, Hiram (1875-1956)
Le nom de ce voyageur et archéologue américain, est associé aux ruines de Machu Picchu dont il fut le découvreur officiel en 1911. Né à Honolulu, il fit ses études à l'université de Yale où il fut gradué docteur en philosophie (1905) et devint en même temps pasteur protestant. Envoyé en Amérique du Sud, il parcourut l'itinéraire de Simon Bolivar au Venezuela et en Colombie. 

Sa première expédition véritable le conduisit à aller reconnaître l'ancien chemin colonial de Lima à Buenos Aires (1908-1909). C'est le 24 juillet 1911, alors qu'il dirigeait une expédition archéologique de l'université de Yale à la recherche de Vilcabamba, le dernier refuge des Incas, qu'il parvint aux ruines de Machu Picchu, découverte sensationnelle qui lui apporta la gloire et la fortune. Après son retour aux Etats-Unis, il occupa plusieurs postes dans l'administration et fut élu sénateur du Connecticut.


Hiram Bingham - Photo de Machu Pichu prise par Hiram Bingham après le dégagement du site (vers 1912)

Mais le personnage demeure pour le moins ambigu. Il réussit à entretenir le mythe de Machu Picchu jusqu'à ce que, en 1964, les véritables ruines de la cité perdue de Vilcabamba soient mises au jour à Espiritu Pampa, 4 ou 5 jours de marche plus avant dans la jungle. Par ailleurs, Bingham dit avoir « découvert » Machu Picchu, alors que la cité était connue des habitants de la région et que son existence lui fut révélée par des guides indigènes de Cuzco et notamment un modeste paysan, Melchior Arteaga. Elle figurait en outre sur la carte que l'Allemand Herman Gohring avait dressée en 1874 et fut mentionnée en 1880 par le voyageur français Charles Wiener qui était passé juste à côté. Un entrepreneur allemand du nom de Augusto R. Berns aurait peut-être même débuté le pillage du site dès 1870. Enfin, il fit le grand ménage derrière lui : lors de ses explorations du Machu Picchu, il trouva quelques 4000 pièces d'orfèvrerie et de céramique qu'il « emprunta » pour les donner au musée de l'université de Yale. Près d'un siècle plus tard, après d'interminables réclamations, le Pérou va enfin récupérer le trésor de Machu Picchu qui sera exposé dans un nouveau musée dont l'ouverture est prévue en 2011 ou 2012 à Cuzco.

Il a laissé, sur le Pérou de nombreux ouvrages et articles de revues, la plupart publiés dans le National Geographic ou le Harper Magazine entre 1911 et 1930. Son oeuvre maîtresse, consacrée à Machu Picchu, est Lost City of the Incas, publiée en 1948 : traduction française : La Cité perdue des Incas, éd. Gérard Watelet, Paris 1990, avec une préface de Danièle Lavallée. Son fils Alfred Bingham a fait paraître sa biographie Portrait of an Explorer (Iowa State University Press, 1989).

Un excellent portail sur Machu Picchu :

Un américain amoureux de Machu Picchu, Tim Spalding, a créé un site entier (en anglais)dédié à la ville perdue des Incas
"Machu Picchu on the web"
qui sert également de portail vers d'autres sites :
http://www.isidore-of-seville.com/machu/


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