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le
royaume perdu de |
Sites
archéologiques autour de Chachapoyas - Masque funéraire
d'une momie Chachapoyas.
"Le peuple des nuages"
Chachapoyas fut le centre d'une région où se développa une civilisation pré-incaïque encore fort mal connue il y a peu et dont on commence à découvrir toute l’ampleur. L'aire de la civilisation Chachapoyas s'étendait entre la rive droite du Haut Marañon (qui formait une frontière naturelle avec le royaume voisin des Cajamarcas) et occupait tout le bassin du rio Uctubamba, affluent du Marañon. Au Nord, dans les terres basses et chaudes, vivaient les indiens Bracamoros, qui sont considérés comme une branche du peuple Chachapoyas. Tout un pays de forêts d'altitude, aux reliefs tourmentés et aux vallées encaissées, séparées par des cols ou des défilés réputés infranchissables : c'est la géographie de la Selva Alta - aux paysages d'ailleurs magnifiques - qui fut longtemps le meilleur rempart de ce royaume.
On ne connait guère l'histoire des Chachapoyas avant l'arrivée des incas et les premiers écrits relatif à ce peuple sont évidemment celles des chroniqueurs espagnols. Voici ce qu'en dit Garcilaso de la Vega (Commentaires Royaux , VIII,1) : "Après que l'Inca eut levé une armée et désigné un lieutenant pour gouverner Cuzco en son absence, il s'en alla à Caxamarca, pour entrer par là dans la province de Chachapuya, mot qui selon le père Blas Valera signifie : bien remplie d'hommes forts. Située à l'orient de Caxamarca, elle était peuplée de gens nombreux et très vaillants, les hommes de fort bonne prestance et les femmes extrêmement belles. Ces Chachapuyas adoraient des serpents, et avaient le condor pour principal dieu. Tupac Yupanqui désirait assujettir cette province à son empire parce qu'elle était très riche; elle avait alors plus de quarante mille habitants. Elle est fort accidentée".
Le royaume du "peuple des nuages" ne résista pas au désir expansionniste des Incas, qui remontant la vallée du Haut Marañon, finirent par pénétrer dans la province au début du 15e siècle. Ils eurent le plus grand mal à venir à bout des indiens Chachapoyas ou Chachas, qui furent finalement soumis et intégrés à l'empire après plusieurs campagnes, longues et difficiles dont la dernière fut menée par l'Inca Tupac Yupanqui vers 1475. Même après cette date, ils se rebellèrent souvent. Peu avant l'affontement décisif à Cajamarca
entre Pizarro et Atahualpa en 1532, ce dernier avait demandé
au conquistador, en gage de bonne volonté, d'aller l'aider
à combattre les Chachas qui s'étaient une nouvelle fois
révoltés contre l'autorité de l'Inca. En
définitive, ce furent les Chachas qui s'allièrent aux
Espagnols, et ils refusèrent même de prendre part
à la grande rebellion de Manco Inca en 1536.
Chachapoyas
25 000 h. - alt. 2335 m - 1220 km au N. de Lima - 330 km au N.-E. de Cajamarca – 484 km de la côte (Chiclayo) par le passage le plus bas des Andes (2145 m)
Cette petite capitale du département d'Amazonas fut d'abord reliée à Lima par l'avion (1930) et beaucoup plus récemment à la côte par la route (1960). Malgré les nombreux sites archéologiques que recèlent ses environs, elle reste encore à l'écart des circuits touristiques classiques et offre une ambiance plus que tranquille. Malheureusement dépourvue de grands bâtiments historiques, elle n’en reste pas moins une charmante petite cité d’allure coloniale avec ses maisons aux patios noyés sous les fleurs et les plantes exubérantes, où toute la vie vient se concentrer sur la Plaza de Armas et les quelques cuadras près du marché.
Au coin de la place, un petit musée (ou plutôt une salle d’expositions) présente quelques poteries et ustensiles de la région. Accès libre.
A 22 km au sud-est, l’actuel village de Levanto est le site originel de la première fondation espagnole de Chachapoyas par le conquistador Alonso de Alvarado en 1538. Ce site occupait une position stratégique sur le Capac Nan (le grand chemin de l’inca) qui montait vers le nord, non loin du tambo, ou relais, de Colla Cruz que l’on aperçoit (récemment restauré) sur la route de Chachapoyas à Levanto. Dans le village, qui possède une des plus vieilles églises coloniales du Pérou, on remarquera plusieurs maisons anciennes construites avec des pierres de réemploi provenant du site de Yalape (30 mn à pied à partir de la place principale) où se dressent plusieurs constructions circulaires typiques de l’architecture des Chachapoyas, ornées de frises aux motifs géométriques (losanges et zig zag) assez semblables à celles que l’on voit à Kuélap et qui remontent à 1100-1300 de notre ère.
Les murailles de Kuélap
Ce très important site archéologique du Nord du Pérou, a été découvert en 1843 par Juan Crisostomo Nieto. Il fut ensuite visité et décrit par Raimondi (1860) Middendorf (1866) Charles Wiener (1881), Adolph Bandelier (1883) pour ne citer que les premiers. En 1967, alors que les ruines étaient en partie recouvertes par une épaisse végétation, des travaux de dégagement et des fouilles y furent conduits par l'archéologue A. Ruiz Estrada.
Kuélap fut probablement, sinon la capitale, du moins le plus vaste édifice du royaume des indiens Chachas, ou Chachapoyas. La forteresse, aux proportions colossales, occupe un vaste ensemble en forme d'ellipse allongée (600 m dans sa plus grande longueur), orienté nord-sud, qui couronne le sommet d'un cerro abrupt de roches crétacées à 3072 m d'altitude. Elle est constituée de plusieurs terre-pleins de 15 à 20 m de large ceinturés d'un gigantesque rempart de pierre qui atteint parfois 15 m de hauteur. Le matériau employé est un granit rose dont les blocs sont assujettis par un mortier d'argile jaune. Les deux murailles principales représentent plus de 100 000 blocs de pierre taillées dont on estime le poids total à 10 000 tonnes.
La forteresse de Kuélap est surtout fameuse pour son système d'entrée : il s'agit d'un étroit couloir de 35 m de long, surplombé de remparts et de tourelles qui monte vers la plateforme supérieure tout en se rétrécissant, de sorte que d'éventuels assaillants n'auraient pu y passer qu'en file indienne, exposés à une grêle de pierres et de flèches lancées des parapets. En supposant qu'ils aient pu franchir ce premier obstacle, une seconde difficulté, en forme de piège mortel, avait été ménagée par les architectes de Kuélap : la seconde porte donne accès à une rampe en forte déclivité qui semble conduire à la plateforme supérieure de la forteresse, mais s'achève en fait... sur un précipice.
A l'intérieur, on compte plusieurs centaines de maisons de forme circulaire dont on en a dégagé seulement une trentaine (l'une d'elles a été reconstituée d'après son aspect originel, avec un haut toit de chaume pointu) qui abritèrent peut-être une population de 2000 à 3000 habitants. Elles sont réparties sur deux niveaux le Pueblo Bajo et le Pueblo Alto, ce dernier édifié sur une terrasse supérieure. Il semble avoir été le quartier des dignitaires mais avait aussi une vocation militaire : on y trouve une grosse tour carrée denommée le Torréon, de forme carrée, plus large à la base qu'au sommet, qui semble avoir fait office de donjon et de tour de guet.
Parmi les constructions du Pueblo Bajo, se distingue une grosse
construction circulaire évasée, dite El Tintero (l'encrier) qui comprend une mystérieuse chambre souterraine.
Depuis l’esplanade, la vue splendide sur le revers de la Cordillère Centrale est aussi une époustouflante leçon de géographie : on domine une énorme faille géologique illustrée par les reliefs disloqués de la falaise opposée, avec ses couches calcaires striées en forme de « chapeaux de gendarme », témoignant de la violence du plissement des couches jurassiques lors du soulèvement andin. Les vallées fermées et difficiles d'accès qui s'étendent au-delà forment la région dite du Gran Villaya, encore parsemée de ruines de la culture Chachapoyas.
Jalca Grande
50 km de Chachapoyas - alt. 2900m
On accède à ce joli village – dit aussi La Jalca - par une piste en terre qui se détache de la route principale à une dizaine de km au sud de Tingo. C’est une des localité les plus typiques de la région de Chachapoyas, avec ses petites rues pavées, son église rustique en pierres sèches du 16e s., munie d’un étonnant clocher séparé du reste de la construction et légèrement penché, sorte de tour de Pise locale. Construite sur des fondations préhispaniques, la bourgade présente encore quelques maisons construites sur le plan circulaire avec un toit de chaume en pointe, dans le plus pur style des Chachapoyas. La population y est presque exclusivement indigène et les femmes portent le costume traditionnel, avec le haut chapeau de paille. De Jalca, occupant un balcon naturel dominant la rive droite du Rio Uctubamba, on aperçoit clairement, de l’autre côté de la vallée, la muraille cyclopéenne qui couronne le cerro de Kuélap.
La fête principale y est la San Juan Bautista (24-26 juin) où l’on exécute une curieuse danse costumée dite « de l’ours ».
Une momie "perchée" du Lac des Condors, in situ (photo Instituto de Arqueología Amazónica)
Jusqu'ici, on ne peut que donner raison à Kauffmann Doig
qui s'éleva haut et fort contre le détournement d'un
patrimoine archéologique à des fins qu'il supposait
bassement mercantiles. La suite de l'histoire a prouvé que si
sa position était intellectuellement correcte, elle manquait
en fait de pragmatisme (car les momies du lac des Condors auraient
tôt ou tard fait l'objet de pillages) et ne prenait pas en
compte une autre dimension - cette fois-ci humaine et sociale du
problème : le droit des natifs d'un lieu à se
réapproprier leurs ancêtres.
Aujourd'hui, les momies du lac des Condors, sont disposées
- avec une partie des objets précieux qu'elles
contenaient - dans les vitrines de ce "Museo Mallki" que l'on cite comme un modéle de "coopérativisme" (construit par les habitants et appartenant à la communauté de Leymebamba) mais aussi de pédagogie. La salle des momies, qui est la dernière, est en effet précédées de plusieurs salles où la culture Chachapoyas est expliquée dans le détail à l'aide de plans, de maquettes et d'objets remarquables.
Les momies du lac des Condors exposées au Museo Mallki de Leymebamba
(photo Museo Malki)
Au vu du résultat, qui pourrait donc encore dénier, ou même reprocher aux actuels descendants des anciens Chachapoyas d'avoir appelé leurs ancêtres à la rescousse (même s'il a fallu les bousculer un peu) pour attirer du monde dans l'espoir d'améliorer leur quotidien; surtout dans cette région aussi enclavée et pauvre du Nord du Pérou...
Tombes perchées de Karajia
Accès : 80 km env. au nord-ouest de Chachapoyas par la route de Luya et Lamud. Compter 3 H de piste en mini-bus (en saison sèche). Il faut d’abord se rendre de Chachapoyas à Luya, après une vertigineuse montée en lacets au-dessus des gorges du Rio Uctubamba. Plus loin, à partir du village de Karajia, la route devient impraticable et l'on gagne le site à pied par un chemin escarpé en corniche qui longe la falaise.
Dans un style différent de celui rencontré plus au Sud, à Revash, les fameux "purumachus" de Karajia se présentent sous la forme de grands sarcophages anthropomorphes en boue séchée, perchés sur des balcons creusés dans la falaise en position debout, et qui figés dans une immobile éternité, semblent surveiller et défendre leur vallée pour le reste des siècles....
Les momies se trouvent à l'intérieur de ces sortes de statues; les têtes ou masques décoratifs - également en boue séchée - sont scellées au dessus du sarcophage et décorées d'une sorte de coiffe ou de casque, ce qui laisse à penser qu'il devait s'agir de sépultures de dignitaires ou de chefs guerriers.
Les sarcophages dressés de Karajia (illustration du panneau d'entrée)
Chipuric
Cet autre site, également dénommé Pueblo de los Muertos, dans le même genre que Karajia, mais plus difficile d'accès, se trouve à une dizaine de km au nord de Lamud, d’où il faut poursuivre un chemin escarpé (2h de marche) qui conduit vers les falaises abruptes du Rio Uctubamba. Au flanc de celles-ci, on verra, érigées sur un soutènement de pierre qui forme une étroite terrasse en à-pic sur le vide, un ensemble de constructions funéraires typiques de la culture de Chachapoyas, sortes de petites maisons aux murs de boue et d’argile séchés renfermant des ossements et des sarcophages qui, à la différence de Karajia, ne sont pas visibles de l’éxtérieur. Le site, redécouvert dans les années 1960, présente malheureusement les traces du passage d’anciens pilleurs de tombes.
Cataracte de Gocta
Accès : 50 km au nord de Chachapoyas (1h de route) jusqu’au village de Cocachimba; de là un sentier non balisé (5h de marche) mène vers les chutes. Guide expérimenté absolument
nécessaire. Prévoir eau, vivres et crème anti-moustiques. Compter 1 à 2 jours AR suivant la saison.
La cataracte de Gocta, aussi dénomméé La Chorrera, est la troisième chute d’eau la plus haute du monde avec 771 mètres de hauteur, la plus haute étant le Salto Angel au Venezuela avec quasiment 1000 mètres de hauteur, suivi de celle de Tugela en Afrique du Sud (950 m). Elle fut découverte fortuitement en 2002 par deux allemands, Stefan Ziemendorff et Kai Kümmel, qui effectuaient des recherches archéologiques dans la région. Cette découverte, largement relayée dans les médias, en a fait l’une des grandes attractions de la région de Chachapoyas mais son accès difficile décourage encore bon nombre de potentiels visiteurs.
Depuis le village (ou plutôt le hameau) de Cocachimba, la longue marche jusqu’à la chute traverse une épaisse forêt de nuages. Ce sera l’occasion d’observer une grande variété de faune : le coq de roche péruvien, des colibris, toucans, perruches – mais aussi de flore : multitude d’orchidées, fougères et palmiers géants. Sous la canopée, on pourra, avec un peu de chance, apercevoir parfois des singes à queue jaune (ou singes laineux). La cataracte apparaît enfin au bout du chemin, dévalant d’une vertigineuse paroi calcaire quasiment en à-pic jusqu’à un petit bassin où l’on aura bien mérité de faire trempette. Cette chute d’eau n’est pas solitaire : on en a relevé une bonne vingtaine (de moindre hauteur) dévalant des falaises alentour.La saison sèche (octobre-mars) rend le cheminement plus facile, mais la chute d’eau sera alors peu abondante. Celle-ci est évidemment plus spectaculaire pendant la saison humide (avril-septembre) qui est la meilleure saison pour s'y baigner, mais la marche d’approche et de retour en seront d’autant plus pénibles.
La cataracte de Gocta, au nord de Chachapoyas
Un intéressant site à consulter (en espagnol), consacré à l'archéologie de la région amazonienne du Pérou, est celui de l'Instituto de Arqueología Amazónica, dirigé par l'archéologue F. Kauffmann Doig : www.iaaperu.org
La page du Museo Mallki (Musée des momies du lac des Condors à Leimebamba) : http://museoleymebamba.org/ley_index_en.htm
Chacha
Picchu, New Discoveries in Amazonas, Peru
Page de Gary Ziegler
consacrée aux récentes découvertes
archéologiques dans la région de Chachapoyas (en
anglais)
©Daniel DUGUAY / dduguay@club-internet.fr
du même auteur, si vous
voulez visiter le Pérou...