Guide du Pérou

TRUJILLO

650 000 hab. - 557 km au N. de Lima - Chiclayo : 206 km - Cajamarca : 300 km - Piura : 481 km - Tumbes : 757 km


Trujillo et ses typiques fenêtres (photos D. Duguay)

Près de l'embouchure du rio Moche, là où les premiers contreforts des Andes dessinent une étroite frange côtière, Trujillo, qui est la troisième ville du Pérou, est certainement l'une des plus souriantes et des plus tropicales de la côte Nord. Son climat (18° de moyenne annuelle) et son aspect gracieux lui ont valu le surnom de "Ville de l'éternel printemps".
Elle fut fondée en 1534 (soit un an avant Lima) par Diego de Almagro, l'associé de Pizarro, à proximité de l'ancienne capitale des Chimú, Chan Chan. Cette élégante cité coloniale, fameuse pour ses gracieuses fenêtres de fer forgé, ses balcons de bois sculpté et ses murs aux couleurs vives (bleu, rose, ocre jaune), est un centre touristique et culturel de première importance, d'où l'on pourra rayonner pour visiter les vestiges de la civilisation Chimú et Mochica, notamment l'immense cité de Chan Chan, les pyramides de Moche (Huaca de la Luna, Huaca del Sol, Huaca El Dragon) entre autres, mais aussi les haciendas (coton, canne à sucre) qui firent sa prospérité, sans parler de très belles plages dont la plus pittoresque est certainement celle de Huanchaco.

Un passé douloureux, un présent plus souriant...
La première fondation espagnole de la ville remonte à 1534 (soit un an avant Lima) par Diego de Almagro, l'associé de Pizarro, à proximité de l'ancienne capitale des Chimú, Chan Chan. Pendant la colonie, elle connut son apogée dans la seconde moitié du 17e s. et au début du 18e s. tirant sa richesses des haciendas productrices de blé et de canne à sucre. Son évêché, son collège de Jésuites fondé en 1629 et enfin son université firent de Trujillo une base d'évangélisation pour tout le nord du Pérou y compris l'Amazonie. Comme Lima, elle dut s'abriter des convoitises des pirates par une enceinte de murailles de plan octogonal, aujourd'hui disparues mais dont l'avenida España, qui contourne le centre historique, a repris le tracé. Pendant la république, elle fut la grande ville bourgeoise du nord du Pérou, capitale de l’oligarchie terrienne des planteurs et des hacenderos.


Victor Raul Haya de la Torre dans un meeting en 1931

Ville natale de Victor Raul Haya de la Torre (1895-1979), Trujillo est depuis les années 1930 le fief de l'APRA, grand mouvement de gauche populiste fondé par ce dernier en 1924. Teinté de marxisme à l'origine, l'APRA fut rapidement en butte aux gouvernements civilo-militaires de cette époque. Le mouvement recruta d’abord ses troupes dans la masse du sous-prolétariat agricole, les peones – nombreux à l’époque - qui travaillaient dans les haciendas de la vallée du Chicama et s'étaient déjà soulevés en masse en 1912 (la répression avait fait près de 500 morts), puis élargit ensuite sa base populaire à la petite bourgeoisie de province, tenue à l’écart du pouvoir par les grands oligarques, ralliant même les étudiants et bon nombre d’intellectuels. En 1932, Trujillo se soulève contre le gouvernement militaire du général Sanchez Cerro, peu après l'arrestation d' Haya de la Torre et sa détention à Lima. Le 7 Juillet, la foule s'empare de la caserne de la ville : cet assaut fait de nombreuses victimes. Du 8 au 12 juillet, l'armée contre-attaque et envoie des avions bombarder la population civile. Trujillo est reprise au bout de quatre jours de combats de rue; une féroce répression fera entre 3000 et 6000 morts. Le souvenir du massacre de 1932 est resté encore bien vivace dans la mémoire des anciens et fortifie la tradition très républicaine de Trujillo. L'inimitié féroce entre l'armée et l'APRA perdura encore jusqu'aux années 1980.

Le centre historique
La Plaza de Armas passe pour l'une des plus belles du Pérou par son ampleur - elle est la plus vaste du pays - l'harmonie des couleurs et les lignes pleines de charme de ses façades. Au centre de la place, le monument élevé à la gloire des Libertadores présente, au sommet d'une colonne, un curieux génie de la Liberté juché sur une sphère et tenant une torche allégorique dans un mouvement de contorsionniste assez bizarre. De vastes proportions, la cathédrale a été achevée à la fin du 18e s. après avoir été reconstruite maintes fois à cause des tremblements de terre. D’un ocre jaune flamboyant, sa façade est abondamment décorée de stucs et de moulures blanches. L'intérieur, un peu froid, n'a conservé de l'époque coloniale que trois grands retables en bois doré.


Plaza de Armas de Trujillo. Au fond, la cathédrale et la façade de l'Archevêché.

Parmi les bâtiments qui l'entourent, on remarquera la longue façade bleue de la Casa Urquiaga (Jr Pizarro 406) actuel local du Banco Central de Reserva. Dite aussi Casa Calonge, c'est une ample demeure coloniale de style néo-classique où logea Simon Bolivar. On y voit son bureau, quelques meubles de la période coloniale et des objets de la culture Chimú.
La Casa Bracamonte (Jr Independencia 441) qui lui fait face (17e s.), s'ouvre par une belle porte de bois sculpté et d'élégantes fenêtres trujillanes. Le patio est entouré de hautes galeries avec des colonnes gréco-romaines et des plafonds à caissons sculptés. Toujours sur la Plaza de Armas, l’ample façade de l’hôtel Libertador (Jr Independencia 485) est un bon exemple de restauration réussie d’une ancienne demeure coloniale. L'Archevêché présente un patio orné d'azueljos aux tons bleus tandis que la municipalité et la préfecture sont des constructions du 19e s. de style républicain, bien chargées en moulures.

A partir de la Plaza de Armas, remonter la rue Francisco Pizarro, l'une des plus commerçantes du centre-ville : sur une agréable placette, on découvre d'abord l'église de la Merced (début 17e s.) dessinée par un architecte portugais et construite aprés le tremblement de terre de 1619 sur l'emplacement du premier couvent, dont la fondation remontait à 1535. A l'intérieur on verra un magnifique orgue rococo. Les peintures de la coupole racontent la vie du fondateur de l'ordre, San Pedro Nolasco. Dans la cuadra suivante, à dr. la Casa de la Emancipación (Jr Pizarro 610) vit le marquis de Torre Tagle proclamer l’indépendance de la ville, en 1820 et abrita en 1823 le premier Congrès constituant de la jeune république. Le porche du vestibule est orné d’une paire de fresques de l’époque coloniale. Restaurée par les soins du Banco Continental, elle organise des manifestations culturelles et présente une salle dédiée aux oeuvres du poète César Vallejo. On peut y voir aussi une très intéressante maquette du centre historique de Trujillo à l'époque coloniale.
Un peu plus loin dans la même rue, le luxueux Palacio Iturregui, construit en 1842, était jadis le club des notables de la ville : ses salons renferment une profusion de dorures, de miroirs et de lustres ainsi qu'un riche mobilier qui en font un véritable petit musée de la haute bourgeoisie de Trujillo à la fin du 19e s. Il accueille en outre des expositions temporaires consacrées à la céramique.

En tournant à dr. dans l'Av. Colón, apparaît la façade blanche et rouge de l'église del Carmen (milieu du 18e s.), considérée comme la plus belle de Trujillo. Cette église conventuelle a une seule nef, surmontée d'une coupole. Le retable majeur en bois de cèdre est un véritable chef-d'oeuvre de l'art baroque, dû aux ciseaux du sculpteur Fernando Collado (1759) qui était un ancien esclave noir devenu libre. La chaire en bois doré est de style churrigueresque. Dans ses deux cloîtres, on verra une impressionnante pinacothèque de 150 tableaux des écoles de Cuzco et de Quito.


Patio de la Casa del Mayorazgo de Facalá (photo D. Duguay)

En revenant par le Jr Independencia, on aperçoit l’église Santa Clara (angle du Jr Junín), qui possède une belle chaire baroque en bois sculpté. Du même côté de la rue, la Casa Ganoza (Jr Independencia 628, siège de la Policía de Turismo) est reconnaissable à son portail au fronton rococo décoré de deux lions. Il était jadis entièrement décoré de fresques aux motifs floraux, qu’une habile restauration a permis de restituer en partie. À gauche de la porte, remarquer l’un des plus parfaits exemples de fenêtre trujillane.

Plus bas, l’église San Francisco, reconstruite à la fin du 18e s., renferme d'imposants retables en bois doré de style baroque. Dans la cuadra suivante, en revenant au coin de la Plaza de Armas, la Casa Garciá Holguin, (Jr Independencia 527), probablement la plus ancienne de Trujillo, est remarquable pour son portail et ses peintures murales de syle mudéjar. Fort bien restaurée, elle abrite des expositions temporaires d’art contemporain.

Près du marché central, l’église San Agustín est l’un des plus anciens sanctuaires de la ville : elle fut achévée en 1585. En face, la Casa del Mariscal de Orbegoso (Jr Orbegoso 503) appartint au président Luis José de Orbegoso, autre précurseur de l’indépendance. Bel exemple de style virreynal (fin 18e s.), elle se distingue par son plan en L et est reconnaissable entre toutes à son très haut balcon d’angle aux graciles colonnettes.

De la Plaza de Armas, on peut descendre la rue Pizarro pour jeter un oeil sur la Casa del Mayorazgo de Facalá, avec ses belles grilles de fer forgé et surtout son énorme balcon d’angle finement sculpté. Datant de 1709, sa façade fut remodelée dans le style néo-colonial en 1950. Dans le patio, la statue de Christophe Colomb en marbre de Carrare est une réplique de celle qui orne la cour des Archives des Indes à Séville. C'est dans ses murs qu'aurait été brodé le premier drapeau péruvien, hissé le 29 décembre 1820. Sur le trottoir d'en face, on verra encore des écrivains publics, avec leur machine à écrire installées sur des tables pliantes.

À ce riche inventaire, on peut encore ajouter l’étonnant patio andalou de la Casa Banante (Jr Ayacucho 426), sorte de petit Alhambra transporté au Pérou.

Museo de Arqueología
Junín 682.
Installé en 1995 dans une belle maison du 17e s., ce musée géré par l’Université nationale de Trujillo présente dans sept salles un parcours didactique et chronologique à travers les cultures précolombiennes du nord du Pérou : collections de poteries Cupisnique et Salinar, maquette du site de Caballo Muerto, important fonds de céramiques Mochica jusqu’à la période inca, idoles en bois Chimú, provenant de Chan Chan, ainsi que des objets provenant des fouilles des pyramides de Moche, et notamment de la Huaca de la Luna.


Étonnant "canard guerrier" de style Mochica (Museo de Arqueologia) - Les rayons du Museo Cassinelli (photos D. Duguay 2009)

Museo Cassinelli
Av. Nicolás de Piérola 607.

Au nord-ouest de la ville, près du rond-point où s'embranchent la route de Huanchaco et la Panaméricaine, se trouve ce musée privé, unique en son genre, fondé par un grand collectionneur local, José Luis Cassinelli, récemment disparu en mars 2012. Sous une station-service, une lourde porte de fer donne accès à une petite salle souterraine aux allées fort étroites, où des centaines de poteries Chavin, Salinar, Recuay, Huari et surtout Mochica sont alignées en rangs serrés sur des étagères en aggloméré ! Certaines pièces mochica sont saisissantes, notamment une série de personnages atteints de maladies ou d'infirmités. Le gardien vous ouvre un placard secret renfermant une collection de huacos érotiques et vous montre, conservée sous globe, la momie d’un foetus atteint de scoliose et d’une déformation crânienne. Deux photos seulement sont autorisées dans ce capharnaüm assez surréaliste.

Les grands évènements
La plus fameuse des festivités de la ville est le Fête nationale de la Marinera (Janvier-Février), suivi à la télévision dans tout le Pérou. Le point culminant en est le gigantesque concours de danse auquel participent pendant trois jours des milliers de couples dans le Gran Coliseo Chimú, depuis les qualifications jusqu'à la finale. Née à l'époque de la colonie, la marinera est, comme son nom l'indique, la danse typique des créoles et métis blancs de la côte, plus romantique que sensuelle, toujours gracieuse et élégante. L'esprit frondeur et indépendant de Trujillo en fit plus tard, au moment de l'émancipation, la danse républicaine et nationale par excellence.

Festival international de la Primavera (Festival du Printemps)
(Du 22 Septembre au 4 Octobre). Plusieurs jours de festivités avec groupes folkloriques, danses, concerts, activités culturelles. Corso fleuri partant du stade de Mansiche pour traverser toute la ville. On y voit à cette occasion des démonstrations de caballo de paso (cheval de pas), autre spécialité de Trujillo. Les chevaux, magnifiquements dressés à faire des pas, sont montés par les populaires "Chalanes", traditionellement vêtus d'un costume et d'une cape blanche, un foulard rouge au cou et coiffés d'un sombrero de paille à larges bords.

Olimplayas (Jeux olympiques de plage)
(Janvier-Février). Jeux sportifs et aquatiques et concours de toutes sortes pendant la saison des plages, notamment sur celles de Huanchaco et de las Delicias.


La marinera (photo PromPeru)

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