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LIMA des églises et des couvents |
La place et l'église de San Francisco : le visage de Lima au temps de sa splendeur.
Église et couvent de San Francisco
Ce magnifique joyau de l'architecture coloniale péruvienne fut jadis, avant d'être amputé lors de de travaux de voirie dans les années 70, un ensemble colossal. Ce qui en subsiste suscite encore largement l'admiration lorsqu'on la découvre depuis la petite place de San Francisco, entourée de grilles. A gauche se trouve l'entrée de la chapelle de la Soledad, puis celle du couvent, ceuvre baroque pleine d'équilibre et, à angle droit, le portail de l'église conventuelle, harmonieusement sculpté, entre deux belles tours de pierre de taille rythmées par des assises alternativement en retrait et à bossages, où jouent l'ombre et la lumière.
L'église, construite à partir du troisième quart du 16e s., ne fut pas consacrée avant 1673, mais elle demeure l'une des rares constructions de Lima qui ait résisté aux tremblements de terre de 1687 et de 1746 pour ne citer que les plus terribles. Le maître d'oeuvre, Constantino de Vasconcellos (mort en 1668), originaire de Braga, au Portugal, dirigea presque toute la phase finale des travaux et peut être considéré comme l'auteur, notamment, du dessin de la façade, avec la participation de Manuel de Escobar, qui exécuta (en 1674) le portail latéral de l'église. A l'intérieur, on remarquera le décor en plâtre sculpté, de style mudéjar, plaqué sur les voûtes et les supports et, au cours de la visite guidée à travers le couvent, les stalles en bois de cèdre du Nicaragua, sculptées en 1673.
On peut également avoir un bel aperçu de l'intérieur de l'église depuis le coro alto, auquel on accède par un majestueux escalier, dont la coupole en artesonado mudejar, fut en majeure partie refaite après le séisme de 1940.
Le couvent, reconstruit entre 1669 et 1674, impressionne par la beauté de son grand cloitre, dont les galeries sont ornées d'azulejos sévillans du 17e siècle et de plafonds "artesonados". Mais auparavant, il faut entrer dans la salle de Zurbaràn, la première d'un musée particulièrement intéressant par la qualité de ses oeuvres d'art religieux dont le clou est la série de tableaux dite des Apôtres, attribués à Francisco de Zurbaràn; ces oeuvres furent importées à Lima en 1626. Du cloître, on peut visiter la salle capitulaire, avec un retable baroque du 18e siècle et une série d'andas, l'équivalent du paso espagnol, qui défilent dans les rues de Lima lors des processions. La salle des broderies renferme de remarquables vêtements sacerdotaux, richement brodés, de l'orfèvrerie religieuse liménienne des 17 et 18e s., des tableaux attribués à Ribera et un balcon de bois ajouré, dit de Francisco Pizarro, qui provient en réalité de l'ancien palais présidentiel, démoli en 1938.
La dernière partie de la visite est plus sinistre, c'est la descente dans les catacombes, redécouvertes en 1951, sous le couvent, et dont l'atmosphère est étouffante et lugubre à souhait, avec ses puits remplis de crânes, ses fosses pleines d'ossements, totalisant - dit-on - environ 25 000 squelettes entassés ici de la fin du 17e s.jusqu'au début du 19e : c'était l'une des plus importantes nécropoles de Lima pendant la Colonie.
Cathédrale
La cathédrale de Lima, telle qu'on la voit aujourd'hui, n'est plus tout à fait celle conçue en 1598 par l'architecte Francisco Becerra (1545-1605) originaire de Trujillo. Très endommagée par le séisme de 1609, ses voûtes furent alors remplacés par des arcs surbaissés. Le portail, qui résista au séisme, est l'oeuvre de Martinez de Arona et Pedro Noguera, également auteur des magnifiques stalles du choeur. Entre-temps, le tremblement de terre de 1746, le plus terrible que Lima ait connu, avait détruit une grande partie de l'édifice. La cathédrale fut reconstruite après cette date par Santiago Rosales, un maître d'oeuvre créole, et par le jésuite autrichien Juan Rher, qui fit remonter le portail à l'identique, pierre par pierre. Une façade plutôt sobre, comportant deux portails baroques, est ornée de statues de saints et de colonnes; elle est encadrée de deux tours coiffées de toitures coniques achevées par des pinacles : elles ne furent achevées qu'à la fin du 18e s. par Matías Maestro.
La cathédrale de Lima et les balcons de l'archevêché (photo catedralescatolicas.com) - Le tombeau de Francisco Pizarro
L'intérieur, aux trois grandes nefs néo-classiques, renferme plusieurs trésors dans ses chapelles latérales : le tombeau de Francisco Pizarro (mort en 1541) qui présenta longtemps, dans une châsse de verre, une momie qui n'était pas la sienne avant que l'on découvre ses véritables restes enterrés sous le maître-autel, un somptueux retable de Martinez Montañez (milieu du 17e s.) et de remarquables peintures, dont une Santa Veronica, attribuée à Murillo. Le choeur, entièrement doré à la feuille d'or, est l'oeuvre du catalan Pedro Noguera (1624).
Au fond, à gauche, on accède à un musée d'art religieux, dont le clou est la grande salle où s'aligne la longue série des portraits des archevêques de Lima : figures dures et sévères pour les premiers d'entre eux, plus débonnaires sur la fin. On y voit aussi un grand tableau où sont représentés en médaillons les différents souverains incas, suivis des vice-rois d'Espagne.
Séparé de la cathédrale par le portail de la Capilla del Sagrario au décor d'azulejos et aux balcons de bois, jadis réservé au vice-roi, se dresse la façade de l'arzobispado (archevêché) redessinée en 1916 par l'architecte Malachowski, avec de monumentaux balcons de bois très richement sculptés.
Église et couvent de Santo Domingo
À deux blocs de la Plaza de Armas et voisinant avec la poste centrale, cette église élevée dans la seconde moitié du 16e s. est l'un des bâtiments religieux les plus anciens et les plus attachants de Lima. Église et couvent des Dominicains occupent le carré de terrain (manzana) que Pizarro avait octroyé au frère Vincent de Valverde, le principal des conquistadors en soutane qui l'avait accompagné pendant la conquête. Maintes fois reconstruit au gré des séismes, l'intérieur de l'église a été remanié dans un style néoclassique au 18e s. par le maître d'oeuvre Matías Maestro, qui fit malheureusement disparaître son ancienne ornementation baroque et surtout ses retables en bois sculpté. A g. du maître autel, se dresse le retable de la Virgen del Rosario et à dr. le monumental retable de los Santos peruanos, où sont conservés les restes de San Martín de Porres (1579-1639) et Santa Rosa de Lima, béatifiée et enterrée dans l'église en 1667. Son gisant d'albâtre, au pied du retable, est dû au sculpteur italien Melchior Caffa (1169).
Le clocher est à lui seul un symbole de la Lima coloniale : il aurait été dessiné par le vice-roi Amat vers 1764 et présente trois corps élancés, de plan octogonal, abondamment garnis de colonnes : on y reconnaît une influence du rococo autrichien. Tout au sommet de la coupole, un angelot de bronze semble étendre un bras protecteur sur la vieille cité.
Clocher de l'église de Santo Domingo et azulejos du cloître principal (photo D. Duguay)
Très intéressante est la visite des deux cloîtres, inchangés depuis le 17e s. (le couvent en comptait cinq à l'époque de sa splendeur). On y accède par la conciergerie, une vaste salle carrée ornée d'un éblouissant plafond de style mudéjar, oeuvre du frère Salvador de Rivera (16e s.). Le premier cloître, de style mudéjar, est composé au rez-de-chaussée d'un beau décor d' azulejos importés de Séville surmontés par une série de tableaux relatant la vie de saint Dominique, oeuvres de Francisco Pacheco Sevillano et Mateo Pérez de Alesio (1630) et au premier étage, d'une galerie d'arcs soutenus par de fines colonnettes dédoublées. Du premier cloître, on accède à la salle capitulaire, elle aussi décorée d'un magnifique plafond artesonado de style baroque du au dominicain italien Diego Moroto. La somptueuse tribune ou cathèdre aux colonnes salomoniques, ornée d'un tableau représentant saint Thomas d'Aquin, rappelle que dans cette salle fut inaugurée la première université de San Marcos en 1551. Juste à côté, un escalier mène au coro alto (choeur haut) surplombant la nef de l'église. Il est orné de magnifiques stalles de bois sculpté représentant les Pères de l'Église. On accède ensuite au second cloître, havre de paix fleuri et inattendu, orné au centre d'une petite fontaine. À droite de la salle capitulaire, un escalier conduit à une crypte où se dresse le tombeau initial de sainte Rose de Lima.
Église de la Merced |
![]() (photo D. Duguay) |
Église et couvent de San Agustín
Angle Ica et Camaná.
En remontant la rue Camaná vers la Plaza de Armas, on passe devant la facade sculptée de l’église San Agustín (18e s.) qui compte parmi les plus belles du Pérou. De style churrigueresque, elle se laisse admirer depuis une petite place, malheureusement défigurée par les édifices modernes qui l’entourent. Ses quatre registres superposés dans un foisonnement de colonnes torses, de pilastres, de niches surmontées de conques, de statues et de décors végétaux, témoignent de l’ancienne richesse de ce couvent, fondé en 1592.
Portail de l'église San Agustín (photos D. Duguay) - La "Mort" de Baltasar Gavilán
Le cloître principal, reconstruit après le tremblement de terre de 1687, est surmonté d’une élégante galerie d’arcades à doubles colonnes, ce qui confère une grande légèreté à l’ensemble. La galerie du rez-de-chaussée est ornée sur ses quatre côtés d’une série de peintures racontant la vie de saint Augustin. Elles furent réalisées vers 1745 à Cuzco par le maître Basilio Pacheco qui s’est représenté lui-même sur le dernier tableau, agenouillé, à l’enterrement du saint.
Avec un peu de chance, on visitera la sacristie (hélas rarement ouverte au public) unique à Lima par le somptueux plafond mudéjar à trois plans qui la couvre, où l’on retrouve des éléments décoratifs de la plus pure tradition arabe. Là est conservée l’une des œuvres maîtresses de la sculpture coloniale baroque du Pérou : La Muerte, du Liménien Baltasar Gavilán (18e s.). Cette représentation de la Faucheuse en écorché bandant son arc est tellement saisissante qu’elle a suscité une légende selon laquelle le sculpteur serait mort en rentrant dans son atelier une nuit, foudroyé de terreur à la vue de son oeuvre, seulement éclairée par un blafard rayon de lune…
Église San Pedro
Angle Jr Ucayali et Azángaro.
Achevée en 1638, cette église d’un style baroque assez épuré, l’une des plus grandes de la ville, fut construite par les Jésuites. Sa façade élégante est la moins retouchée de Lima, car elle est une des rares à avoir résisté à tous les séismes, hormis les tours reconstruites en 1940. Elle fut pendant longtemps l’église des mariages élégants de la capitale.
Façade de l'église de San Pedro - "Le couronnement de la Vierge" de Bernardo Bitti (sacristie)
L’intérieur est d’une grande richesse. Les autels des chapelles latérales sont de très beaux exemples d’architecture baroque et témoignent d’une extraordinaire virtuosité dans le travail du bois recouvert de « pan de oro ». Chaque autel, au milieu d’une profusion de colonnes torses richement sculptées de coquilles, de petits arcs, renferme de nombreuses niches avec des statues polychromes ou des peintures. Le maître-autel, de style néo-classique, est dû à Matias Maestro (fin 18e s.). Il est entouré d’élégantes tribunes dorées d’où les vice-rois pouvaient assister à l’office derrière des jalousies.
La sacristie est entièrement recouverte de boiseries baroques et son plafond à caissons est orné de fresques racontant la vie de saint Ignace de Loyola. Parmi les tableaux qu’elle renferme, on verra deux œuvres maîtresses de Bernardo Bitti (1548-1610) jésuite italien considéré comme l’initiateur de la peinture coloniale au Pérou : une somptueuse Coronación de la Virgen et une Virgen de la Candelaria qui voisinent avec deux grands tableaux de Diego de la Puente et une belle série de sept archanges réalisée par le peintre cuzquénien Bartolomé Román.
Église de las Nazareñas
Cette petite église conventuelle érigée dans la seconde moitié du 18e s. est un curieux mélange de style baroque autrichien et de néo-classique. Chaque 18 octobre, elle constitue le point de départ de la Procession du Señor de los Milagros, l'un des évènements les plus importants de la vie traditionnelle et religieuse de Lima, depuis qu'un jour de novembre 1655, le mur d'une petite chapelle où un Christ avait été peint par un esclave noir d'Angola, fut le seul à avoir résisté à un terrible tremblement de terre. En 1684, on édifia une église de style baroque sur les vestiges de la chapelle initiale. Partiellement détruite lors du tremblement de terre de 1746, l'église dut encore être reconstruite entre 1766 et 1771 à l'initiative du vice-roi Amat, sous la forme qu'on lui connaît aujourd'hui. Le pan de mur miraculeux se trouve de nos jours à l'emplacement du maître autel de l'église au centre duquel se trouve la fameuse effigie du Cristo Moreno, qui est une copie de la fresque initiale, entourée de part et d'autre par des statues représentant saint Jean de la Croix et sainte Thérèse d'Avila.
Attenant à l'église, le monastère de Las Nazareñas, fondé en 1730, fut lui aussi reconstruit plusieurs fois, notamment après les séismes de 1940 et 1966. Il abrite toujours des soeurs Carmélites Déchaussées (Descalzas).
Santa Rosa de Lima
A l'extrémité du Jirón del Conde de Superunda (rue qui part de la Plaza de Armas) et de l'autre côté de l'avenida Tacna, le sanctuaire de Santa Rosa, patronne de Lima, est un modeste oratoire du 18e s., bâti près de la maison natale de Sainte Rose de Lima (1586-1617). A g. au fond du paisible jardin tropical, subsiste le minuscule ermitage, presque une niche, où vécut la sainte et l'on voit le puits, où selon la tradition, elle jeta la clé de son cilice. Presque en face de l'entrée du jardin, un petit musée ethnographique de la selva renferme des objets de la vie quotidienne et des produits de l'artisanat des tribus indiennes de la région de Puerto Maldonado, dans le bassin du rio Madre de Dios.
©Daniel DUGUAY
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