Guide du Pérou

CAJAMARCA

50 000 h. - Alt. 2750 m - 857 km au nord-est de Lima - 301 km de Trujillo

Sertie dans un écrin de montagnes, Cajamarca est considérée comme l’une des plus belles cités coloniales du Pérou. Indiens chamarrés et citadins affairés se croisent sur la plaza de Armas où plane encore le tumulte assourdi de la chute de l’empire inca. Ramassé tout autour, le petit centre historique et ses joyaux architecturaux appellent à la promenade loin des grands flux touristiques. Cité prospère grâce à son riche bassin minier, la ville bénéficie de sa situation au coeur d’une région tranquille et florissante : sa vaste et verdoyante vallée est un des bassins agricoles les plus fertiles des Andes du Nord du Pérou.

Cajamarca monumental


Façades de l'église San Francisco et de l'église de Belén (photo D. Diguay)

Autour de la Plaza de Armas
La ville est organisée selon un plan orthogonal autour de la plaza de Armas, où fut autrefois exécuté l’Inca Atahualpa, et aujourd’hui centre animé d’une vie très provinciale. Il faut prendre le temps de s’asseoir sur un banc, au milieu du jardin agrémenté d’arbustes taillés selon l’humeur et la fantaisie du jardinier, de contempler les vieilles demeures à balcons de bois qui bordent la place, d’observer le va-et-vient des paysans qui se rendent au marché, d’admirer le ciel immense au-dessus des montagnes pour comprendre et partager le tranquille bonheur de Cajamarca…
La fontaine coloniale qui orne le centre de la place fut élevée en 1562. Commencée à la fin du 17e s. dans le style plateresque, la cathédrale est célèbre pour sa magnifique façade de style baroque, l’une des plus richement sculptées du Pérou, où abondent les corniches, les colonnes ciselées de grappes entrelacées de feuilles de vigne, et une multitude d'autres sujets. Les deux tours qui l'encadrent ne furent jamais achevées, d'où une impression de manque de hauteur et d'envolée à l'ensemble. L'intérieur, assez froid, renferme un maître-autel en bois sculpté, recouvert d'or, de style roccoco. À côté de la cathédrale, la chapelle du Sagrario (1685) renferme de beaux retables en bois sculpté.
De l’autre côté de la plaza de Armas, en retrait derrière un jardin, l’église San Francisco à la façade baroque du 17e s., bien plus sobre que celle de la cathédrale, est sans doute le premier sanctuaire chrétien fondé au Pérou. Près du maître-autel, on accède à des catacombes. Elle est flanquée à dr. de la chapelle de la Virgen de los Dolores (18e s.), patronne de Cajamarca, où est pieusement conservée la petite statue de la Vierge (1m30) couronnée d'or et enveloppée dans un riche manteau filé d'or de 3m de long. Très belle voûte en pierre sculptée.
L’église est annexée à un couvent ouvert à la visite, qui occupe l’emplacement d’un temple ou d’un palais que les Espagnols désignaient sous le nom de Fuente del Inca.

Cuarto del rescate (Chambre du rachat)
Jr. Amalia Puga 750 (en face de l’église San Francisco).
Ce dernier vestige du palais d’Atahualpa ne devait jadis faire qu’un avec le bâtiment sur lequel fut édifié le couvent de l'église San Francisco. Un passage couvert conduit à un édifice élevé en gros blocs taillés de style typiquement inca : il aurait servi de prison à l’Inca Atahualpa. Selon les chroniques, le souverain aurait promis à Pizarro de remplir sa cellule d’or et de lui offrir deux fois ce volume en argent, en échange de sa liberté.
Ce que l’Espagnol accepta. De toutes les provinces du Pérou, affluèrent des convois d’or et d’argent, et la rançon fut payée. Cependant, à la différence de l’Inca, les Espagnols ne tinrent pas leur parole. Ils incriminèrent Atahualpa d’une fausse tentative de trahison et, après une parodie de procès, le firent exécuter sur la grand-place de Cajamarca le 29 août 1533..

voir la page historique : Cajamarca ou la fin d'un empire

à g. : Atahualpa promet de remplir sa prison d'or et d'argent en échange de sa liberté (peinture de Jorge Sabogal)
à dr. :
le Cuarto del rescate ou "Chambre du rachat" (photo D. Duguay)

Église et ancien hôpital de Bélen
Constitué d’un ancien hôpital et d’une église, cet autre joyau colonial des 17e et 18e s. se dresse au pied des rues en escalier qui grimpent vers le cerro Santa Apolonia. Depuis une charmante placette où l’on rencontre quelques boutiques d’artisanat, on admire un portail sculpté qui passe pour l’un des chefs-d’oeuvre de l’art plateresque au Pérou. Il donne accès à un vaste cloître orné en son milieu d’une jolie fontaine. De l’autre côté de la calle Santisteban, l’ancien hôpital des femmes, qui faisait partie de l’ensemble, abrite le Museo de Etnografía, aux dimensions assez modestes. On y verra tout de même quelques bons exemples de céramiques de la culture préincaïque de Cajamarca.

Cerro Santa Apolonia
Départ de l’escalier calle Santisteban au pied du centro monumental Bélen. Compter 20 mn d’ascencion.
Cette colline, dominant la ville, fut aux temps pré-incaïques une huaca vénérée : on y voit encore un autel de pierre que l’on nomme (abusivement) chaise de l’Inca. C’est du haut de cette éminence que les Espagnols pointèrent leurs pièces d’artillerie sur la place de Cajamarca où arrivaient Atahualpa et sa suite le jour de la capture de l'Inca. Du belvédère situé au voisinage de la « chaise de l’Inca », on découvre un splendide panorama sur la ville, la vallée et les montagnes qui l’entourent.

A voir dans les environs :

Baños del Inca
6 km au sud-est
Cette station thermale aurait été mise en exploitation par les incas et la légende veut que l'Inca Atahualpa s'y trouvât, prenant les eaux pour se remettre d'une blessure reçue lors de la guerre qui l'opposait à son demi-frère Huascar, au moment où les espagnols de Francisco Pizarro se présentèrent devant la ville de Cajamarca (novembre 1532). C'est dans cet endroit retiré qu'Atahualpa reçut l'ambassade conduite par Hernando de Soto, venant le prier, de la part de Francisco Pizarro, de se rendre dans les murs de la ville pour le lendemain.
Dans la station thermale actuelle, toujours en activité, subsiste un bâtiment de dimensions assez réduites, aux murs en gros appareillage, dénommé "Pozo del Inca". Il est doté d'une porte trapézoïdale et à l'intérieur, d'un bassin d'eau chaude. C'est à peu près tout ce qu'il subsiste de cette villégiature d'été de l'Inca Atahualpa, pour laquelle certains chroniqueurs espagnols n'hésitèrent pas employer le mot de "palais".

Ventanillas de Otuzco
8 km au nord-est
Au flanc d'une colline dominant la verdoyante vallée du Rio Chonta, cette nécropole rupestre pré-incaïque (600 à 1200 apr. J.-C.) est l'une des curiosités archéologiques les plus notables du bassin de Cajamarca.


(photo D. Duguay)

On y découvre des centaines de tombes à niches, de forme carrée ou rectangulaire, creusées dans la paroi rocheuse sur plusieurs étages, d'où le nom de "ventanillas" (petites fenêtres). Leurs ouvertures, aujourd'hui béantes, étaient à l'époque précolombienne recouvertes de plaques en or ou en argent, qui furent saccagées au temps de la Conquête.
Les niches funéraires y sont de deux types : certaines sont de simples cavités creusées dans le roc, l'ouverture directement orientée vers l'extérieur; d'autres, plus complexes, présentent un corridor profond de 6 à 8 m, à l'intérieur duquel se distribuent plusieurs niches de part et d'autre. Le corridor le plus profond ne présente pas moins de 13 niches. Dans ce cas, il devait s'agir de tombes de personnages importants.
L'âge de cette nécropole parait correspondre au développement de la culture de Cajamarca, soit entre 600 et 1200 après J.-C., date de sa disparition et de son assimilation par l'empire Inca. Dès cette époque, il semblerait que la nécropole ait été abandonnée.

Aqueduc de Cumbe Mayo
20 km au sud par la route de la côte. Alt. 3700 m. Compter 3h de visite.
Ce canal est l’un des ouvrages d’art hydraulique précolombiens les plus remarquables de l’aire andine. Il fut probablement construit pendant le 1er millénaire av. J.-C. L’aqueduc, dont la longueur (actuellement reconnue) atteint 9 km, conduisait les eaux de ruissellement du versant oriental de la cordillère vers un réservoir situé au pied du cerro Santa Apolonia, avant de servir à l’irrigation des terres arables du bassin de Cajamarca. Le travail de la pierre, comme le tracé, est très élaboré, et de nombreux pétroglyphes, dont on ignore la signification, sont encore visibles.
À l’entrée du site archéologique se dresse un ensemble d’aiguilles rocheuses (ou bosque de piedra) dénommées los Frailones, leurs formes évoquant un cortège de moines encapuchonnés. On y trouve un sanctuaire rupestre datant de l’époque des Indiens Cajamarca, constructeurs de l’aqueduc : il s’agit d’une grotte creusée en demi-cercle, dont la forme évoque une tête d’homme et dont les parois sont ornées de pétroglyphes. À proximité, un tunnel creusé dans la roche était sans doute associé au sanctuaire.


L'aqueduc de Cumbe Mayo - à dr. une "chicane" destinée à ralentir la vitesse du courant (photos D. Duguay)

Celendín et la route de Chachapoyas
120 km au nord-est de Cajamarca (env. 3h30). Alt. 2620 m. 25 000 hab.
Par une assez bonne route – qui franchit tout de même deux cols à plus de 3000 m – on parvient à cette jolie et paisible bourgade, réputée pour son artisanat traditionnel de chapeaux de paille, son marché du dimanche haut en couleurs et surtout pour sa fête de la Virgen del Carmen (16-29 juillet), traditionnellement clôturée par cinq jours de courses de taureaux. Hormis pendant cette période, on ne rencontrera pas de problème pour trouver un hébergement : Celendín compte plusieurs restaurants et hôtels bon marché dont le prix n’excède pas 10 $.
C’est à partir de Celendín que l’on peut se lancer (mais seulement pendant la saison sèche) sur l’extraordinaire mais très difficile route de Chachapoyas, mais il faudra compter 12 h de trajet pour couvrir les 230 km qui séparent les deux localités !
Elle franchit d’abord un col à plus de 3000 m et, après une longue descente, conduit à Balsas (55 km), village situé au fond de la vallée encaissée et sauvage du Río Marañón. De là, la route escalade la Cordillère centrale jusqu’à l’abra Barro Negro (3680 m), littéralement le « col de la boue noire » en offrant de magnifiques vues plongeantes sur la vallée du Marañon, dans un décor de forêts de nuages. Après ce col, on redescend tout aussi abruptement vers Leimebamba pour rejoindre la vallée du Rio Uctubamba, qui marque l'entrée de la région de Chachapoyas.

Conflit minier et guerre de l'eau en altitude
Près de Celendin, dans la cordillère nord, existe la plus grande mine d’or d’Amérique du Sud, celle de Yanacocha, désormais dénommée Compania Peruana Buenaventura, mais qui appartient en fait à la Newmont Mining Corporation, dont le siège est à Denver (USA). Elle extrait 2,5 millions d’onces d’or par an et emploie environ 8000 travailleurs : son poids économique et la puissance de son lobbying dans la région de Cajamarca sont considérables. Cependant, depuis la fin des années 1990, chaque tentative d’extension foncière de Yanacocha provoque de véritables soulèvements. Le dernier en date est le projet d’extension, des gisements aurifères de La Conga oppose depuis plusieurs années les autorités civiles et les défenseurs de l'environnement : selon ces derniers, le percement de la gigantesque mine à ciel ouvert qui est prévue ferait disparaître plusieurs lagunes glaciaires et bouleverserait la physionomie du bassin hydrographique de toute la région, entraînant la disparition de centaines de sources et plus de 250 ha de prairies humides.
Outre le dommage causé aux agriculteurs et petits éleveurs du secteur, la principale raison du conflit est que les 220 000 habitants de Cajamarca sont depuis longtemps rationnés en eau potable : la ville peut à peine consommer 200 litres par seconde tandis que la plus grande mine d'or d'Amérique du Sud, celle de Yanacocha, toute proche, a le droit de consommer 900 litres par seconde pour son activité industrielle... La société Yanacocha (du nom d'un lac existant avant l'exploitation minière), possède 5 mines à ciel ouvert et employait en 2011 près de 10 000 employés. Elle est détenue majoritairement par la société américaine Newmont Mining.

Le conflit éclate pendant l'automne 2011, suite à une contamination de l'eau, puis prend une ampleur nationale, largement répercutée à l'extérieur sur internet. Marches et manifestations se succèdent non seulement à Cajamarca mais aussi dans d’autres grandes villes du pays, à tel point que les médias péruviens parlent désormais de « conflit minier » et de « guerre pour l’eau ». La situation dégénère en juillet 2012, lorsque de violents incidents font cinq morts. Devant la levée de boucliers et dans la crainte d'évènements plus dramatiques encore, le président Ollanta Humala qui avait initialement donné son accord au projet, décide de le suspendre en septembre 2012. C’est l’une des première fois que les défenseurs de l’environnement au Pérou gagnent un combat contre les industries minières. Mais il ne s’agit peut-être que de la première manche...


Protestation de paysans sur le site de La Conga - AFP


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