Guide du Pérou


La route Transandine : du Pacifique à l'Amazonie

610 km de Chiclayo à Tarapoto - 740 km jusqu'à Yurimaguas


Le pont de Corral Queimado, sur le Rio Marañon

A la sortie nord de Chiclayo, juste après la bourgade de Lambayeque, la route Panaméricaine Nord se divise en deux : à g. elle se poursuit vers Piura et Tumbes et à dr. son ancien tracé se dirige vers le nord-est jusqu'au village d'Olmos, à 104 km de Chiclayo. A partir de là commence la fameuse route "Olmos-Marañón" tracée dans les années 1970 pour désenclaver les régions de la haute Amazonie péruvienne et leur offrir un débouché sur la côte Pacifique. Asphaltée en totalité, elle permet aujourd'hui de rejoindre Yurimaguas, sur les bords du Rio Huallaga, après un long périple selvatique de 740 km. Profitant du col le plus bas des Andes péruviennes, cette route baptisée désormais "route Transandine" constitue, depuis son achèvement, un axe vital pour l'économie et le tourisme du pays.

Chiclayo 0 0
Olmos 104 104
Jaén (embranchement) 180 284
Corral Queimado (Puente 28 de Julio) 20 304
Bagua Grande 30 334
Pedro Ruiz (embranch. Chachapoyas) 65 399
Rioja 175 474
Moyobamba 24 498
Tarapoto 112 610
Yurimaguas 130 740
Distances partielles et cumulées (en km) de la route Transandine

D'Olmos à Jaén
Après avoir quitté à Olmos le désert côtier, la route s'élève en lacets réguliers jusqu'au passage le plus bas des Andes du nord du Pérou : l'Abra Porculla (2145 m). A l'époque de la construction de la route Olmos-Marañon, ce col providentiel fut aussi utilisé pour livrer passage au grand oléoduc reliant les bassins pétroliers de l'Amazonie péruvienne au port de Bayovar, sur la côte Pacifique. Après l'Abra Porculla, qui marque aussi la ligne de partage des eaux entre Pacifique et Atlantique, la route redescend vers le village de Tambo, dans la vallée encaissée du Rio Huancabamba, qui avant de se jeter dans le Rio Marañon, peut être considéré comme l'un des tributaires les plus occidentaux de l'Amazone : sa source, à 3300 m d'alt., est située à 79°25' de longitude, alors celle de l'embouchure du grand fleuve dans l'océan Atlantique est à 32° !

Jaén
140 000 hab. - alt. 730 m
Au km 180 de la route transandine, un embranchement conduit, 18 km plus loin, à l'une des plus anciennes localités de la Selva alta. Elle fut fondée en 1549 sous le nom de Jaén de Bracamoros par le conquistador Diego Palomino, sur le territoire des Indiens Bracamoros, translittération hispanique du quechua "Pakamurus " qui veut dire "peints en rouge". Ces Bracamoros, cousins des Jivaros, qui avaient résisté farouchement aux armées incas et les avaient mis plusieurs fois en déroute, formaient une enclave quasiment indépendante dans le nord de l'empire à l'arrivée des Espagnols.
L'ouverture de la route transandine a "boosté" cette capitale de province jadis endormie, qui est aujourd'hui un important centre agricole tourné vers la production de riz et de café. Animée et très commerçante, elle n'a pas su, hélas, conserver ses vieux monuments : l'ancienne cathédrale du 19e s. a été démolie pour faire place à une construction moderne non dépourvue d'originalité, mais encadrée d'édifices en béton assez laids.
Le seul point d'intérêt est le Museo Regional de Jaén, av. Hermógenes Mejía Solf s/n, Montegrande, t (076) 434 118, www.museohermogenesmejiasolf.com. ouv. lun-ven 8h-15h, qui présente des collections de fossiles, de céramiques, de statuettes et d'outils lithiques provenant des cultures préincaïques du Haut-Marañon, d'argenterie de l'époque coloniale ainsi que des parures de plumes et des objets traditionnels des populations selvatiques. C'est dans le quartier où se trouve le musée que des archéologues dégagent depuis 2010 la Huaca de Montegrande, révélant un centre cérémoniel à structure pyramidale (800 avant J.-C.), muni de terrasses et de rampes d'accès, abritant plusieurs sépultures dont celle d'un seigneur local, ou d'un grand-prêtre, entouré de coquilles marines, témoignage de relations commerciales très anciennes entre les peuples de la côte et ceux de la Selva alta.

Corral Quemado
A cet endroit, la route Transandine franchit le Rio Marañon par le Puente 28 de Julio, pont suspendu à 30 m au-dessus des eaux. Inauguré en 1956, cet ouvrage fut l'une des grandes fiertés du régime militaire du général Odria. Il est depuis peu doublé par un autre ouvrage plus moderne. En mai 2009, il fut le théatre de violents accrochages entre les populations locales et l'armée, en marge des sanglants évènements de Bagua Grande.

Pongo de Rentema
30 km au Nord-est de la route Transandine - alt. 400 m
Après le Puente 28 de Julio, un embranchement à g. conduit vers la bourgade de Bagua Chica, et au delà, permet de découvrir l'une des grandes curiosités naturelles de la région : le Pongo de Rentema, le mot "pongo" en quechua signifiant porte, ou défilé. Peu après son confluent avec le Rio Chinchipe et le Rio Uctubamba et sur une section longue de 2 km, le Rio Marañon s'y fraie un étroit passage entre les parois imposantes de la cordillère Centrale, couverte d'une épaisse végétation. Au plus étroit du défilé, sa largeur varie entre 8 et 20 m. L'encaissement des gorges où roulent ses eaux tumultueuses offre un contraste saisissant avec l'amplitude de son lit, large de plusieurs kilomètres, là où les trois rivières se rejoignent peu avant, en formant d'innombrables bras paressant entre les bancs de sable. A l'entrée du Pongo se dresse un énorme cerro rocheux, dénommé Cerro de los Dinausorios : sur ses pentes escarpées, des affleurements rocheux ont révélé la présence de très nombreux fossiles marins qui font désormais l'objet d'un petit commerce local, tout à fait illicite.


Le Rio Marañon au Pongo de Rentema : à son entrée et dans sa partie la plus encaissée.

vers le Pongo de Manseriche
Accès : 197 km au Nord-Est depuis Bagua Chica, par la route de Santa Maria de Nieve.
Ce terrible défilé est le dernier obstacle franchi par le Rio Marañon avant sa lente course vers Iquitos. Pour franchir les parois du dernier chaînon de la cordillère orientale formée par les Cerros de Campanquis, son lit, qui en amont mesure entre 250 et 400 m de large à la hauteur de son confluent avec le Rio Santiago, se reserre à l'entrée du pongo pour ne plus atteindre que 35 m de large dans sa section la plus étroite. Dans ce défilé long de 12 km, il forme un véritable maelstrom où ses eaux rugissent, emprisonnées entre deux parois rocheuses quasiment verticales, hautes de 40 m !
Le pongo de Manseriche fut pour la première fois descendu en 1619 par le capitaine Diego Baca de Vega, qui alla fonder la petite ville de Borja, plus en aval, mais ce n'est qu'en 1864 qu'il fut remonté par un petit navire à moteur de la marine péruvienne.

Bagua Grande
Cette grosse bourgade agricole étirée tout en longueur est une annexe moderne de Bagua Chica, qui se trouve plus loin au nord-ouest sur l'autre rive du Rio Uctubamba. La localité est devenue malheureusement célèbre au Pérou à cause des sanglants affrontements de juin 2009 entre l'armée et les populations locales protestant contre des concessions pétrolières octroyées sur des terres appartenant à des communautés natives. Ce que l'on appelle désormais le "massacre de Bagua" fit plus de 50 victimes et l'opinion publique en rendit le gouvernement d'Alan Garcia en grande partie responsable.

Après Bagua Grande, la route Transandine remonte la vallée du Rio Uctubamba jusqu'au carrefour de Pedro Ruiz d'où part à dr. la route de Chachapoyas. L'endroit est un amoncellement de cabanes précaires où se pressent gargotes, buvettes et kiosques d'épicerie, peuplé d'une foule de voyageurs qui y attendent, de jour comme de nuit, les omnibus de passage vers Chachapoyas, Moyobamba ou Chiclayo. Passé Pedro Ruiz, la route remonte pour escalader les versants de la Cordillère orientale.

Laguna de Pomacochas
Peu après le village de La Florida, on découvre à dr. de la route Transandine ce magnifique lac d'une superficie de 40 ha, niché à 2150 m dans un écrin verdoyant de moyenne montagne. Son nom en quechua signifie "le lac des pumas". Ses rives offrent une grande biodiversité et l'endroit est réputé auprès des amateurs de "birdwatching". On peut y pratiquer le canotage et la pêche à la ligne : ses eaux sont riches en truites, carpes et pejerreys.


Laguna de Pomacochas (photo Yacumama.com.pe)

20 km plus loin, la route Transandine franchit la Cordillère orientale à l'Abra Patricia (2302 m), dernier obstacle d'importance avant la longue descente vers le bassin amazonien.
Dans les collines boisées proches du col, s'étend la réserve Abra Patricia-Alto Nieva, administrée par l'ECOAN (Asociación de Ecosistemas Andinos) une association privée de protection de la nature, et où l'on trouve un lodge qui accueille les birdwatchers du monde entier : l'endroit est le dernier refuge, entre autres espèces rarissimes, de l'un des plus petits hiboux du monde que l'on croyait disparu : la lechucita bigotona, qui ne mesure pas plus de 15 cm et dont la population actuelle ne dépasse pas les mille individus. On peut y découvrir aussi de magnifiques variétés d'orchidées.

Rioja
30 000 hab. - alt. 848 m
Fondée au 18e s., cette petite ville agréable, nichée dans la vallée du Alto Mayo, se proclame "ville des chapeaux et porte de l'Amazonie" car elle fut longtemps l'un des grands centres du chapeau de paille, lequel était fabriqué pratiquement dans chaque foyer, en utilisant une plante originaire de la région, le bombonaje (carludovica palmata). D'allure déjà très tropicale à en juger par les énormes palmiers de sa Plaza de Armas, elle a su conserver son cachet colonial. La ville est particulièrement animée lors de son carnaval, célébré pendant la 2e semaine de février, avec défilés, chars fleuris, concours de danses traditionnelles dont la très colorée "danse des diables de Rioja", élection de miss et stands gastronomiques.
Rioja, qui compte bon nombre d'hôtels de catégorie moyenne, voit les visiteurs affluer à cette occasion. Il sera prudent d'y réserver son logement à l'avance.

Moyobamba
50 000 hab. - alt. 860 m
Capitale du département de San Martín, située sur la rive dr. du Rio Mayo, elle fut la première cité espagnole de la Selva. Fondée en 1542 par Alonso de Alvarado, l'un des grands conquistadors du Pérou, elle est connue pour être la terre des orchidées, des oranges et des fruits exotiques qu'elle exporte en masse vers la côte pacifique et vers Lima. Malheureusement, les tremblements de terre les plus récents (1990 et 1991) ont contribuée à la disparition de ses édifices historiques. Elle reste néammoins une ville accueillante pour faire étape sur la route de Tarapoto. Les autorités locales refont peu à peu une beauté aux sites dignes d'intérêt, afin d'attirer les touristes. De petites agences de tourisme proposent des excursions vers les cascades et sources thermales des alentours.

Lamas
Accès : 12 km par un embranchement à g. de la route Transandine
Niché dans la Cordillera Azul à seulement 25 km de Tarapoto, ce village indien traditionnel passe pour être la capitale folklorique de l'Amazonie du nord du Pérou. Sa topologie est pour le moins accidentée et l'on peut à juste titre parler de village perché puisque ses différents quartiers s'étagent entre 310 et 920 m d'altitude ! Ses habitants conservent jalousement leurs coutumes et leur dialecte, qui est un mélange de quechua et de cahuapana. Car l'histoire de Lamas est compliquée : peuplée à l'origine par des Indiens Tupi-guaranis et Arahuacos, elle servit de refuge au milieu du 15e s. aux peuplades Pocras et Chancas, venues de la cordillère centrale après qu'elles aient été défaites par les armées incas, ce qui explique cette bizarrerie linguistique. Sa fondation espagnole fut l'oeuvre non pas de conquistadors, mais de missionaires franciscains en 1656. On y confectionne des chapeaux et divers objets en paille tressée.
Chose d'autant plus étonnante dans ce petit paradis tropical et qui plus est en pleine Amazonie, la présence incongue d'une réplique de château fort en pierre de taille, avec son donjon et ses mâchicoulis, qui abrite un petit musée des traditions locales. Sa fête de la Santa Cruz de los Motilones a lieu pendant la seconde semaine d'août, elle est suivie peu après par la fête de Santa Rosa de Lima (dernière semaine d'août).


Costumes traditionnels de Lamas (photo mitiempo.pe)

Tarapoto
120 000 hab. - alt. 353 m
Dernière localité importante de la route Transandine, Tarapoto est située au pied des derniers contreforts andins, à la lisière de la jungle orientale péruvienne. Fondée tardivement en 1782, sa végétation exubérante lui a valu le surnom de "ville des palmiers"et elle est devenue le centre le plus actif du département de San Martín grâce notamment à son aéroport qui la relie directement à Lima. La moyenne des températures y est de 29° et la saison des pluies, à éviter, est mars-avril. Aux alentours se construisent, dans des décors enchanteurs, des complexes hôteliers haut de gamme aptes à recevoir des tours organisés qui en font désormais la première destination touristique de l'Amazonie péruvienne. La ville elle-même n'offre pas de monuments notables et le seul point d'intérêt, à une cuadra de la Plaza de Armas, est le petit Museo Regional de la Universidad de San Martín, Maynas 174, ouv. lun-ven 8h-20h, qui présente quelques trouvailles archéologiques faites dans la région, notamment des urnes funéraires, et surtout une impressionnante collection d'insectes locaux. Les amateurs de tabac pourront aussi aller visiter, à quelques blocs de la place, la Tabacalera del Oriente, où l'on peut assister à la confection des cigares et faire l'emplette de jolies boîtes à cigares au décor peint à la main.

À voir aux environs de Tarapoto
Les agences de tourisme sur la Plaza de Armas proposent par contre des excursions vers les principales curiosités naturelles proches de la ville, commeles pétroglyphes de Polish (8,5 km) où l'on peut voir, sur une superficie d'un hectare, des blocs gravés de motifs représentant des plantes et des animaux de la selva ainsi qu'une grande figure géométrique assez compliquée, que l'on pense être une sorte de carte de la région environnante. L'origine de ces pétroglyphes découverts en 1966 demeure une énigme et leur attribution aux peuplades Pocras et Chancas qui colonisèrent les sites actuels de Lamas et de tarapoto à l'époque des Incas, n'est pas du tout certaine. Plus fréquentées sont les cataractes d’Aguashiyacu (14 km sur la route de Yurimaguas) dans la Cordillère d'Escalera, qui forment une magnifique chute d’eau de 35 m de hauteur, baignant au passage fougères et orchidées et s'achevant dans un bassin naturel où l'on peut se baigner. En ville, vous trouverez des mototaxis qui vous y conduisent (AR) pour 15 à 20 S/. La Laguna Azul, aussi dénommée Laguna el Sauce, se trouve quant à elle à 16 km, sur la rive dr. du Río Huallaga : c'est le plus vaste plan d'eau de la région et l'endroit préféré des habitants de Tarapoto qui viennent le dimanche y faire du canotage, pêcher où déjeuner dans ses restaurants typiques.

Pongo de Aguirre
15 km au Sud-est de Tarapoto par la route menant aux villages de Shapaja et Chazuta
C'est ici que le Rio Huallaga franchit, dans des rapides bouillonnants, la Cordillère orientale qui porte ici le nom de Cordillera Escalera, avant d'étaler ses méandres dans le bassin amazonien jusqu'à Iquitos. L'endroit est connu des amateurs de rafting et les agences de tourisme de Tarapoto y organisent des expéditions de deux ou trois jours. Au début du défilé, on observe dans une falaise l'ouverture béante d'une grotte où, selon la légende, un couple d'aigles géants attaquaient jadis les téméraires qui s'aventuraient sur de frêles embarcations dans cet endroit perdu et sauvage. Plus proche de la réalité historique, ce serait entre Tarapoto et l'entrée des gorges que le fameux conquistador Lope de Aguirre (1508-1561), lors de la première grande expédition amazonienne censée rechercher l'El Dorado, se serait mutinée et assassiné son chef Pedro de Ursúa en 1560. Cette dramatique expédition a fait l'objet du film de Werner Herzog, Aguirre ou la colère de Dieu (1972). En tout cas, c'est bien en souvenir de celui qu'on appellait "Aguirre el loco" (le fou) que le pongo doit son nom.


Yurimaguas, au bord du Rio Huallaga (photo peruserviciosturisticos.com)

Yurimaguas
30 000 hab. - alt. 180 m
Après 130 km depuis Tarapoto, par une bonne route récemment asphaltée, on arrive à ce bout du monde niché au bord du fleuve, que ses habitants appellent "la perle du Huallaga". La route s'arrête ici et le Rio Huallaga prend le relais. Des cargos ou des bateaux de passagers relient Iquitos en 3 ou 5 jours, selon les conditions de navigation, mais il faut parfois attendre plusieurs jours avant de pouvoir monter à bord. La petite ville offre quelques hôtels assez moyens où il faudra prendre son mal en patience.


Page d'Accueil / Géographie et climats / Écosystèmes / Folklore / Artisanat / Gastronomie / Économie / Histoire /
Littérature / Mario Vargas Llosa / Peintres péruviens / Index des curiosités et sites / Carnet pratique / Livres
Pour en savoir plus sur les civilisations de l'ancien Pérou, consultez le...

©Daniel DUGUAY
dduguay@club-internet.fr